IV

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Je passai ma première nuit sobre depuis longtemps chez elle. Elle habitait dans une petite maison dont je ne vis pas d’autres pièces que sa chambre comme elle me fit entrer par sa fenêtre, je ne demandai pas pourquoi. Je me doutais qu’elle avait des problèmes avec sa famille mais je n’osai jamais lui réclamer plus d’informations que ce qu’elle voulut bien me dire : ça n’allait pas fort avec sa mère. Elle me ramena une grosse assiette de pâtes au fromage une fois le soir venu et nous nous endormîmes collés l’un à l’autre. Une petite voix nous réveilla dans la nuit ; son adelphe d’environ 6 ans avait fait un cauchemar et réclama de dormir avec nous. Iel me demanda mon nom, je lui répondis en ajoutant << Moi aussi je fais des cauchemars. >> et nous nous rendormîmes jusqu’au matin. Je fis le même rêve que je faisais toutes les nuits durant lesquelles je n’étais pas trop bourré pour oublier : j’étais dans un labyrinthe, j’entendais un chat pleurer au loin et me dirigeai vers l’origine de ce bruit. Plus je me rapprochais, plus la voix semblait se déformer pour laisser place à un son qui me faisait frissonner d’effroi. Puis les mains gigantesque de Max se jetaient sur moi et me réveillaient en sursaut. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Il était là. Il allait m’attraper. Je devais fuir. Fuir. Il me fallut un moment pour réaliser que je n’étais pas de retour dans cet horrible appartement mais que j’étais avec Manon. En sécurité. Je repris mon souffle doucement, regardant frénétiquement autour de moi pour vérifier qu’il n’était pas là. J’étais en sécurité. Je finis de me calmer, poussant un grand soupir avant de retrouver une respiration normale. Sam, l’adelphe de Manon, me dévisageait. Manon lo fit sortir de la pièce et iel se tourna vers moi avant de partir.

- Tu fais des cauchemars plus effrayants que moi, me dit-iel.

Manon m’embrassa le front et me caressa les joues, elle laissa un moment de silence s’écouler avant de parler :

- Je ne sais pas d’où vient le problème mais il faut que tu lui fasses face pour guérir. Tu ne pourras pas l’éviter pour toujours.

Je le savais mais je ne me sentais pas prêt. Pas encore. Je voulais vivre dans le déni encore un peu, j’étais si bien ici. Mais elle avait raison ; je ne pouvais pas passer ma vie à fuir.

Je passai les semaines qui suivirent à réfléchir sérieusement à ce que je voulais faire. Une chose était sûre : je n’étais pas prêt à affronter Max. Mais Tom et Mama me manquaient tant. Rien n’était pareil sans eux. Ce n’était pas si amusant de faire le trottoir et de se bourrer la gueule à l’excès, je ne passais pas d’aussi bons moments en soirée. Je voulais les retrouver, même si pour cela je devais abandonner les soirées passées à parler de tout et de rien avec Manon et les doux bras de Céline, puis avec Téo ce n’était pas aussi sérieux qu’avec Tom. C’était juste pour déconner. Toute cette année n’avait été qu’une grosse farce, un moyen de décompresser. Je voulais rentrer chez moi mais étais-je prêt ? Il me faudrait survivre au harcèlement de Max, mais j’avais Mama pour me protéger et Tom pour me faire aimer la vie. Je serais bien entouré, c’était une certitude. J’allais vraiment le faire, j’allais rentrer. L’année scolaire touchait à sa fin et je n’étais de toute façon pas prêt à passer mon bac, à quoi bon ? Je n’aurais qu’à continuer de faire la pute. Le temps que la fin des cours arrive, j’avais fait mes adieux à toutes les personnes qui avaient de l’importance. Toutes, à part Céline. Je m’étais trop attaché à elle et devoir quitter Manon m’avait déjà brisé le coeur, je n’avais pas de place pour plus de chagrin mais je ne pouvais pas disparaître sans rien dire alors je décidai de lui offrir un souvenir accompagné d’une lettre d’adieu. Je choisis le plus joli collier dans une bijouterie du coin, une chaîne en argent avec une émeraude accrochée au bout, et me dirigeai vers son immeuble. Une fois devant, je fus pris de peur ; et si elle ne l’aimait pas ? Si elle me voyait par sa fenêtre et descendait me rejoindre ? Si elle m’en voulait de ne pas l’avoir quittée comme il faut ? Je faisais les cents pas devant la porte, m’imaginant les pires scénarios possibles quand un homme dans la quarantaine m’interrompit :

- Excuse-moi jeune homme, tu vis ici ?

- Non, je...

Qu’est-ce que je faisais exactement ? Qu’est-ce que j’attendais ? Ce n’était pas si compliqué, j’avais juste à déposer le bijou et la lettre dans sa boîte aux lettres. Je m’approchai de la porte quand l’homme me coupa le chemin.

- Et qu’est-ce que tu fais dans ce coin aussi tard ?

Il était à peine 20h passées et Monsieur jouait les flics. Comme il devait se sentir important de harceler un jeune noir habillé trop casual dans un quartier de riche. Je refusai de lui répondre et me préparai à le contourner sans un mot quand il m’attrapa par le poignet.

- Où est-ce que tu crois aller comme ça ? On ne rentre pas ici sans y être invité.

Ce gars commençait sérieusement à me faire chier. Je le repoussai, lui criant de me laisser tranquille mais il refusa de m’entendre et continua de me forcer la main. Je le poussai de toutes mes faibles forces -c’est ce qu’il se passe quand on ne mange pas assez, on est faible- mais il serra sa main autour de mon bras plus fort et je ne pus pas m’échapper. Un moment je me rappelai Max et je pris peur à l’idée qu’il puisse me faire du mal quand Céline apparu derrière lui et le frappa en haut du dos. Il me lâcha, se tourna vers Céline, se prit l’épaule, regarda sa main. Il saignait. Sa chemise grise s’imbibait de rouge à vue d’œil. Il cria en s’accrochant à moi, me couvrant également de sang.

- Aide-moi ! Je saigne, aide-moi !

Je me figeai. Son épaule continuait de saigner, mon crop top rose aussi était tâché de sang. L’homme me lança devant Céline pour s’enfuir mais celle-ci passa à côté de moi pour le rattraper. Elle l’empoigna par l’épaule où il était blessé, mettant ses doigts dans le trou qu’elle avait créé et le fit rouler par terre.

- Comment oses-tu t’en prendre à lui ? grogna-t-elle.

Elle se mit à le frapper, à coups de poings cette fois, et je restai planté là alors que l’homme criait. Je baissais les yeux vers mon top, plein de sang et le pris entre mes mains qui se salirent de la même couleur. L’odeur métallique du sang emplissait mes narines et semblait empester sur mes vêtements. Max était là. Ce n’était plus Céline mais Max au-dessus du corps de ce pauvre homme, le regard aussi sanglant que ses poings. Max était là. Il s’arrêta soudain et se tourna vers moi. J’étais le prochain. Je devais fuir. Fuir. Mon corps se remit en mouvement mécaniquement. Je laissai tomber mon cadeau et courus, je courus sans m’arrêter. Il ne devait pas me rattraper, non. Cette fois-ci, il ne m’aurait pas. Mon cœur battait la chamade, je n’osai pas me retourner pour voir s’il me suivait. Je devais me cacher. Je courus jusqu’à chez Manon, où je tambourinai à la porte comme si ma vie en dépendait. Manon m’ouvrit et me traîna dans la salle de bain. Elle poussa un petit soupir de soulagement en réalisant que je n’étais pas blessé et me prêta des vêtements propres après m’avoir aidé à me laver du sang de cet inconnu que Max avait passé à tabac. Il m’avait retrouvé. Il l’avait bien dit, il avait dit que je ne pourrais pas lui échapper. Je lui appartenais à lui et à lui seul. Je ne pouvais pas m’enfuir. Il m’avait retrouvé et j’allais payer pour avoir tenté de le fuir.

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