Conseil de guerre

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Il s’habituait peu à peu au silence de Jenny. Il répondit machinalement à quelques messages sans intérêt, confirma sa présence à la soirée d’Elisabeth puis retourna à la cuisine pour les derniers préparatifs. Maxence avait prévenu qu’il honorerait la soirée de sa présence à huit heures et il avait une horloge dans l’estomac. Florian prit le temps de se regarder dans la glace, son collier de barbe devenait intéressant. Malgré ses préoccupations, il retrouvait avec plaisir les bouffes ente copains que Jenny tolérait à condition que les invités l’amusent. Elle avait toujours fait preuve envers ses deux complices de sentiments ambigus mais globalement amicaux.

Laeticia, en revanche, n’avait jamais accroché avec eux malgré leurs efforts louables pour s’intéresser à ses victoires dans des concours équestres. Il soupçonnait Maxence d’avoir essayé de la revoir.

Il disposa les couverts sur la table basse, sortit les verres à pied des grandes occasions et alluma la télé au moment des prévisions météo. Comme prévu, la sonnerie de l’interphone retentit au moment où apparaissait le sourire de Claire Chazal. Selon son excellente habitude, Maxence avait apporté une bouteille de cru classé « au cas où… ». Il se laissa tomber sur le canapé et regarda autour de lui en passant la main sur sa tignasse ébouriffée.

Ça fait plaisir de se retrouver. Nanard n’est pas encore là ?

― Il ne devrait pas tarder.

Florian prit le temps de regarder son vieux copain. Les yeux bleus aux paupières tombantes n’avaient pas leur malice habituelle, signe que tout n’allait pas pour le mieux avec miss MacDo et que pour une fois, il n’osait pas faire le premier pas. Ce n’était surtout pas le moment de le brancher sur ce sujet. L’interphone s’invita à nouveau dans la conversation et Nanard fit une entrée remarquée. Nanard, le copain loser que tout le monde rêve d’avoir pour se sentir supérieur. Sosie de Michel Blanc, il avait une conception très personnelle de l’élégance avec une prédilection pour les pulls moches qu’il dénichait avec un flair de chien truffier et poussait la ressemblance jusqu’à accumuler les échecs sentimentaux et larmoyants. Ce soir-là, il arborait un improbable costume grenat avec des chaussures bicolores. Ses copains comprirent tout de suite qu’il était retombé amoureux et que ça ne durerait pas. Le genre dont il fallait remonter le moral à intervalle régulier, qui devenait très vite agaçant et à qui on pardonnait tout.

― C’est un plaisir de vous revoir, les gars.

Maxence ouvrit de grands yeux.

― Mais que tu es beau ! C’est donc ça, ta grande nouvelle ! Tu vas te marier et on sera les garçons d’honneur.

― Toujours aussi drôle ! Avec un humour pareil, tu aurais pu faire flic.

― Si tu commences à m’insulter, vous allez dîner en tête à tête.

― On se calme les mecs ! On va d’abord se caler le ventre, et pendant ce temps, je vous expliquerai pourquoi j’ai besoin de vous. Maxence, ouvres donc ta bouteille.

Nanard vida son verre après avoir soigneusement nettoyé son assiette puis se cura les dents sans discrétion, ce qui lui valait toujours un succès d’estime en société.

― Si j’ai bien compris, tu veux qu’on joue les détectives privés et qu’on filoche une femme qui pourrait devenir l’héroïne de ton prochain roman ?C’est pour ça que tu te laisses pousser la barbe?

― Non je me suis piégé tout seul. L’autre jour j’ai oublié de me raser et dans le café, j’ai expliqué que je faisais ça chaque fois que je commençais un roman.

Maxence leva le doigt comme un élève attentif.

― Ta Julia Foscari, si on ne trouve pas trace d’elle sur internet, c’est qu’elle y apparait sous un pseudo.

Ses amis lui portèrent un toast, Florian siffla doucement.

― Je viens d’avoir une révélation. Il est possible que tu sois intelligent.

Il n’eut que le temps de se baisser pour éviter la serviette en papier roulée en boule, qui s’écrasa contre Gandalf impassible. Ils finirent la bouteille de chianti en observant un silence méditatif puis Nanard regarda les maigres fichiers répartis sur l ‘écran.

― Je veux bien embarquer avec toi dans cette drôle d’histoire mis j’aimerais bien savoir dans quoi je mets les pieds. Qu’est-ce qu’elle a de si particulier ta belle italienne ? C’est parce que Jenny est à…

Il ne lui laissa pas finir sa phrase.

― C’est pas ce que tu crois. Sans le savoir, elle a ouvert le placard aux souvenirs…

Nanard bailla ouvertement, un autre de ses charmes quand il était en compagnie.

― Bon, alors, on s’organise comment ?

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