XIII

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Je n’avais pas encore 25 ans quand quelque chose de très étrange m’était arrivé. Laura venait d’emménager à la maison et tout se passait merveilleusement bien mais un soir, je m’endormis dans le lit de Tom et Matthieu avant de me réveiller dans une chambre que je ne connaissais pas dans des vêtements qui n’étaient pas les miens. Je passai une main dans mes cheveux et me rendis compte que mes locks n’étaient plus là. Me les avait-on défaites ? Je me levai pour explorer la maison sans pouvoir me rappeler comment j’avais atterri ici. Je montai à l’étage et aperçus de la lumière dans ce qui semblait être la cuisine, j’ouvris la porte vitrée pour me retrouver nez à nez avec une femme blanche qui devait avoir la cinquantaine.

- Oh, Skylar, me souria-t-elle. Tu te lèves tôt aujourd’hui.

- Euh, on se connaît ? lui demandai-je.

La femme ria, attrapa du sucre sur l’étagère à ma gauche puis se tourna pour en ajouter à la pâte crue qui se trouvait sur la table. Je regardai autour de moi, perdu, pendant qu’elle continuait de me faire la discussion comme si de rien n’était. Je la coupai pour lui redemander comment elle me connaissait et elle ria encore.

- Je suis ta mère, je t’ai mis au monde. Tu te souviens ?

Non, je ne me souvenais pas. Je n’y croyais même pas ; bien que ma génitrice lui aurait ressemblée de dos, elle n’avait absolument pas le même visage. Je ne savais pas ce qu’elle espérait accomplir en me mentant de la sorte mais ce n’était pas avec un mensonge aussi évident qu’elle s’en sortirait. Je commençai à perdre patience, je lui réclamai des réponses mais elle ne m’en donna aucune et me resservit la même histoire.

- Ça suffit, s’impatienta-t-elle, va jouer avec tes sœurs au lieu de m’embêter avec tes âneries.

- Mes sœurs ? Dys est ici ?

Je n’attendis pas sa réponse, je partis retourner toute la maison à la recherche de ma sœur adorée. Me kidnapper et se moquer de moi était une chose mais je ne laisserai personne toucher à Dys en pensant s’en sortir intact. Je fouillai chaque pièce, criant son nom et dérangeant deux jeunes femmes métissées, qui avaient tout l’air d’être les enfants de la mystérieuse femme dans la cuisine, mais ne trouvai aucune trace d’elle. Etaient-ce ces deux inconnues qu’elle avait appelées mes << sœurs >> ? Je ne pris pas la peine d’aller le lui demander et retournai dans la chambre dans laquelle je m’étais réveillé en espérant trouver des indices, sans succès. Pas de lettre près du lit, pas de petit mot, rien que mon prénom écrit en grand sur la porte. Je ne comprenais rien. Si c’était une blague, elle était très bien réalisée. Je trouvai un portable dans les affaires de cet autre << Skylar >> et le pris avant de quitter la maison. Première chose à faire : appeler mon Cuple pour que quelqu’un vienne me chercher. J’avais mémorisé le numéro de Mama en cas de besoin quand j’étais au collège, je l’appelai depuis mon téléphone volé tout en marchant le long des rues. Je ne reconnaissais rien des paysages qui m’entouraient alors j’essayai de trouver une place ou un bâtiment facilement identifiable tout en retenant le nom des rues qui défilaient devant moi. Une voix masculine décrocha finalement. Je demandai à parler à Mama, étonné qu’elle ait pu confier son portable à quelqu’un quand la voix me répondit :

- Qui ?

- Mama, la propriétaire de ce téléphone ? réclamai-je de nouveau.

- Je suis le propriétaire de ce tél, je ne connais pas de Mama. Vous devez vous être trompé de numéro.

La personne raccrocha. J’étais pourtant sûr que c’était le bon numéro mais j’avais également appris celui de Tom avec le temps alors je l’appelai. Une autre voix que je ne connaissais pas répondit, je demandai Tom, le propriétaire de ce téléphone et me prit la même réponse que pour Mama. Je n’y croyais pas. Ils avaient tous les deux le même numéro depuis des années et il m’était déjà arrivé de les appeler depuis un portable dans lequel leurs numéros n’étaient pas enregistrés. Je changeai donc de stratégie et cherchai ma ville sur Google Maps, me préparant à devoir rentrer à pieds mais je fus surpris quand le téléphone ne la trouva nulle part. C’était comme si toute ma ville, toute ma vie avait disparu sans laisser de trace. Je n’avais plus personne à appeler au secours et les gens à qui je demandai mon chemin ne m’aidèrent pas beaucoup. Je pouvais sentir l’angoisse monter en moi, mes sens étaient en surchauffe. C’était comme si une alarme incendie s’était déclenchée dans mon corps, excitant mon cœur et rétrécissant mes poumons. Je pouvais à peine respirer, je me sentais suffoquer quand la mystérieuse femme chez qui je m’étais réveillé me trouva. Me voyant bien agité, elle tenta de m’approcher pour me calmer mais je la repoussai violemment, lui criant de ne pas me toucher. Elle comprit vite que ce n’était pas une blague à mon visage et parut choquée que je ne me souvienne vraiment pas d’elle. Je me mis à pleurer avant de m’écrouler au sol. Je ne comprenais plus rien et j’en avais marre de cette étrangère qui me collait. Je voulais rentrer chez moi. Je sanglotai pendant un moment sans me rendre compte du temps qui passait jusqu’à ce qu’une ambulance se gare devant moi. Un pompier se positionna en face de moi et m’aida à faire des exercices de respiration pour m’apaiser, je suivis son exemple et repris le contrôle peu à peu. Il me demanda mon nom et plusieurs informations basiques comme mon âge et mon lieu de résidence mais mes réponses ne plurent pas à la femme qui me suivait, elle leur expliqua que j’étais son fils et que je vivais avec elle depuis ma naissance. Je tentai de me défendre mais les deux ambulanciers décidèrent de la croire elle plutôt que moi quand elle leur montra une copie de ma carte d’identité qu’elle avait sur son téléphone. Ils me dirent que je devais être confus et que j’avais besoin d’être hospitalisé d’urgence. Je n’arrivais pas à y croire. Cela devait être un rêve. Oui, je rêvais. C’était la seule explication logique. Je me démenai instinctivement quand ils m’attrapèrent par les épaules pour me faire monter dans leur véhicule, j’en griffai un au visage et mordis le bras de l’autre avant qu’il ne m’empoigne mais ils restaient tout de même deux grands hommes qui devaient bien faire le double de mon poids chacun -en plus de cela, je semblais avoir perdu en muscle depuis mon réveil- alors ils finirent pas réussir à m’attacher dans l’ambulance. Je haissai cette femme pour avoir sans aucun doute appelé le samu pendant ma crise d’angoisse. Pour cela, elle ne valait pas mieux que ma mère. Je passai le temps durant lequel on m’emmena aux urgences puis à l’hôpital psychiatrique le plus proche à tenter de me réveiller en vain. Une fois arrivé, on me plaça dans une chambre libre où je passai le reste de la journée à pleurer, ne sachant que faire d’autre. Je me rendis compte assez vite que rentrer chez moi n’allait pas être aussi simple que prévu mais la réalité de la chose me frappa le plus fort le lendemain matin quand je me réveillai dans le même lit d’hôpital sur lequel je m’étais endormi. Je ne comprenais pas comment cela pouvait être possible. Comment m’étais-je retrouvé dans un lieu que je ne connaissais pas sans que cela n’alerte personne ? Qu’est-ce que je faisais là ? Les jours passèrent et avec eux, une tristesse intense m’enveloppa peu à peu. Je voulais juste rentrer chez moi et embrasser mon Cuple. Où étaient-ils tous passés ? Cassandra se présenta à moi alors que je me laissais dépérir sur une chaise en plastique dans le jardin fermé de notre unité de soin. Elle vint me dire bonjour accompagnée de son petit frère, Adrien, qui se cachait toujours derrière un amas de cheveux noirs et d’épais gilets sombres. Ils s’installèrent à côté de moi pour me tenir compagnie mais je ne voulais pas parler alors je les examinai. Elle bavardait beaucoup trop, un vrai moulin à parole, tandis que lui semblait plus réservé. En une après-midi je savais tout d’eux ; Cass était une droguée doublée d’une alcoolique qui avait fait tomber son frère dans la drogue, le fentanyl pour être précis. Leurs parents avaient coupé les ponts avec leur fille après des années de mésentente quand ils avaient découvert ses addictions et Adrien avait défendu sa sœur en fuyant de chez eux dès qu’il avait eu 18 ans, ce qui me donnait un peu l’impression qu’ils étaient tous les deux seuls contre le monde entier. Cass était clairement la plus bancale des deux mais son frère était le plus dépendant, il supportait très mal le sevrage qui s’était fait brutalement après leur arrivée aux urgences quelques semaines plus tôt pour une overdose. Je voyais un peu de moi en Cass quand elle s’inquiétait des symptômes d’Adrien ; elle traitait son petit frère de la même façon dont je traitais Dys, avec le même amour protecteur autour d’elle. Quand ils revinrent me parler le deuxième jour, je ne pus m’empêcher de réclamer du silence à Cass qui piaillait sans cesse.

- Alors comme ça il parle, le petit, me souria-t-elle.

Après cela, nous passâmes notre temps ensemble. Je leur racontai mon arrivée aux urgences et le cauchemar que je vivais en me réveillant chaque matin dans mon lit d’hôpital, ils compatirent avec moi et me sentir pris au sérieux me fit tant de bien que j’en pleurai. Cass fit naître une théorie étrange selon laquelle j’aurais traversé le “multivers” pour me retrouver dans un monde parallèle, ce qui expliquait cet autre Skylar qui semblait vivre ici. C’était notre seule piste pour l’instant alors nous nous en contentâmes.

- Mais je n’ai pas été en contact avec de machine qui voyage entre les dimensions pourtant, la questionnai-je quand même.

- Peut-être que c’est toi qui as un pouvoir spécial, peut-être que tu rentrer chez toi en l’activant ! me répondit-elle, enthousiaste.

Je ne savais pas dans quel film elle se croyait mais je me laissai tenter par ses explications comme cela signifiait que je pouvais bien rentrer à la maison. Elle se mit à me faire faire des exercices en tout genre pour m’aider à activer mon pouvoir secret en me concentrant sur l’endroit où je voulais aller. Adrien nous regarda de loin et je jurais contre lui chaque fois que je le voyais pouffer de rire devant l’improbabilité de nos exercices. Elle me faisait essayer tout ce qui lui passait par la tête ; de faire le poirier pendant 10 minutes à méditer alors qu’elle essayait de me distraire en faisant la pitre autour de moi, nous avions tout tenté à tel point que je n’y croyais presque plus. Je refusais d’abandonner mais les idées de Cass ne paraissaient pas aider. Un jour où elle était restée en chambre parce qu’elle se sentait mal, je me pris à longuement discuter avec Adrien. Il m’avoua avoir une passion pour la photographie en plus des jeux vidéos mais ne pas avoir d’appareil avec lequel prendre de bonnes photos et je lui annonçai fièrement gagner assez d’argent pour pouvoir lui en acheter un dans mon monde. Je n’avais pas osé mentionner mon travail devant qui que ce soit d’autre depuis que j’étais ici de peur des mauvaises réactions mais avec lui, je savais que cela ne poserait aucun problème. Je me sentais bien avec lui, en sécurité.

- Tu me chercheras quand tu arriveras à rentrer ? me demanda-t-il ensuite.

Je n’eus pas besoin de réfléchir avant de lui répondre << oui >>. Je lui confiai que j’aurais hésité plus longtemps si c’était Cass qui me l’avait demandé mais lui, c’était d’une évidence. Je sentis qu’il était de plus en plus détendu autour de moi alors je me permis de l’interroger sur la raison pour laquelle il gardait ses cheveux tombants sur son visage. Son sourire se fit maladroit quand il m’expliqua qu’il avait une tâche de vitiligo sur la face qui le rendait très consciencieux. Je lui assurai qu’il était sûrement beau, vitiligo ou non, mais il ne me crut pas alors je proposai de le lui prouver en me laissant voir. Il craignait mon regard mais me laissa soulever ses longues mèches noires et j’en perdis mes mots. Non seulement je le trouvais adorable mais en plus, la tâche blanche le long de sa joue droite me captiva. Je caressai son visage de mes mains, sentant ses sourcils épais, les coins de ses yeux en amande et sa peau brune bien lisse puis laissant ma main traîner un peu plus longtemps là où elle avait blanchit.

- Tu es parfait, lui lançai-je.

Il ne devait pas s’y attendre comme il se mit à rougir alors je le lui répétai pour être sûr qu’il s’en souvienne. Cela parut le marquer, je le vis retenir ses larmes avec effort tandis que je continuai de l’admirer. J’avais terriblement envie de l’embrasser. Je ne sais pas s’il le sentit mais il détourna soudain le regard et remit ses cheveux en place devant ses yeux. Peu de temps après, nous rejoignîmes les autres patients pour le repas et nous n’en parlâmes plus.

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