Le drapeau
La nuit est tombée emportant la chaleur écrasante avec elle. Je descends à pas de loup, veillant à ne pas être repérée. Je vérifie que tout le bas de la maison est désert. Si il y a un moment durant lequel je ne dois pas me faire voir c'est bien celui-ci. J'avance grâce à la lumière de la lune, immense et ronde. Je m'arrête un instant pour la contempler. Est ce que Georges la regarde à cet instant? La trouve t-il aussi belle que moi? Je laisse de côté la lune pour me concentrer sur la mission que je me suis donné. Me saisissant de l'échelle dans la grange, je slalom entre les tentes, prenant garde de ne réveiller personne. Quand je décroche le drapeau allemand de notre maison un sentiment de calme m'envahit. Il ne reste plus qu'a l'enterrer sous le fumier derrière la ferme. Après avoir replacé l'échelle à sa place je remonte dans ma chambre, après m'être lavé les mains.
Je me réveille en même temps que les troupes, m'habille et descends. Ma mère se précipite vers moi.
- Mady le Colonel Ulrich est furieux et il veut nous voir dans la bibliothèque. Je t'en supplie dis moi que tu n'as rien fais.
Je m'attends à recevoir un poid sur l'estomac mais ce n'est pas le cas. Je me sens incroyablement légère.
- Dans ce cas allons y. Je n'ai rien à me reprocher rassure-toi. C'est sûrement rien de plus qu'un malentendu.
Debout dans la bibliothèque, les mains dans le dos, le Colonel Ulrich regarde par la fenêtre donnant sur la cour. A notre arrivé il se tourne.
- Mesdames. Savez vous pourquoi je vous ai convoquée ?
Maman n'à pas le temps de répondre ni moi de nier que le Commandant entre dans la pièce.
- Vous m'avez fait demander mon Colonel?
- Saviez vous que le drapeau, que nous avions posé hier sur la ferme n'y est plus ?
- Comment est-ce possible ?
.Ma mère semble complètement paniquée.
- Sauriez-vous par hasard ce qui aurait pu se passer? Mademoiselle Madeleine ?
Je le regarde avec mon plus bel air surpris.
- Je n'en ai pas la moindre idée Colonel!
Je sens sur moi le regard du Commandant Ludwig. Il me dévisage. Je finis par le regarder. Il penche la tête légèrement sur le côté en haussant un sourcil. Il sait très bien ce qui s'est passé.
- Cela doit être le vent qui l'a emporté mon Colonel.
En disant cela il ne me quitte pas des yeux.
- C'est celà oui. Dans ce cas je vous encourage vivement à le retrouver au plus vite. Et je suis certain que mademoiselle Madeleine se fera un plaisir de le raccrocher pour nous.
Je lui fais mon sourire le plus mielleux.
- Cela doit être le vent qui l'a emporté mon Colonel.
En disant cela il ne me quitte pas des yeux.
- C'est celà oui. Dans ce cas je vous encourage vivement à le retrouver au plus vite. Et je suis certain que mademoiselle Madeleine se fera un plaisir de le raccrocher pour nous.
Une fois dehors le Commandant m'attrape par le bras.
- Fraulein ?
- Oui Commandant ?
Il me regarde en fronçant les sourcils.
- Qu'en avez vous fait?
- Comment? Vous pensez que je suis responsable de la perte de votre drapeau? Vous avez dit vous-même que le vent avait dû l'emporter!
- Ne jouez pas à ça avec moi Fraulein...
Pourtant cela m'amuse follement je dois le dire. Mais il faut pourtant que je lui dise où j'ai caché le drapeau...et ça risque de ne pas lui plaire.
Lorsque nous arrivons au pieds du tas de fumier, son visage se décompose.
- Non...ne me dites pas que vous avez fait ça...Fraulein non...
Hé si! Je l'ai pourtant fait.
Alors que je me penche pour le déterrer il me retient.
- Vos mains...
Je ricane tout bas. Il ne semble pas se vexer et j'en suis soulagée.
- À votre avis comment j'ai fait pour le mettre la dessous?
Il fixe mes mains, horrifié. J'éclate de rire pendant qu'il se dirige vers la grange. Il en revient avec une fourche, je suppose à défaut d'avoir trouvé une pelle. Je le regarde dubitatif.
- C'est la fourche à foin...
Qu'importe. Après quelques minutes à fouiller dans le fumier, un petit bout du drapeau allemand apparaît.
- Il faudrait le laver.
Je lui désigne du doigt la bassine ou je me lave les pieds après avoir récuré la porcherie. Je la remplie d'eau pendant qu'il dépose le drapeau au fond. Nous le regardons sans mot dire. Après un bref instant je prends le bout de savon posé là et le frotte jusqu'à ce que toute trace de lisier ait disparu.
- Je ne le racrocherai pas.
- Fraulein il faut que ce soit vous qui le racrochiez!
- Ne faites pas ça je vous en prie...
Pour seule réponse il me tend le drapeau allemand. Le notre aussi est tricolore et je ne me serais jamais permise de l'accrocher ou que ce soit.
Je l'arrache des mains du Commandant Ludwig décidée à ne pas me laisser faire. Je disparais quelques instant pour aller "chercher" l'échelle. Mais je sais très bien que je reviendrais sans elle.
- Je ne peux pas l'accrocher l'échelle n'est plus dans la grange.
En réalité je l'ai caché dans le foin. Pas d'échelle pas de drapeau.
J'étouffe un cri de surprise. Le Commandant vient de me soulever du sol à bout de bras.
- Posez-moi tout de suite!
- Le drapeau Fraulein.
Je vais devoir me résoudre à attacher ce maudit drapeau sur la ferme. Une fois en place il me pose à terre.
Je me retourne et le fourdois du regard. Une gifle aurait été plus appropriée à mon goût mais cela ne sert à rien de battre un âne. Pourtant cela effacerait le petit sourire satisfait qu'il étale sur sa bouche.
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