Déclaration
Maman refuse de m'adresser la parole depuis plusieurs jours. En fait, depuis ce qu'il s'est passé dans ma chambre, bien que je n'ai été jugée coupable d'aucun fait. Elle sait que ce dont on m'accuse est vrai, et je penses qu'elle m'en veux de m'être ainsi mise en danger. Mais je ne veux pas que Georges se retrouve pris dans tout cela, il faut que la paix soit rétablie avant son retour. Sa situation est sans doute déjà suffisamment compliqué à gérer sans lui rajouter le conflit mère fille.
- Veux tu que je t'aide à éplucher les pommes de terre?
Elle ne m'accorde aucun regard.
- Ou je peux faire cuire les navets si tu veux?
Je dirige la main vers le filet de navets mais elle le saisie à ma place pour le mettre de l'autre côté de la table, loin de moi.
- Maman, sil te plaît...
Elle se retourne, le visage peint d'une colère farouche. Ses cheveux semble t se hérisser sur sa tête tant elle est furieuse.
- Quand vas tu enfin grandir Madeleine! Tout ceci n'est pas un jeu!
- Mais...
Elle ne me laisse pas terminer ma phrase et enchaîne :
- Que crois-tu? Que cherches-tu à prouver bon sang! On fusille les gens pour bien moins que ça. Et qu'est-ce que j'apprends? Que ma fille dessine des affiches de propagande anti allemands! Ne tiens-tu pas à la vie?
- Si mais...
- Mais quoi?
Elle a hurler ces derniers mots aussi fort que même les oiseaux se sont arrêtés de chanter. Elle me regarde, ses grands yeux creux vrillés dans les miens. Elle éclate en sanglots pendant qu'elle ajoute:
- J'ai déjà perdu ton père, je ne supporterai pas de te perdre toi aussi.
Je sais que ma mère m'aime, peut être plus que je ne l'imagine. Je la prends doucement dans mes bras.
Je n'ai pas reparlé à Ludwig puis ce qui s'est passé. En fait je fais de mon mieux pour lui fausser compagnie à chaque fois que c'est possible. J'ai peur de ce qu'il pense de moi maintenant qu'il a vue le dessin. Je sais que ça lui a fait du mal et je m'en veux. Même si l'éviter n'arrangera pas les choses il est plus facile pour moi de procéder ainsi. Je suis tendue et irritable, j'ai besoin de me détendre un peu. Aussi je profite du soleil pour faire un tour dans les champs cueillir quelques fleurs. Je ne suis pas seule depuis deux minutes que j'entends dans mon dos, des pas qui courent vers moi. Je je te un oeil derrière moi: c'est bien ce que je craignais.
- Madeleine...
Il est tout essoufflé d'avoir couru. Il a beau être soldat il est davantage un soldat de décoration qu'un soldat de guerre, aussi la course à pieds ne semble t'il pas être son point fort.
- Bonjour Commandant.
Je ne prends pas la peine de m'arrêter et continue ma cueillette.
- Ne voudriez vous pas m'appeler Ludwig enfin?
Heureusement que je lui tourne le dos parce que je sens mes joues s'enflammer. Il ajoute:
- À moins que cette distance qui s'est creusé entre nous ces derniers temps...
Il laisse la phrase en suspend.
- Madeleine, pourquoi m'évitez-vous?
Je pousse un profond soupir et me redresse, toujours dos à lui. Je n'ai pas le courage de lui parler en face. Mais lui en a décidé autrement et me tourne, me prenant par les épaules.
- S'il vous plaît, dites moi ce qui se passe, que je puisse comprendre.
- J'ai...Je suis mal à l'aise à cause de ce que vous avez vu dans la boîte. C'était bête et méchant de ma part, jamais vous n'étiez sensé voir ce dessin...Je vous l'assure. Ce n'est pas vous que j'ai dessiné...
- S'il vous plaît ne laissez pas cela creuser un fossé entre nous. Ce serait stupide de gâcher ce que nous avons construits ensemble pour quelque chose d'aussi futile.
Je ne peux m'empêcher de me demander: qu'avons nous construits au juste? De quoi parle t'il exactement ?
Je peine à avaler ma salive.
- C'est vrai que notre amitié a connu des hauts et des bas...
Ses sourcils se froncent quelques instants et l'incertitude se lit clairement sur son visage. Je me rends alors compte que je le connais bien mieux que ce que je pensais.
- Est-ce tout ce que vous ressentez à mon égard Madeleine...? Juste de,l'amitié rien de plus?
Il semble déconfit et complètement perdu. Ai-je envoyé tant de signes que cela de mon intérêt ? Je décide de jouer la carte de la fille un peu stupide.
- Comment ça ? Je ne comprends pas...
- Si Madeleine vous comprenez...Mais si vous voulez que je vous le dise de façon plus direct alors je le ferais. Je vous aime Madeleine. Pas dans un coup de foudre, mais parce que j'ai appris à vous connaître. J'ai vue vos défauts et vos qualités. J'ai vue tant de choses en vous. Ces moments que nous avons partagés Madeleine, me fais espérer que ce que je ressens envers vous n'est pas seulement à sens unique. Tout cela me rends malade. Je ne mange plus, je ne dors plus, je ne penses qu'à vous et tout cela me ronge.
- Je ne sais pas quoi dire...
- M'aimez- vous?
Au fond de moi je sais que je l'aime. Mais si je le lui dis que se passera t'il après ? En vérité je suis terrifiée.
Il s'approche de moi pour me prendre le visage entre ses mains, et soudainement je n'ai plus froid.
- Madeleine, m'aimes-tu?
Il est à quelques centimètres de mon visage et j'ai l'impression d'étouffer.
- Oui.
Ma voix est éraillée par l'émotion. Je suis complètement folle. Nous verrons où tout cela nous mène...
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