La nuit est tombée, la lune est immense, ronde, et lumineuse dans le ciel. Pourtant cela ne m'empêche pas de dessiner, encore et encore. Une partie de moi se délecte de ce que je suis en train de faire, l'adrenaline face à l'interdit. Pourtant, luttant contre la première, la seconde partie de moi se sent mal, comme une trahison. Je sais pertinemment à quoi elle est dû: Ludwig.
De petits coups discrets sont frappés à ma porte. Ce n'est pas maman ni Georges. Je suis stupide, évidemment que cela ne peut pas être Georges. Il faut croire que je ne m'habituerais jamais à son absence. Je cache les dessins sous le sous-main de mon bureau et fourre les crayons dans un tiroir. Me saisissant d'un livre je l'ouvre à n'importe quelle page et ouvre la porte.
Ma gorge se noue. Le Commandant Ludwig est là et je dois reconnaître que j'espérais que ce soit lui. Il faut dire que si ce n'était pas lui ce serait forcément le Colonel et cela n'aurait été une visite des plus agréables.
- Que faites vous ici?
Je chochotte tout bas afin de ne réveiller personne.
- Je sais que vous veillez tard et j'avais oublié de vous donner ceci.
Entre son pouce et son index, une photo de moi. La photo de moi chez le photographe pour être exacte.
- Qu'est-ce que vous lisez?
Je regarde à la hâte le titre de mon livre: Serment d'automne
- Hé bien c'est Serment d'automne.
Son visage se fend d'un large sourire.
- Je l'ai dévoré du début à la fin! Où en êtes vous?
Il prend mon livre des mains et commence à lire.

- Elle caressait du bout des doigts les branches dénudées. Ne restait plus une seule feuille au sommet des cimes car le temps les avait toutes fait tombées. Jamais plus elle ne verrait l'automne. Heureusement le Serment que lui avait fait Christine brûlait encore dans son coeur, réchauffant son âme.
Il pousse un long soupir.
-C'est l'un des passage que je préfère, quand elle sait qu'elle va mourir mais qu'elle fait jurer à Christine d'épouser son mari lorsqu'elle sera morte.
Je le regarde sans trop savoir quoi dire ne connaissant rien à l'histoire.
- Et vous quel est votre passage préféré ?
J'ai envie de partager ce moment avec lui, je n'ai pas envie que ce moment s'arrête pour qu'il retourne dans sa chambre. Mais je suis bloquée, acculée. Je trouve rapidement une échappatoire.
- En fait ce n'est pas mon livre préféré. Connaissez vous : Le secret de mademoiselle Fouret? Je l'admets ce n'est pas le même genre mais c'est un livre que j'affectionne tout particulièrement.
- Pourriez vous me le prêter ?
- Je doute que ce genre de livre romantique vous intéresse.
Il me répond le plus sérieusement du monde et sans aucune gêne :
- Ce qui vous intéresse m'intéresse.
Je me retourne chercher le livre pour cacher mes joues cramoisies.
- Il devrait être quelque part ici...ha le voilà.
Il le prend religieusement dans ses mains avant de froncer les sourcils.
- Vous avez dû le lire de nombreuses fois.
- À quoi voyez vous cela?
Il esquisse un sourire.
- Vous êtes soigneuse Madeleine, mais là ce livre est tout usé à force d'avoir vu ses pages tournées.
- Quand j'ai dis que je l'affectionnais tout particulièrement ce n'étais pas une exagération.
- En attendant vous devriez lire ce livre, Serment d'automne. Parce que j'ai bien vu que vous ne l'avez même pas commencé.
Je sens mon visage s'empourprer et cela semble beaucoup l'amuse car son oeil se fait rieur.
- Bonne nuit Madeleine.
- Bonne nuit Ludwig.
Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à ce que je disais que ces mots ont déjà franchis mes lèvres. Pourtant il ne semble rien remarquer d'inhabituel.