XXVII

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Après notre discussion, Tine avait dû interroger les autres femmes du Cuple sur l’avortement comme deux jours plus tard, tandis que nous nous reposions tous dans notre grande chambre sous le toit, Manon nous questionna soudain sur le sujet.

- Qu’est-ce que vous pensez de l’avortement ? nous demanda-t-elle.

- Pas d’utérus, pas d’opinion, lança Gwen en premier.

- Je pense que c’est bien, ajouta Neil.

- “Bien” ? rétorqua Tom. Ça sauve des vies, c’est plus que bien !

Les autres acquiescèrent. Nous étions tous plus ou moins du même avis. Manon soupira, soulagée, puis nous confia qu’elle y avait déjà eu recours. Elle avait 20 ans à l’époque, quatre ans après le mien. Nous échangeâmes sur nos expériences qui s’avérèrent être totalement différentes ; elle l’avait bien vécu, elle s’était sentie bien accompagnée par son médecin et n’avait pas reçu de quelconque réflexion tandis que je l’avais très mal vécu et je m’étais senti atrocement jugé par la psychologue que j’avais dû voir, elle n’avait pas saisi que les rapports n’étaient pas consentis et m’avait bassiné d’explications sur l’importance de bien se protéger. Manon me partagea qu’elle aussi s’était retrouvée dans cette situation suite à un viol et la discussion vira sur nos expériences dans ce domaine. Neil nous avoua en avoir subit plusieurs aux mains d’un de ses ex, qui lui avait ensuite tatoué un serpent sur le ventre sans son consentement, ce qui lui avait créé des problèmes d’image monstre avant qu’il ne finisse par s’y faire. Tom s’attarda un instant sur son passé avec ces brutes épaisses de son ancienne fac et j’échangeai quelques mots sur mes expériences avec Max avant que Tine ne prenne la parole. Elle nous parla brièvement de son agression et de l’intervention de son ex qui l’avait sauvée ce jour-là mais coupa court à son récit afin de ne pas être prise par les larmes que l’on sentait au creux de sa voix. Pour nous redonner le sourire, Mama confessa comme elle était fière de nous pour la façon dont nous acceptions de partager nos expériences sans nous laisser abattre et un amas d’embrassades s’en suivit afin de nous réconforter les uns les autres. En attendant, Ezra était toujours pris de cauchemars dans lesquels il voyait ses cousins, ce qui affectait la qualité de son sommeil. Le garçon refusait d’en parler à Kitty alors ce dernier vint vers en me suppliant de lui parler mais pour qu’il accepte de m’écouter, il aurait fallu que je lui partage mes mauvaises expériences avec Max et j’étais terrifié à l’idée qu’il puisse le répéter à son copain qui avait une si haute estime de moi. Je ne me sentais pas prêt à affronter le changement de son regard sur moi alors Tom se proposa. Nous n’avions pas partagé les détails des abus qu’il avait subis avec Kitty ou qui que ce soit d’autre par respect pour sa personne mais mon amant se permit de lui narrer son histoire personnelle qui avait quelques similitudes avec la sienne pour s’assurer qu’il sache qu’il n’était pas seul et ne le serait plus jamais. Suite à ce partage, il réussit à le réconforter et à créer un lien solide avec lui, si bien qu’Ezra devint son protégé. Je fus on ne peut plus fier de voir mon amoureux prendre autant de responsabilité envers un de nos Chatons, lui qui aimait tant jouer les tontons rebelles d’habitude. Lui aussi grandissait à leur contact. 

Pour aider Camille à s’ouvrir au reste de la famille, nous partîmes faire du camping en pleine nature un week-end. Nous laissâmes la pression de la ville derrière nous et nous dirigeâmes vers un coin tranquille que certains d’entre nous connaissaient déjà bien ; il suffisait d’ignorer une barrière en bois installée en plein passage et d’entrer dans une petite forêt au milieu de laquelle se trouvait un lac.

- On y est, nous lança bientôt Mama. Gwen, tu peux aller soulever la barrière ?

- Oh Gwen, soulève-moi aussi, ricanai-je.

Un petit soulèvement de rire traversa notre car. Je me tournai vers Chris pour lui expliquer le double sens de ma phrase qui avait également une connotation sexuelle mais en m’entendant lui parler si librement, Ezra s’indigna :

- Ça ne choque personne qu’on parle de sexe avec une gamine de 7 ans ?

Je laissai le soin à ma fille adorée de lui expliquer que, si l’on voulait véritablement la protéger des prédateurs, il fallait qu’elle sache à quoi s’attendre et qu’elle soit capable de repérer les insinuations sexuelles dans le langage courant. C’est pourquoi il était primordial de l’aider à reconnaître les propos qu’il serait problématique d’utiliser envers une enfant de son âge. Une fois ses explications terminées, je lui caressai la tête tout fier. Alex me fit la réflexion qu’il ne s’attendait pas à ce que ma petite rousse soit si bien éduquée au vu de ses tendances pyromanes et considérant le fait que je l’avais élevée seul mais il ne faisait aucun doute pour Mama que j’étais destiné à être un père exemplaire. Nous entrâmes dans les bois et garâmes le car au bord du lac, le long d’un petit chemin à peine visible. Là, nous posâmes pieds à terre et nous préparâmes à aller faire un plongeon dans le lac malgré le froid de janvier. Chris sauta la première avant d’immédiatement regretter son choix et de revenir vers moi en courant.

- C’est froid ! cria-t-elle alors que je la recouvrais d’une serviette.

Manon plongea à son tour sans faire attention à l’avertissement de ma fille et ressortit rapidement du lac en disant la même chose, ajoutant qu’elle n’avait pas pensé que ce serait aussi froid. Le reste d’entre nous y alla petit à petit en prenant soin de se mouiller la nuque d’abord. Matthieu et Alex se sortirent des chaises de camping pour admirer le spectacle avec un verre de vin. Ils furent vite rejoints par Mama et Laura puis Chris à qui j’avais confié la tâche de commencer un feu de camp afin de pouvoir se réchauffer. Elle fut suivie de près par Ezra, désireux de voir si la minuscule pyromane allait entreprendre de brûler la forêt entière après qu’elle lui ai partagé qu’elle avait plusieurs fois brûlé des parties de ses anciennes écoles. Chris s’en sortit cependant très bien et délimita soigneusement la bordure du feu de manière à ne pas causer d’accident. Pendant ce temps, les Chatons finissaient d’enfiler leurs maillots pour nous rejoindre dans l’eau glaciale. Camille fut bien contente d’avoir un haut qui couvrait son ventre et ses bras, bien qu’elle se permit de retrousser suffisamment ses manches pour que l’on puisse entrevoir quelques cicatrices. Kaia remarqua aussitôt ses marques et prit sa sœur dans ses bras pour lui montrer son soutien, elle avait beaucoup appris d’Ambre et sut donc facilement trouver les mots pour l’encourager avant que Cam ne lui avoue avoir arrêté depuis. Bientôt, les autres Chatons s’aperçurent également des cicatrices de leur sœur et, chacuns leur tour, ils lui offrirent des mots doux et des câlins. J’envoyai un sourire à ma protégée ainsi qu’un pouce vainqueur pour lui signifier à quel point j’étais fier d’elle, elle avait enfin réussi à ouvrir la discussion avec sa fratrie et tous l’avaient bien pris. Suite à cela, nous nous entassâmes tous auprès du feu que Chris avait bien nourri pour manger notre dîner froid et faire chauffer quelques chamallows. Nous dormîmes à la belle étoile, certains préférant le confort des matelas à l’étage de notre car et d’autres, plus courageux, prenant place sur le toit de celui-ci enroulés dans de bonnes grosses couvertures. Le lendemain, quelques heures avant de partir, Sally, Gabi et Chris trouvèrent un immense manoir à l’orée des bois et tinrent absolument à le visiter. Des tas de lierre le recouvraient, lui donnant le camouflage parfois autour des arbres et nous n’étions jamais assez sortis de la forêt pour le voir alors nous fûmes tentés de trouver un moyen d’y entrer. Tom, Gwen et Alex en firent le tour à la recherche d’une porte ou une fenêtre laissée ouverte sans succès. Gabi s’apprêtait à jeter un gros caillou contre une vitre quand je découvris une cachette secrète à force de jouer avec les petits piliers devant la maison ; la boule posée sur l’un d’eux s’ouvrait et abritait une clé. Fier de ma découverte, je passai devant Gabi et sa grosse pierre afin d’apporter la solution la plus civilisée à notre problème en tournant la clé dans la serrure prévue à cet effet. La double porte s’ouvrit, nous permettant d’entrer dans ce petit château sans soucis. Il était composé entre autres d’un salon, un bureau, une bibliothèque et pas moins de sept chambres à l’étage. Nous nous déplaçâmes à travers les pièces aussi silencieusement que l’on visite un musée, nous assurant de ne toucher à rien de façon à ce que personne ne se doute de notre passage. Je visitais le bureau avec Kitty et Chris quand je vis un symbole familier gravé sur un mur à côté d’une toile ; une améthyste entourée de quatre étoiles. La gravure était similaire en tout point au pendentif que Charles Rosenheim m’avait offert peu de temps avant sa mort. Je ne pus m’empêcher de poser la main sur l’emblème puis de faire danser mes doigts contre le cadre du tableau et soudain celui-ci se détacha du mur pour s’ouvrir. Ma curiosité piquée, je poussai le tableau afin de l’éloigner complètement du mur et trouvai un minuscule coffre numérique. Je savais que je n’aurais pas dû y toucher mais je ne pouvais m’empêcher de penser que ce coffre avait un lien avec mon père adoptif alors je tentai de l’ouvrir en y entrant la date de notre rencontre, rien. Puis la date de son anniversaire, rien. En dernier recours, j’entrai la date de mon anniversaire et là, surprise, le coffre s’ouvrit. Chris s’enquit de crier aux autres que j’avais ouvert un coffre secret, ce qui rameuta tout le monde dans le bureau tandis que je dépliais une lettre sur laquelle était apposée mon nom.

<< Mon cher fils,

Je sais comme tu aimes ce coin de campagne non loin de la ville. Toi qui te mets toujours tant de pression pour impressionner tes proches et partager ta générosité, tu auras bien besoin d’un endroit où t’évader. Accepte donc cet ultime cadeau de ma part : dans ce coffre, tu trouveras le titre de propriété de ce manoir sur lequel j’ai ajouté ton nom. Je sais comme tu aimes faire les choses dans l’illégalité alors je me suis permis de te laisser des indices qui devraient t’avoir mené jusqu’à cette lettre et j’ai prié mon notaire de ne rien te dire quant à l’acquisition de cette maison afin que tu puisses la découvrir par toi-même en espérant que tu choisisses de la garder. Ta famille et toi en feront, j’en suis certain, très bon usage.

Avec amour, Charles Rosenheim. >>

Je ne pus retenir mes larmes à la vue de son nom. Matthieu et Alex s’empressèrent de venir m’enlacer tandis que Tom vérifiait le contenu de la lettre en me la prenant avec douceur. Quand ce dernier eut fini de lire la lettre aux autres, Gabi se dépêcha de demander si elle avait notre autorisation de tester les lits puisque la propriété nous appartenait et Tom la lança dans une course à travers la maison d’un geste de la main. Les autres Chatons suivirent son exemple et retournèrent visiter le manoir en posant leurs petites mains de voleurs partout sur leur passage pendant que mon Cuple attendait auprès de moi pour me consoler. Nous passâmes le peu de temps qu’il nous restait à continuer notre exploration puis nous rentrâmes tout excités à l’idée d’avoir une maison de vacances.

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