XXVI

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Nous rentrâmes à Jennyhouse juste à temps pour la rentrée des Chatons. Kitty me partagea qu’il y avait un nouveau dans sa classe, Ezra, et qu’il avait désespérément envie de s’occuper de son beau visage et de ses cheveux ébènes mi-longs -il passa un temps considérable à me les décrire- mais qu’il avait peur de s’imposer trop vite. Je lui conseillai d’appliquer le réflexe de Pavlov à son camarade. Le concept était simple : lui offrir un bonbon ou de la nourriture chaque fois qu’il le voyait de façon à ce que le garçon associe quelque chose de positif à ses rencontres avec mon Chaton afin qu’il souhaite se rapprocher de lui de son propre chef. Dès le lendemain, Kitty prit l’habitude de lui donner une sucette en gage de “bonjour” chaque matin et de le laisser finir ses plats à la cantine. Après dix jours seulement, Ezra s’était déjà fait à avoir sa sucette du matin et réclama une sucette à la pomme à mon Chaton. L’occasion étant trop belle, il lui promit de lui en acheter une s’il arrêtait de fumer pour la journée comme sa passion pour la cigarette détruisait petit à petit le nez de l’adolescent. Son camarade lui confia son paquet et son briquet en gage de confiance puis passa la journée avec lui afin qu’il puisse le surveiller de près. Kitty, tout content, le prit par le bras pour le conduire dans la cour et ne le lâcha plus jusqu’à ce qu’Ezra lui fasse remarquer sa proximité.

- Pourquoi tu es si physique, tes parents ne t’ont pas assez aimé ou quoi ? lui lança-t-il.

Il se voulait humoristique mais mon Chaton prit très mal sa remarque et sortit du lycée en trombe pour m’appeler. Il se trouvait que j’étais justement dans le coin alors je m’absentai un instant, laissant Tom et Manon se débrouiller pour aller chercher Kitty qui souffrait en se rappelant ses parents. Je gardais la maison avec lui afin de le réconforter pendant qu’il sanglotait dans mes bras quand son lycée m’appela ; Rory s’était apparemment battu contre Ezra après qu’il l’ait blessé. Je retournai dans l’établissement pour convaincre mon Chaton de s’excuser auprès de son camarade, lui rappelant qu’il ne devait pas suivre les traces de son père en approuvant la violence gratuite s’il souhaitait vraiment devenir différent et il m’écouta. Cela parut lui coûter mais il finit par réprouver ses actes. Kitty m’ayant expliqué ce qu’il s’était passé je profitai de la présence d’Ezra pour l’informer qu’il avait heurté mon Chaton et réclamer de lui qu’il s’excuse en bonne et due forme le lendemain. Il lui offrit alors une sucette à la fraise aussi rose que sa jupe pour lui demander pardon, ce à quoi Kitty répondit en lui tendant le paquet de clopes et le briquet avec lesquels il avait fui la veille. Quand il lui ordonna de regarder à l’intérieur, Ezra y trouva une sucette à la pomme, comme convenu, et son visage se détendit. Il se savait pardonné. Après cela, mon Chaton invita son camarade dans notre club pour finir la semaine en s’amusant avec Rory et quelques amis. Ils ne réussirent pas à obtenir d’alcool auprès de nos barmans que nous surnommions Barbies mais heureusement pour eux, Tom et Manon s’étaient mis en tête de frauder en ramenant notre propre vodka qui passait pour de l’eau dans nos bouteilles en plastique. Ils adoraient la clandestinité et je m’étais laissé tenter par leurs petites manigances. Je confiai discrètement une de nos bouteilles à Kitty en lui rappelant de boire lentement et avec modération, lui qui ne tenait pas bien l’alcool. Il me remercia et partit se cacher de nos Barbies au fond du club. Quelques verres plus tard, je les cherchai dans la foule histoire de vérifier que leur soirée se passe bien quand je vis Ezra se pencher contre mon Chaton pour l’embrasser. Celui-ci l’étreignit en lui rendant son baiser et j’en déduisis donc qu’ils passaient un bon moment. Les deux garçons passèrent la nuit ensemble avant de se réveiller à Kittenhouse, la maison des Chatons. Ezra supplia Kitty de jouer avec lui quand il trouva un jeu vidéo qui l’intéressait dans la belle collection de Gwen, mon Chaton saisit sa chance et exigea qu’il le laisse s’occuper de son apparence en retour. Il put donc lui faire un soin du visage accompagné d’un petit massage avant de laver ses cheveux avec ses produits puis de le coiffer et de le maquiller. Ils passèrent un long moment à lui faire tester tout type de blush et de paillettes et, bien qu’il râla, j’étais certain qu’Ezra s’amusait. Il rentra chez lui avec le sourire mais les choses s’envenimèrent une fois le week-end passé. Mon Chaton retrouva son ami épuisé et extrêmement tendu, à tel point qu’il perdit le contrôle quand Kitty lui sauta dans les bras et le rejeta violemment en lui criant de ne pas le toucher avant de s’excuser mille fois en se rendant compte de ce qu’il avait fait. Le garçon fut choqué et compris immédiatement que quelque chose n’allait pas. Ezra le prenait désormais dans ses bras en lui promettant qu’il ne laisserait personne lui faire du mal mais il ne connaissait personne qui aurait pu lui en vouloir, il ne comprenait pas ce que son amant lui racontait. Il décida de l’inviter à la maison après les cours histoire de l’aider à récupérer et me prévint qu’il agissait bizarrement afin que je sois présent pour l’aider. Je le questionnai rapidement à son arrivée sur la raison de son agitation mais il ne voulut rien me dire. Quand je constatai sa fatigue à ses yeux lourds et ses cernes, je l’interrogeai :

- Qu’est-ce qui t’empêche de dormir chez toi ?

- Personne, répliqua-t-il sèchement.

Je savais que je n’obtiendrais rien de plus de lui mais j’avais au moins pu m’assurer que c’était bien quelqu’un et non pas une situation qui lui posait problème. Je le laissai se reposer tranquillement avec Kitty et une fois mon Cuple rentré, je leur partageai ce que j’avais retenu de nos échanges. Adrien, notre tête de l’informatique, trouva son adresse sans trop de mal. Il vivait avec ses deux cousins depuis que sa mère leur avait délégué la garde de son unique fils. Je partis leur rendre visite accompagné de Tom et de quelques membres de la Meute qui savaient se défendre histoire de couvrir nos arrières mais nous n’eûmes presque pas besoin d’utiliser la violence. Nous comprîmes assez vite à la façon dont ils parlaient de lui que les cousins d’Ezra n’étaient pas bien intentionnés, il suffit de les pousser un peu pour qu’il nous avoue tous leurs méfaits. Ils s’amusaient sans cesse à tourmenter l’adolescent depuis qu’il était enfant et ils avaient profité de la précarité de sa génitrice pour acheter sa garde de façon à mieux pouvoir s’en prendre à lui. Ezra révélera plus tard à Kitty qu’ils avait menacé de s’en prendre à lui pour l’atteindre, ce qui l’avait tant perturbé qu’il en avait perdu le sommeil. Quand nous en eûmes fini avec eux, ils nous proposèrent d’eux-même de nous confier le garçon en s’excusant platement de leur comportement. Nous récupérâmes donc tous les papiers et affaires personnelles de leur cousin avant de rentrer annoncer la nouvelle au garçon. Ezra n’en crut pas ses oreilles quand nous lui expliquâmes qu’il était libre de rester, je le surpris à effacer une larme du coin de ses yeux. Suite à cela, l’adolescent prit refuge dans la chambre de Kitty et ce dernier en profita pour le forcer à prendre soin de son apparence, l’incitant à pratiquer la self-care avec lui et réussissant même quelques fois l’exploit de le maquiller pour aller au lycée. Ce qu’ils se dirent resta entre eux mais je me réjouissais de voir Kitty travailler avec tant d’ardeur pour épauler son nouveau copain en l’aidant à faire face aux violences dont il avait souffert et à s’ouvrir un peu plus au monde. Il était devenu beaucoup plus souriant et sûr de lui depuis qu’il s’était rapproché d’Ezra. Entre-temps, Camille, elle, avait toujours du mal à dévoiler ses bras. Elle le faisait sans mal devant Angel, Sugar ou encore moi quand nous étions seuls mais elle n’arrivait pas à montrer ses cicatrices devant le reste du Cuple et des Chatons. Je pouvais voir qu’elle avait terriblement envie de s’ouvrir aux autres mais la peur l’empêchait de passer à l’action et elle ne la supportait plus. Alors quand elle vint me voir pour me demander conseil, je décidai de me livrer à elle. Je retroussai mon pantalon et passai un coup de lingette démaquillante sur ma jambe nue pour lui révéler mes marques, presque aussi grosses que les siennes. Je lui expliquai calmement que j’avais menti en disant m’en être débarrassé, en vérité je cachais les miennes grâce à une crème qui prenait la couleur de ma peau. J’avais commencé à les cacher ainsi pour mon travail, puis par peur des réactions des autres et enfin j’avais continué par habitude et par facilité. Ensuite les Chatons avaient fait leur entrée dans ma vie, les gens avaient commencé à me regarder non plus comme un pair mais comme un modèle et j’avais pris peur à l’idée de leur ôter leur petit héros en leur dévoilant que lui aussi était humain. Ma gorge se serra alors que je lui contais ces mots. Je n’avais pas eu le cœur à décevoir autant de personnes d’un coup mais elle n’avait pas ce poids sur les épaules, elle était plus jeune et surtout plus forte que moi alors j’avais voulu croire qu’elle pourrait réussir là où j’avais échoué mais je me rendais compte maintenant comme c’était égoïste de ma part d’en attendre autant d’elle. Elle me coupa en me prenant dans ses bras.

- Ce n’est pas égoïste de vouloir m’aider, sanglota-t-elle. Je vais faire de mon mieux pour toi.

Ses paroles me réchauffèrent le cœur. Je la serrai fort contre moi et versai quelques larmes moi aussi. Quand nous nous séparâmes, je réalisai que je n’avais pas encore parlé de ma période auto-destructrice à Tine et je ressentis le besoin de lui en parler alors je la pris par le bras pour la traîner à l’écart. Je ne savais pas par où commencer mais mon amoureuse fit preuve de patience, attendant sagement que je me lance sans prendre la parole. Je lui parlai de mes cicatrices, pour qu’elle comprenne mon geste il fallut que je lui raconte une part de ma vie avec Max -la partie qui m’a poussé à haïr mes jambes-, les viols. Je n’eus pas la force de prononcer le mot mais elle comprit à mon hésitation et mes phrases détournées de quoi je parlais, elle me prit par la main pour me montrer son soutien et cela aida un peu. Je me confiai également sur l’élément déclencheur qui m’avait fait sombrer : la nouvelle de ma première grossesse. J’avais 16 ans, je venais de quitter mon abuseur et il m’avait laissé un parasite dans le ventre. Evidemment, j’avais avorté mais cet événement m’avait considérablement marqué et c’était suite à cela que j’avais commencé à me couper. Une fois tous les mots dits, elle me prit doucement dans ses bras pour me murmurer << Ce n’était pas de ta faute >> au creux de l’oreille. J’avais toujours du mal à y croire mais l’idée trouvait petit à petit sa place au fond de ma tête.

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