III

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A 16 ans, je changeai de vie. Je déménageai chez mon père à 4h de route de ma petite ville tranquille pour tenter d’échapper à Max qui semblait me suivre partout. Je ne me sentais plus en sécurité nulle part depuis que j’avais rompu avec lui le mois dernier ; Mama avait dû s’interposer pour ne pas qu’il revienne me chercher après le passage aux urgences qu’il m’avait coûté et l’année que j’avais passée à vivre chez lui m’avait laissé terrifié, je n’en dormais presque plus. Une part de moi était morte dans ce petit appartement et je ne souhaitais pas en perdre davantage. Je commençai donc ma nouvelle vie dans une nouvelle région et un nouveau lycée -pas que j’ai connu grand-chose de l’ancien comme je vivais cloîtré chez Max tel un prisonnier. Je dus d’abord m’acclimater à ma nouvelle famille ; mon père s’était remarié et avait eu une adorable petite fille avec sa nouvelle compagne l’année d’avant. Pour moi qui était fou de ma cadette Dys et à qui elle manquait terriblement, avoir une seconde petite soeur à aimer et couvrir de cadeaux fut une bénédiction. Je me mis rapidement d’accord avec mes nouveaux parents pour babysitter la petite que je surnommai Kal chaque week-end pour les soulager d’un poids tout en prenant mes marques dans les rues nocturnes toutes fraîches que je découvrai en sortant en douce une fois la nuit tombée durant la semaine, trouvant bien vite à qui m’adresser pour avoir accès à l’alcool et aux fêtes qui n’attendaient que moi et me revigorai de celles-ci pour garder mes démons en laisse. Ma vie scolaire commença quelques jours plus tard et je m’assurai d’avoir assez de vodka pour faire face au monde des études.

La première rencontre qui me marqua fut Manon. Ah, Manon. Elle avait cette douceur dans les yeux qu’elle cachait derrière une attitude je-m’en-foutiste et une personnalité de rebelle qui me plaisait particulièrement. Les cheveux décolorés, de grands yeux bruns et une montagne de bagues argentées de toutes tailles à ses doigts : c’était Manon. Elle avait tout de suite réalisé à ma façon de boire trop lentement que ce n’était pas l’eau que je trimballais dans ma bouteille en plastique et elle n’avait pas hésité à demander sa part, que je lui offrai avec plaisir en échange d’un paiement en nature. Nous sommes très vite devenus inséparables ; je l’emmenais faire la fête avec moi certains soirs et nous nous remettions de cuite en buvant encore plus durant les cours. Nous nous disions tout. Je lui avais présenté Tom et Mama par appel vidéo et ils l’avaient tous les deux adorée. Ensuite il y eut Céline. A cette époque, j’attirais surtout des hommes cis-hétéros qui me prenaient pour une fille malgré ma transition ; c’est-à-dire qu’avec mon style vestimentaire fait de jupes, de crop tops et de rose et mes manières efféminées, je ne passais absolument pas pour un garçon. Il m’était arrivé quelques fois d’attirer des femmes bisexuelles ou lesbiennes mais la plupart de mes plans cul étaient composés d’hommes hétéros, je me retrouvais donc principalement à sucer ceux-ci ou à me faire tripoter les fesses en dansant pour eux. Ce fut un relief de rencontrer Céline, une magnifique femme pan aux longues boucles brunes et à la peau , et de la voir devenir une de mes habitués. Je me sentais en sécurité dans ses bras et j’adorais jouer avec son corps à mon aise. Très vite, elle me proposa même ma première séance de tatouage et voilà que je lui dessinais une paire d’ailes sous l’oreille gauche tandis qu’elle me gravait un cœur rouge sous l’oreille droite ; mon ange gardien et son grand amour. Entre-temps, je découvrai la voix douce de Téodore et sa jolie barbe qui remplissait son visage et son arrière-train bien fourni. Manon m’assura qu’il n’était pas mon type mais j’avais envie de jouer alors je me mis au défi de le séduire. Ce ne fut pas dur ; je lui proposai de réviser les cours d’anglais avec moi, le convainquis de m’inviter à étudier chez lui et le surpris en lui avouant être plus que bon en anglais. Il me demanda pourquoi j’étais venu si je n’avais pas besoin d’étudier et je lui avouai être là pour lui. Il n’hésita pas longtemps avant d’accepter que je l’embrasse et juste comme ça, je gagnai un accès illimité à ses fesses que j’adorais tant. Mais ce que j’aimais le plus chez Téo, c’était la façon dont il me faisait me sentir : avec lui je me sentais grand et en total contrôle. Max m’avait forcé à me sentir petit et insignifiant pendant trop longtemps, je voulais reprendre le contrôle de mon environnement aussi bien que de mon corps. Après toute la souffrance qu’il m’avait causée, j’avais pris la mauvaise habitude de me faire du mal comme j’avais ingéré le message que je le méritais et je n’arrivais pas à m’arrêter. Mes jambes étaient pleines de coupures plus ou moins fraîches cachées plutôt habilement sous les coutures de mon caleçon ou sous des paires de chaussettes montantes noires, si bien que personne de tous les gens qui me virent en petite tenue ne remarqua les traces que mes traumas m’avaient laissées. Personne ne remarqua non plus la grande cicatrice en forme de serpent enroulée autour de mon bras gauche que je cachais sous une tonne de maquillage, autant pour moi que pour le reste du monde. Le simple souvenir de cette horreur me provoquait des excès de violence envers moi-même tant sa naissance fut un horrible souvenir de gravé sur ma peau et au creux de mon âme. Mes sorties dangereuses tard le soir étaient elles aussi une façon comme une autre de me faire du mal ; je buvais trop, rentrais chez n’importe qui qui voudrait bien de moi.

Cette nuit-là, je n’avais pas particulièrement bu mais je soupçonnai assez vite que quelqu’un ait glissé quelque chose dans mon verre durant la soirée. Je rentrai avec deux hommes charmants -ou peut-être était-ce l’alcool qui parlait- qui m’invitèrent dormir chez eux. J’avais la tête qui tournais, je ne marchais plus droit quand j’eus la bonne idée d’appeler un ami qui était également un de mes anciens clients mais il n’était pas comme les autres ; lui ne m’a jamais touché. Il me retrouvait dans des hôtels peu fréquentés et me regardait en tentant tant bien que mal de rester calme malgré son attirance indéniable pour mon corps d’adolescent. Je pouvais le tenter autant que je voulais mais rien n’y fit, il ne me toucha jamais. Il se contenta de me parler, d’apprendre à me connaître et ce soir-là, je l’appelai sur un coup de tête. Il vit tout de suite que quelque chose n’allait pas. Il m’avait déjà vu bourré mais cette fois-là je semblais parti bien loin. Mes deux hôtes interrompirent notre appel vidéo pour venir se frotter contre moi, ce que j’appréciai peu mais je planais trop haut pour pouvoir exprimer mon mécontentement clairement. L’un d’autre eux me toucha l’entrejambe et je tiquai, sortis un petit << non >> que moi-même j’eus du mal à entendre mais mon ami l’entendit caché derrière son écran et il éleva la voix furieux :

- Vous savez quel âge il a ? C’est un mineur, vous commettez un délit. Je vais appeler les flics si vous ne le sortez pas de suite de votre appartement ! Je vais venir le chercher et vous n’avez pas intérêt à être dans le coin quand j’arriverai !

Il mentit sur cette dernière partie, il vivait bien trop loin pour pouvoir venir me chercher mais mes hôtes n’en savait rien et furent pris d’effroi. Ils marmonnèrent quelques excuses que j’étais trop saoul pour comprendre et m’abandonnèrent sur un banc quelques rues plus loin, laissant mon portable à côté de moi. Je ne sais pas ce qu’il se passa ensuite comme je m’endormai mais à mon réveil, Manon me surveillait et je savais que j’étais en sécurité entre ses mains. Celle-ci avait dut beaucoup s’inquiéter de mon état comme elle m’organisa une intervention ; elle me confisqua ma bouteille de vodka et me fit promettre d’arrêter de boire ou de passer mes nuits dehors, elle s’arrangea même avec nos amis en commun pour que je n’aie pas à dormir seul après que je lui avouai être terrifié par mes cauchemars. Elle me poussa également à manger plus, ce qui fut un véritable défi étant donné que j’avais pris l’habitude très tôt dans ma vie de manger peu mais je fis des efforts pour elle. Je détestais l’inquiéter autant.

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