XXVIII
Le mois de février commençait bien ; Gabi flirtait avec la colocataire d’Aisha, Brenna, tandis que Desire effectuait un stage dans la petite librairie de Tine, pas sans mal comme il avait des difficultés à communiquer avec les clients non-sourds mais son employeuse s’adapta à ses compétences de façon à ce qu’il puisse quand même se rendre utile en s’occupant de ranger les livres. Pendant ce temps, la fratrie d’Alex se remettait toujours de ses émotions après les confessions de ce dernier vis-à-vis de leurs parents. Adam avait tenté de leur demander des explications sur l’intersexuation de Mei mais son père s’était mis dans une colère noire et sa mère l’avait défendu de parler de nouveau à leur grand frère. La terreur que ressentait le garçon envers ses parents grandissait de jour en jour à tel point qu’il prévoyait secrètement leur fuite mais sa sœur avait toujours du mal à y croire, ses géniteurs la traitaient si bien depuis. Il fallut un certain temps pour que Mei accepte d’enquêter sur leurs parents et de partir à la recherche de son dossier médical, le temps que Gabi prit avant que ses avances ne portent leur fruit et que Brenna ne l’embrasse. Après cela, ils trouvèrent finalement le compte-rendu de l’opération qu’elle avait subi à seulement 3 ans qui visait à conformer son corps aux normes binaires. Mei s’effondra. Ses parents si doux, si gentils lui avaient volé son droit au consentement et leur bienveillance cachait en réalité les traitements atroces qu’ils avaient effectués sous l’aile de médecins mal intentionnés. Sa vie si parfaite, si précieuse avait été bâtie sur un horrible mensonge. Elle sermonna ses parents, les couvrant d’injures puis ils se défendirent en lui expliquant que c’était un mal nécessaire pour avoir une fille et non un monstre. Adam tira un sac rempli de toutes leurs affaires essentielles de sous son lit, attrapa sa sœur par le bras et quitta la maison en courant. Aussitôt montés dans le premier train vers chez nous, il envoya un message à Alex pour le prévenir de leur arrivée puis se laissa aller à consoler sa jumelle. Matthieu et Alex partirent les chercher à la gare pendant que le reste d’entre nous s’agitait dans la maison pour accueillir au mieux nos invités surprise ; j’organisai une grande séance de nettoyage, un groupe leur prépara une chambre et y installa de nouveaux draps alors que le deuxième groupe partit leur acheter des gâteaux et snacks en tout genre afin qu’ils puissent dévorer leurs émotions. Quand ils arrivèrent enfin, ils étaient épuisés, affamés mais surtout horrifiés par la violence du geste de leurs géniteurs. Nous les laissâmes se reposer dans notre salon en leur offrant toute la comfort food que nous leur avions soigneusement préparée. Ils eurent toute la nuit pour retrouver leur bonne humeur mais pas un instant de plus car le lendemain, nous nous rendîmes à un événement organisé par les refuges du coin dans le but de donner plus de visibilité aux animaux qui avaient du mal à trouver une maison pour la Saint-Valentin. Tout le monde se retrouverait dans un grand parc non loin de chez nous, même l’adelphe de Manon avait réussi à négocier un week-end avec nous pour l’occasion. Kara me sauta au cou à la minute où elle me vit arriver, les bénévoles de son refuge me racontèrent comme elle m’avait attendu patiemment et je fus autorisé à la garder pour la journée, promettant de la leur ramener à la fin de l’événement. Ezra se fit un plaisir de caresser tous les chiens qu’il croisa tandis que Kitty le suivait, l’air un peu apeuré devant les plus gros d’entre eux. Adam et Mei restèrent accrochés à leur grand frère pendant que Chris et moi jouions avec Kara pendant que Tom, lui, se collait à Matthieu en lançant des regards noirs à mon amie à quatre pattes. Kara comprit tout de suite qu’elle n’aurait pas sa chance avec lui et se dirigea donc vers Mei pour lui demander des caresses. La petit sœur d’Alex n’eut pas l’air à l’aise du tout quand la chienne commença à lui lécher les mains mais je la rassurai en lui expliquant que c’était sa façon de la réconforter et elle se mit à fondre en larmes, sûrement touchée. Alex passa un bras autour de ses épaules pour lui caresser la tête.
- Aucun d’entre nous ne sait ce que tu ressens en ce moment mais nous sommes tous là pour te soutenir, lui murmura-t-il. Et surtout ne te retourne pas contre toi-même parce que si tu ne t’étais pas exprimée à l’époque, les services sociaux n’auraient pas réagi. Nos parents ont changé grâce à toi.
Mei appuya sa tête au creux de son cou puis essuya une larme.
- Tu penses que je suis un monstre ? lui demanda-t-elle.
- Ça dépend, est-ce que tu penses que ma transidentité fait de moi un monstre ? Parce que si tu en es un, alors moi aussi.
- Dans tous les cas, je suis pire que vous deux combinés, ricanai-je pour apaiser les tensions.
L’adolescente nous lança un petit sourire sous ses larmes et son frère lui essuya les yeux en embrassant ses joues. Peu de temps après, Manon, Sam et Gabi sortirent de nulle part tout excitées. La femme aux cheveux bleus s’approcha de Mei en lui faisant tendre son manteau afin d’y glisser une énorme bouteille de vodka pour lui remonter le moral.
- J’en ai volé une pour toi aussi, glissa notre Chaton dans son dos.
- Vous avez volé ?? s’écria Adam.
Manon s’empressa de lui mettre sa main devant la bouche pour le faire taire histoire de rester discrets quand Gwen, Felicia et Neil s’ajoutèrent à notre petit groupe en nous tendant des bières fraîchement achetées. L’adelphe de Manon se mit à rire devant l’ironie de la scène et nous contamina tous de son fou rire. Nous choisîmes un coin du parc plus en retrait, sous un grand arbre dont les branches tombaient, pour nous installer afin de profiter de nos boissons et bientôt le reste du Cuple et des Chatons nous rejoignirent. Dans la soirée, nous partîmes manger un bout dans un fast food du coin où je commandais quelques nuggets pour Kara puis nous l’emmenâmes visiter notre club dans lequel nous fîmes la fête jusque tard. Le lendemain, le refuge m’appela tôt le matin pour me demander si j’avais toujours Kara. J’avais complètement oublié de la rendre et je ne me souvenais plus être rentré avec elle. Je commençai à paniquer quand je sentis de petites pattes contre mon dos, je me retournai et trouvai mon aimée tranquillement allongée contre moi. Je souris puis affirmai au refuge qu’elle était bien avec moi et que je la ramènerais dans la journée sans faute. Tom ne fut pas content de trouver un chien dans son lit mais je ne pus me retenir de sourire devant l’apaisement total du canidé. Ezra, qui adorait les chiens, fut ravi de la voir au réveil et sa présence dans la maison ne sembla pas gêner Mika, la chatte de Tine, qui avait déjà cohabité avec un chien alors nous jouâmes longuement ensemble avant de la ramener au refuge. Sam repartit chez ses parents à la fin du week-end et Gabi, qui avait grandement avancé dans ses tentatives de flirt avec Brenna, décida de se mettre en couple avec celle-ci bien que la première fut aromantique et l’autre asexuelle. Elles se mirent d’accord pour toutes deux faire un effort afin que leur relation puisse fleurir mais je pouvais sentir le désastre arriver. Cependant, un incident plus proche nous tendait les bras ; le copain de Chloé, une amie du groupe de soutien de Sugar et Tine, avait des vues sur cette dernière et l’avait convaincu un soir de passer chez le couple prétendant qu’elle aurait oublié quelque chose durant leur dernière rencontre. Tine n’y vit pas d’inconvénient mais préféra prévenir Chloé qui devait bientôt rentrer du travail afin que sa présence ne la surprenne pas. Quand elle entra dans leur appartement, son petit ami avoua avoir menti de façon à se retrouver seul avec elle, il tenta de la persuader d’entretenir une liaison avec lui mais la grande rousse se montra catégorique : elle refusait de faire quoi que ce soit avec l’amant de son amie et trouva ses manières déplacées. Celui-ci ne pouvait avoir ce qu’il convoitait, il essaya de l’obtenir par la force quand Chloé fit son entrée. Pile à temps pour se faire sauver par son amie, pensa Tine mais la jeune femme rejeta la faute sur mon aimée, refusant de croire que son copain aurait pu la tromper sans qu’elle ne le séduise d’une façon ou d’une autre. Elle s’énerva contre celle qu’elle voyait jusque-là comme une amie en lui interdisant de raconter à qui que ce soit qu’elle avait “flirté” avec son amant. Tine rentra à la maison et s’écroula dans son lit sans dire un mot à aucun d’entre nous, se renfermant complètement sur elle-même telle une huître. Je ne compris la raison de son repli sur elle-même que quand je croisai Chloé au club le week-end suivant. Elle tenta d’abord de flirter avec moi, sûrement pour se venger de Tine, puis quand elle vit que cela ne fonctionnait pas, elle me confia que son copain l’avait quittée après avoir eu une liaison avec ma belle rousse. Connaissant bien Tine, je saisis tout de suite qu’elle me parlait d’une agression et non d’une liaison consentie alors je la laissai en plan pour courir retrouver mon amante qui se morfondait à la maison. J’entrai dans sa chambre en trombe, la questionnant sur son état, prêt à en découdre avec l’ex de Chloé mais mon amoureuse m’assura qu’il n’avait pas eu le temps de s’en prendre à elle. Cela ne suffit pas à me faire garder mon calme. J’étais hors de moi. Elle ne m’avait rien dit. Pour une raison quelconque, elle avait jugé que je ne pouvais pas entendre la vérité.
- Pourquoi je suis là si je ne peux même pas te protéger ni t’écouter pleurer ? m’époumonai-je.
Elle m’expliqua qu’elle avait pris peur devant la colère de Chloé, elle avait craint que son copain déforme ce qu’il s’était passé et que tout le monde le croie lui plutôt qu’elle. Je lui avait affirmé que personne ne l’aurait cru, tout le Cuple était de son côté et nous n’aurions pas laissé quelqu’un d’autre répandre des mensonges sur elle dans son dos. Ma grande rousse avait fondu en larmes, touchée par mes propos qui reflétaient une réalité dont je ne doutais pas un instant. Je la pris dans mes bras en lui faisant promettre de me dire si quelque chose lui arrivait de nouveau puis lui murmurant comme je l’aimais.
- Je veux te rendre si heureuse que tu en pleurerais, lui déclarai-je.
Elle se serra plus fort contre moi et m’embrassa tendrement. J’étais tant pris d’émotion que je me mis à pleurer contre ses lèvres moi aussi. Pendant ce temps, mon Cuple ramenait Chloé à la maison comme elle était trop ivre pour rentrer seule. Ils se doutèrent tous que son discours n’avait pas de sens quand elle leur raconta ce qu’elle m’avait dit mais ils s’occupèrent malgré tout d’elle étant donné qu’elle était clairement en souffrance. Le lendemain, une fois sobre et après une longue conversation avec Sugar, elle s’excusa auprès de Tine et cette dernière accepta avec joie ses excuses, terrifiée à l’idée d’être en froid avec qui que ce soit, mais je pensais différemment. Je lui en voulais terriblement d’avoir blâmé mon amoureuse pour ses malheurs, c’était sans aucun doute son ex le véritable problème. Je fus chargé de ramener l’amie de mes amantes chez elle histoire qu’elle puisse se changer avant d’aller travailler mais j’endossais ce rôle avec un dédain visible. Quand Chloé me demanda quel était le problème, je tentai de l’ignorer mais elle était si persistante que je ne pus m’empêcher de hausser le ton.
- Tu m’as utilisé pour t’en prendre à ma copine après avoir rejeter la faute sur elle alors qu’elle n’avait rien fait, lui lançai-je, j’ai le droit d’être en colère. Tu n’es pas jolie quand tu souffres.
Sur ces mots, je la fis sortir de la voiture et tournai les talons sans lui laisser le temps de répondre. Ma colère se calma avec le temps mais mon amitié avec cette femme était bel et bien brisée.
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