XXIX
La semaine suivante, ce fut au tour des parents d’Adam et Mei de venir déranger notre calme. Ils avaient trouvé notre adresse -dure à cacher quand toute la ville la connaissait- et réclamaient le retour des jumeaux dans leur foyer. Alex leur répondit à la porte, d’abord en conservant son calme mais très vite il s’enflamma devant sa mère qui ne semblait pas disposée à l’écouter. Ils commencèrent à échanger en mandarin et aucun d’entre nous n’osa demander une traduction à Felicia tant les voix montaient haut. Finalement, Alex claqua la porte au nez de sa génitrice qui n’eut d’autre choix que de partir avec son mari. La maison fut traversée d’un long silence.
- Si petit et pourtant si fâché, glissai-je à demi-voix.
- Mama, fais quelque chose, lança-t-il en me pointant du doigt. Je ne peux pas m’occuper des enfants de tout le monde.
Quelques rires se firent entendre. Gwen s’approcha doucement pour enlacer son amant histoire de l’aider à se calmer. Adam s’exclama :
- Je te ferais bien un câlin aussi mais j’ai peur de toi maintenant.
- Ne t’en fais pas, le rassura Tom, il aboie mais il ne mord pas.
- Et pourtant je me souviens parfaitement du goût de la chair de ton avant-bras, répliqua le binoclard sans attendre.
Tom fit mine de réfléchir puis répondit par l’affirmative :
- C’est vrai, il m’a mordu une fois.
Adam ouvra de grands yeux et dut retenir Mei de leur demander des explications qu’il ne voulait absolument pas entendre. Nos Chatons se mirent à rire en s’imaginant comment cela avait pu arriver mais nous ne confirmâmes ni ne niâmes rien. La rentrée arriva bien vite après cela ; les jumeaux reprirent les cours dans la classe de Kitty, Rory et Ezra tandis que Désiré quittait la librairie de Tine pour débuter un stage dans le café d’Alex. Ce dernier avait prit l’habitude de nourrir les chats libres du quartier et leur avait construit une chatière afin qu’ils puissent se protéger du froid en se reposant dans son café, transformant celui-ci petit à petit en un bar à chats. Quand il rouvrit la boutique après quelques jours de repos, il trouva une petite chatte blanche et ses six nouveaux nés confortablement installés dans l’arrière-boutique. Il décida de les rapatrier dans sa chambre à la maison de façon à ce qu’ils puissent rester au calme et au chaud. La présence de nouveaux chats sur son immense territoire sembla attiser la curiosité de Mika qui commença à gratter régulièrement à la porte de la chambre de Gwen et Alex mais nous attendîmes que les nouveaux venus prennent leurs marques avant de les présenter. Les chatons avaient tous un pelage tacheté similaire à celui du léopard, nous en conclûmes qu’il étaient typés bengal. Alex nomma la maman Linda et exigea que je choisisse les noms des petits, une terrible erreur comme je leur donnai tous le même nom : Caesar. Ainsi ils répondraient tous au même mot quand nous les appellerions. Deux jours après leur arrivée, Adrien et moi organisâmes un date de rêve à Tine pour lui remonter le moral après l’incident avec Chloé. Nous l’emmenâmes au fond d’une forêt en dehors de la ville et en fîmes le tour nos mains dans ses mains. La grande rousse semblait tout excitée à l’idées d’avoir non pas un mais deux chevaliers servants, j’observais ses joues rougir à nos moindres petites attentions derrière ses grands verres ronds aux contours dorés. Nous marchâmes un moment jusqu’à trouver un coin où nous poser au bord d’un ruisseau. Nous posâmes nos couvertures au sol puis sortîmes nos salades de légumes et de fruits afin de déguster un repas ensemble loin de la pollution sonore de la ville. Nous traitâmes notre amoureuse comme une princesse, sans oublier quelques tendresses entre nous, et Tine fut remplie de bonheur. Elle passa les jours qui suivirent la tête dans les nuages à sourire dans le vide en y repensant. Pendant ce temps, Chris se préparait pour sa toute première soirée pyjama ; son ami Tim avait invité tout leur petit groupe d’acolytes à passer la nuit chez lui ce samedi. Recevant ce genre d’invitation pour la première fois, il va sans dire que ma fille adorée était terriblement anxieuse et m’avait même réclamé un sleepover entre nous afin de pouvoir s’entraîner. Nous nous étions tous pris au jeu et, l’exercice s’étant bien déroulé, ma petite rousse s’apaisa légèrement. Quand je l’amenai jusqu’à la maison de Tim au milieu de notre rue, elle me serrait la main si fort que je craignis qu’elle soit incapable de me lâcher une fois arrivés mais sa main se détacha de la mienne sans trop de mal en voyant le visage familier de son ami nous accueillir à la porte. Je l’encourageai une dernière fois puis elle disparut dans la petite maison. De ce qu’elle me raconta en rentrant, la soirée avait très bien commencé. Tout le monde s’amusait, elle réussit même à caser quelques faits sur la culture des Vikings qui l’intéressait tant et ses camarades l’écoutèrent avec passion. La soirée battait son plein quand la mère de Tim entra soudain dans la chambre remplie de matelas pour informer Chris qu’elle avait un lit dans le bureau. Ma fille ne comprit pas pourquoi elle devait dormir à l’écart mais obtempéra en s’installant dans sa chambre de fortune. Là, complètement seule dans la nuit noire, elle commença à se sentir mal. Les souvenirs du temps où elle couchait seule chez ses géniteurs lui revinrent et la solitude l’enveloppa tel un drap épais couvert de pics. Elle détestait se retrouver seule, surtout pour dormir. Depuis qu’elle était à la maison, elle avait toujours partagé son lit avec mes amants et moi ou sa fratrie de Chatons mais jamais n’avait-elle passé une nuit par elle-même. Elle se mit à sangloter, recroquevillée dans sa couette et m’appela pour que je vienne la chercher.
- C’est parce que tu ne m’as pas fait de bisou de bonne nuit, pleura-t-elle dans son téléphone.
- Je t’en ferai un dès que je suis là, la rassurai-je. J’arrive, attend-moi à la porte.
Elle descendit les escaliers en silence après avoir rangé toutes ses affaires et m’attendit devant la porte comme je le lui avais demandé quand la mère de Tim, qui se faisait une tisane, la vit et lui demanda ce qu’elle faisait. Chris lui dit qu’elle rentrait chez elle sans lui donner plus d’explication, j’arrivai juste à temps pour qu’elle n’ait pas à lui poser plus de questions. La sonnette attira les autres hors de leur chambre alors que je soulevai ma fille pour la prendre dans mes bras en l’embrassant. Quand j’interrogeai la mère de Tim afin de savoir pourquoi elle l’avait mise à l’écart, celle-ci répondit simplement qu’une fille ne pouvait pas dormir avec un groupe de garçons. Je saisis bien ce qui l’inquiétait mais je refusai d’accepter cela comme une raison suffisante pour mettre mon enfant à l’écart.
- Si vous êtes si inquiète quant à sa sécurité, éduquez mieux votre fils, lui lançai-je sèchement. Vous n’avez pas à punir ma fille pour les erreurs qu’il pourrait commettre à cause de votre négligence.
Sur ces mots, je partis avec mon bébé toujours contre moi. J’étais fou de rage. Ce n’était pas de sa faute si les garçons avaient une réputation de violeurs. Ses amis devraient être différents. Quand j’arrivai à la maison, Adrien et Neil, avec qui je dormais ce soir-là, me couvrirent de questions. Je leur expliquai rapidement la situation, toujours sur les nerfs et ils le sentirent. Adrien nous proposa une tisane afin de nous détendre pendant que Neil consolait ma fille en lui affirmant qu’elle ressentirait rarement ce qu’elle ressentait à cet instant comme elle avait un père prêt à changer le monde pour son bien-être. Ses paroles m’apaisèrent. C’était vrai, j’étais prêt à tout pour mon bébé. Je mourrais d’envie d’utiliser mes muscles mais ce qu’il fallait que j’utilise, c’était ma voix. J’avais la chance d’avoir une communauté à l’écoute, autant en ligne que dans la vraie vie, et je pouvais l’utiliser afin de répandre mes bonnes paroles dans l’espoir de créer un monde avec une meilleure éducation pour nos enfants. Le lendemain, Tim et sa mère apportèrent un gâteau à Chris de façon à s’excuser auprès d’elle pour l’avoir mise à l’écart, lui promettant que si elle souhaitait retourner chez eux pour une soirée pyjama, elle pourrait dormir avec le reste du groupe. Ma fille accepta leurs excuses et partagea son fraisier avec son ami et Manon qui salivait rien qu’en l’admirant. Cette dernière réclama ensuite un nouveau tatouage à Gwen, lui offrant son sternum comme canevas.
- C’est une des rares fois où tu auras l’opportunité de toucher des seins, rigola la femme aux cheveux bleus.
Le grand blond passa un moment à lui dessiner un magnifique papillon en prenant soin à ce qu’elle puisse le faire voler en serrant puis en écartant ses seins. Plus tard dans l’après-midi, les enfants de la garderie réservée aux employés d’un strip club du coin -aussi appelés les enfants de Missy- vinrent s’installer à la maison histoire de changer un peu d’air. Nous leur proposâmes différentes activités mais celle qui eut le plus de succès fut la session de teinte de cheveux avec nos produits éphémères. Chris choisit la couleur rouge << comme le sang de ses ennemis >> tandis que Tim, radicalisé par ses jeux avec ma fille, opta pour du rose pour ressembler à une princesse. En effet, Chris mettait un point d’honneur à toujours être le roi de ses aventures, faisant bien souvent de moi sa reine. Tim s’était d’abord moqué quand elle avait eu la fève à la cantine et qu’elle s’était déclaré roi, mais Chris l’avait vite remballé en faisant de lui sa princesse et le garçon s’était habitué à être appelé ainsi par leurs amis. Athéna, une enfant de Missy qui restait avec nous pour la journée, avait ordonné à mon Chaton de faire d’elle sa reine en apprenant qu’elle aimait être roi mais Chris tenait absolument à ce que je garde mon titre de reine alors je lui proposai de la prendre comme concubine. Certains rois avaient bien plusieurs femmes après tout. Ma petite rousse accepta et jura de protéger sa nouvelle amie des méchants chevaliers imaginaires des contrées voisines contre lesquels elle se battait sans cesse. La petite fille noire fut ravie d’être intégrée aux jeux de sa nouvelle partenaire, elle était nouvelle en ville et craignait la solitude alors le fait d’être prise sous l’aile de Chris dès leur première rencontre la couvrit de joie.
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