XXII
Notre plus jeune Chaton, quant à elle, était sur le point de perdre son titre pour le léguer à Chris ; l’enfant que j’aimais comme une fille avait réservé ma journée mais quand j’arrivai chez elle tout content en pensant à toutes les bêtises que nous allions faire, elle se jeta dans mes bras en pleurant. Ses parents n’étaient pas rentrés du week-end et l’avaient laissée seule sans un mot ni personne pour veiller sur elle alors qu’elle n’avait pas encore 7 ans. Elle ne tenait peut-être pas assez à eux pour que leur absence la dérange mais elle s’était retrouvée entièrement seule pendant deux jours sans que personne ne s’inquiète d’elle, elle avait sagement attendu le début de la semaine pour me faire venir afin de ne pas me déranger pendant mon temps en famille et j’avais dû lui rappeler qu’elle aussi en faisait partie. Après cela, je la fis rire et jouer jusqu’à ce que vienne l’heure de rentrer et, ses parents refusant toujours de se montrer ou de répondre à mes messages, je la ramenai chez moi pour la présenter officiellement à mon Cuple. Je lui avais tant parlé de mes amours et mes amours d’elle qu’elle trouva facilement sa place entre les blagues de Tom et le côté geek de Gwen, sans oublier l’ego considérable de Sugar qu’elle nourrit juste comme il faut. Les Chatons n’avaient pas eu le temps d’entendre grand chose à son sujet depuis leur arrivée mais ils ne perdirent pas une seconde avant de former une alliance solide avec elle qu’ils nommèrent le << conseil des Chatons >> et Chris sauta au plafond quand Sally lui servit son fameux << Je m’appelle Sally, je suis lesbienne >> durant leurs présentations, elle idolâtrait cette dernière depuis que je lui avais montré ses vidéos alors elle la supplia de la prendre comme disciple. A partir de ce moment, nos deux benjamines passèrent leur temps ensemble à filmer et noter tous nos faits et gestes comme si nous étions leurs cobayes. Nous entendions leurs rires résonner dans toute la maison quand elles se faisaient repérer par l’un d’entre nous et qu’elles s’enfuyaient en courant, Manon et Ambre se prêtèrent à leurs jeux en les poursuivant dans les couloirs.
Deux semaines passèrent sans nouvelles des parents de Chris, toute la communauté queer du pays que nous avions vue grandir se réunit à Queerland pour le mariage de Mama et Laura. Elles s’étaient fiancées quelques mois plus tôt et nous nous étions occupés de tout pour leur offrir la plus merveilleuse des journées ; nous avions couvert toute l’île de guirlandes de fleurs blanches, engagé un petit orchestre d’instruments à corde comme musique d’ambiance puis nous avions installé une arche d’hortensias blanches ornées de rubans de la même couleur en guise d’autel, devant lequel se trouvaient un bon nombre de bancs en bois où nous nous assîmes le temps de la cérémonie. Ce fut un moment parfait. Voir Mama, qui avait passé tant de temps seule à me materner, sourire à son aimée dans sa jolie robe blanche me combla de bonheur, je ne pus me retenir de verser quelques larmes et je ne fus pas le seul ; Tom pleurait comme une madeleine à côté de moi. Une fois la cérémonie finie, nous pûmes déguster toutes les petites entrées faites maison que chacun avait ramenées et prendre un moment pour discuter entre nous ou féliciter nos deux mariées. Kal et Lysandre étaient venus accompagnés de leur grande demi-sœur Mae que j’avais déjà rencontrée quelques fois, ils sautèrent dans les bras de Mama et Laura dès qu’ils en eurent l’occasion. Parmi la foule de visages familiers, je reconnus également Eglantine qui était venue avec son copain et quelques amis. Je peinai à cacher mon abattement en apprenant qu’elle était en couple, elle avait été mon tout premier crush féminin et j’avais encore du mal à me la sortir de la tête. Le reste de notre temps sur l’île se passa à merveille, nous restâmes trois jours de plus pour faire la fête puis nous reposer avant de rentrer chez nous. Une fois en ville, je dus faire une halte au commissariat avec Chris où ses parents nous attendaient ; ils étaient finalement rentrés et avaient contacté la police afin que je leur ramène leur fille. J’entrai armé de mes deux formidables avocats, Alistair et Caspian, et exigeai de ses géniteurs qu’ils me confient la garde de Chris sous peine de ternir leur précieuse réputation en les signalant pour négligence. J’avais désormais suffisamment de preuves pour leur faire payer toutes ces années d’absence, ils le savaient alors ils acceptèrent ma proposition et je pus officiellement adopter ma petite protégée. En guise de célébration, mon Cuple apprit à Chris comment faire de délicieux gâteaux au chocolat. Étant plutôt doué en pâtisserie, j’aurais pu lui enseigner moi-même mais je ne supportais pas l’odeur du cacao et refusais catégoriquement de m’en approcher. Ma chère fille se mit à pleurer sous le coup de l’émotion devant son gâteau terminé, sanglotant qu’elle avait toujours rêvé de ce moment et je lui embrassai le front en signe d’affection. Quelques jours seulement après que nous fûmes rentrés de Queerland, Eglantine se fit mettre à la porte par son copain après qu’il eut découvert sa transidentité et contacta Sugar en lui demandant de l’aide. Les deux femmes s’étaient liées d’amitié durant notre temps sur l’île, la grande rousse s’était ouverte à mon amoureuse pour lui partager son parcours de transition afin que cette dernière ait une meilleure idée des voies qui s’offraient à elle et cela avait créé un lien assez fort entre elles deux. Quand nous apprîmes que l’amie de Sugar avait des ennuis, Tom, Gwen et Manon nous accompagnèrent jusque devant chez elle où elle nous attendait avec le coude et les genoux en sang. Elle s’était écorché la peau lorsque son amant l’avait salement jetée dehors. Sugar resta auprès d’Eglantine pour l’aider à reprendre son calme tandis que nous montions dans son appartement pour aller récupérer ses affaires et sa petite chatte adorée, Mika. Son nouvel ex nous laissa vider leur logement de tous ses biens, ne souhaitant rien garder de sa présence ici, puis une fois les dernières plantes attrapées, il me tendit un livre en m’incitant à le lire.
- Ça te concerne aussi, me dit-il en me donnant l’ouvrage.
C’était un petit livre soigneusement relié avec une couverture bleue sur laquelle était marqué << Fleur et Ciel >>. Fleur. C’était comme cela que j’appelais Tine avant de lui donner son prénom, parce qu’elle sentait toujours la fleur. Et Ciel ? Mon surnom, une fois francisé, donnait ce nom. Etait-ce un hasard ? Le résumé donnait un air de romance à l’histoire et l’ouvrage était signé du nom de la belle rousse, ce qui me perturba mais je ne l’ouvris pas. Je ne savais pas si c’était par peur de ce que je pourrais y trouver ou simplement par respect pour mon amie, peut-être un peu des deux. Après cela, Eglantine s’installa dans la chambre de Sugar -elle qui s’était si souvent plainte quand elle avait partagé sa chambre avec d’autres, je fus surpris qu’elle tienne tant à inviter Tine dans son espace. Les Chatons furent ravis d’avoir un petit chat tricolore à la maison, bien qu’il fallut un peu de temps à Mika -et à son humaine- pour se faire au changement, et Chris fut choquée de voir une rousse si rousse ! Le lendemain, je profitai de la présence de Tom au travail pour m’éclipser afin d’aller rendre visite à notre nouvelle venue dans sa petite librairie de manière à m’assurer que son changement de lieu de vie ne la dérange pas trop. Elle m’accueillit avec un grand sourire mais je sentis sa nervosité dans la façon dont elle fixait la porte avec insistance, elle me confia qu’elle s’était faite agressée quelques années plus tôt alors qu’elle était sur le point de fermer la boutique et que son ex-copain, qui promenait son gros chien, avait fait fuir ses trois assaillants. Depuis lors, elle avait toujours emmené le canidé au magasin avec elle pour mieux se protéger mais maintenant qu’ils avaient rompu, elle se retrouvait de nouveau seule et elle avait du mal à faire face. Je lui conseillai donc de s’arranger avec Adrien, ma petite femme au foyer, pour qu’il vienne lui tenir compagnie histoire d’apaiser ses peurs. Celui-ci accepta de se reposer dans la librairie de Tine entre la prise de deux photos et fut bien vite suivi d’Ambre qui commença un stage dans la boutique pour aider notre amie qui travaillait seule depuis la mort de l’ancienne propriétaire. Je laissai quelques jours s’écouler avant de questionner Eglantine sur son livre, elle m’assura que ce n’était qu’une fiction comme une autre mais je sentis qu’il y avait plus à en dire bien que je ne la forçai pas à m’en parler, je ne pus cependant empêcher un certain malaise de se former entre nous. Je ne savais pas si c’était la mention de son œuvre ou quelque chose d’autre mais il y avait comme un mur tendu entre nous.
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