Découverte
Ce matin je prends mon temps pour me lever, je ne tiens pas à croiser le Colonel Ulrich dans la cuisine après ce qui s'est passé la veille au soir. Étrangement j'appréhende de voir Ludwig, quand nous nous sommes quitté la dernière fois, il semblait contrarié par mon attitude. Et ce que pense le Commandant est important pour moi, même si je sais que ça ne devrait pas être le cas.
J'effectue mes tâches à la hâte, juste à la limite de ce qu'on appelle bâcler le travail. Au moment de passer par la maison pour laver mes pieds souillés par le lisier des volailles, le Commandant est sur le pas de la porte. Mon coeur se sert, je décide de faire un détour le temps que Ludwig décide de bouger de là.
Je passe dans les champs pour regarder comment poussent nos dernières plantations, le soleil a merveilleusement bien fait son travaille, bientôt je pourrai récolter.
Je flane quelques instants, cueillant au bord du champ, un bouquet de fleurs sauvages.
Lorsque je retourne dans la cours je me glisse entre les tentes pour regarder si le Commandant est encore là. Heureusement pour moi il n'est plus là. Je vais pouvoir me laver les pieds, prendre mes dessins et filer au village à vélo.
Après m'être décrassée jusque sous les ongles, je file dans ma chambre chercher les dessins de propagande anti-allemands.
Je pédale à vive allure jusqu'au village, les précieux croquis dans le fond de ma besace. Je suis allée tellement vite que mes cheveux ressemblent à ceux d'un épouvantail.
J'avance jusqu'à la fontaine, celle où je lui donne les affiches à chaque fois et les sors de mon sac. Mais il n'y a encore personne. Je tourne la tête d'un côté puis de l'autre, passe derrière la fontaine mais non, je dois m'y résoudre mon contact avec la résistance ne sera pas là aujourd'hui. Que de temps perdu...
-Vous cherchez quelqu'un Fraulein ?
Je me retourne pour me trouver face à un Allemand, tellement grand que sa tête effleure les branche d'arbres.
- Non...
Je balbutie, et serre un peu plus les dessins contre ma poitrine, effrayée. Mon coeur bat vite et fort. Je suis dans une position délicate de laquelle je ne suis pas sûre de ressortir indemne.
- Je peux?
Il tend la main vers mes dessins. Il n'y a qu'une seule chose à faire: courir.
Je le pousse en arrière avant d'entamer une course folle. Il me rattrape en quelques enjambées seulement. Je me retourne au moment où mon contact, plaçant sa jambe devant lui, le fait tomber. J'étais tellement occupée à courir que je ne sais même pas d'où il sort.
J'enfourche mon vélo et pédale jusqu'à la maison. J'abandonne mon vélo dans la grange et monte à toute vitesse dans ma chambre. Là je me sens en sécurité, seule. Je ne me présente pas au repas du soir, prétextant un accès de fatigue.
Tôt le lendemain matin, alors que je suis encore dans mon lit, la porte s'ouvre à la volée. Je vois avec horreur, débarquer dans ma chambre, le Colonel, le Commandant Ludwig, et une poignée de soldats.
Je me précipite hors de mon lit et attrape ma robe de chambre sur la chaise pour m'en couvrir. Le Colonel aboie des ordres, furieux. Même mère, restée sur le pas de la porte se tors les mains à s'en faire rougir la peau.
- Que signifie tout ceci?!
Les soldats fouillent ma chambre. Ils ne laissent rien au hasard, renversant les tiroirs, vidant la bibliothèque de ses livres et jetant au milieu de la pièce mes vêtements accrochés dans la penderie.
Personne ne prend la peine de répondre à ma question.
Ludwig aussi cherche, mais il le fait avec plus de respect que les autres, remettant chaque chose à sa place. Il s'agenouille pour regarder sous le lit et mon coeur s'arrête de battre. Quand il tire ma boîte à secrets à lui j'ai envie de la lui arracher des mains. A l'intérieur il y a le dessin de propagande anti-Allemands que j'ai gardé, et soudainement je le regrette.
Il soulève quelques feuilles et s'arrête net, les yeux fixés dans la boîte.
- Avez-vous trouvé une preuve Commandant Ludwig ?
Il lève le nez vers son supérieur, détachant son regard de la boîte.
- Non mon Colonel, rien sous le lit non plus.
Une fois ma chambre mise à sac, le Colonel me lance un regard torve et rappelle ses soldats à lui.
- La chance ne sera pas toujours de votre côté, faites donc très attention.
Sa voix ressemble au sifflement d'un serpent et dans ses yeux brûle une haine non dissimulée.
Ils s'en vont tous, enfin presque. Seul le Commandant reste dans le chambranle de la porte, regardant les autres disparaître dans les escaliers. Au moment où il ouvre la bouche je le devance:
- Je n'ai pas envie d'en parler.
Je lui tourne le dos et m'enfonce dans ma chambre pour ramasser ce que les hommes ont éparpillés.
- Mais moi je veux en parler.
La porte se ferme doucement. Je suis choquée qu'il ose s'enfermer avec moi dans ma propre chambre!
- C'est donc ainsi que vous nous voyez? Ce portrait horrible avec ce képi et ce drapeau allemand est-ce là la façon dont vous me percevez?
Je lève les yeux aux ciel même si je lui tourne le dos et qu'il ne peux pas me voir.
- Arrêtez de le prendre de façon si personnel!
Mon ton est plus dur que ce que j'aurais voulue.
- Je le prends à coeur parce que j'ai beaucoup d'estime pour vous Madeleine. Et ça me fait de la peine de voir que je ne suis à vos yeux, rien de plus qu'un monstre à la bouche écumante, si j'en crois ce dessin.
Je m'arrête un moment et m'agenouille devant mon miroir brisé.
- Ce dessin n'a rien à voir avec vous. Il représente davantage l'oppression allemande que des personnes elles-mêmes.
Soudainement je m'effondre. Je cache mon visage dans mes mains, les larmes chaudes ruisselant sur mes joues. Je me sens salie de ce que ces hommes ont mis le nez dans mes affaires, choquée par la violence de leur nature, et meurtrie par la douleur de Lugwig.
- S'il vous plaît Madeleine, ne prenez plus tant de risques. Si c'était un autre homme qui avait découvert ce dessin, votre mère aurait dû pleurer sa fille en plus de faire le deuil de son mari. Le Colonel n'est pas tendre envers ceux qui font de la propagande leur alliée.
Il pose une main sur mon épaule puis s'en va.
Annotations