IX
Un homme malingre marcha vers lui, les yeux vitreux et les ongles démesurés. Son visage émacié et ses joues creusées lui donnaient l’allure d’un spectre. Sa combinaison était trop grande pour lui. S’il n’était pas enfermé ici, on aurait pu le confondre avec un sans-domicile ivrogne et drogué.
L’ex-marine reconnu le Dépeceur des Lilas, célèbre serial killer qui avait terrorisé plusieurs villes quelques années auparavant. Son péché mignon ? Il choisissait ses victimes au hasard, les kidnappait et les dépeçait vivantes. Ses ongles affutés labouraient l’épiderme de ses proies. Le tout en chantonnant : « Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous ». Des paroles qu’il avait emprunté à un ancien chanteur français. Pourquoi ? On ne le savait pas, lui qui n’avait aucun lien avec le « pays du fromage ».
John n’aimait pas cette expression réductrice mais cela le faisait sourire et il en avait bien besoin.
Le Dépeceur adorait ôter la peau de ses victimes et les exposait aux yeux du public. Il les agressait et les tuait la nuit puis prenait les lambeaux de peau arrachés pour les accrocher sur les enseignes et les habitations.
— T’as réussi à vaincre le premier étage, félicitations. Bon, entre nous, l’autre n’était pas une lumière, il a encore dû se jeter sans réfléchir. Mais là, je vais te déchiqueter, ta peau va décorer ma cellule. Je vais tout te prendre ! Ton épiderme est mienne.
Sa voix éraillée fit frissonner John. L’ancien Navy Seal ne répondait pas, il restait stoïque et concentré. Son entrainement militaire lui avait appris à garder son calme et à analyser la situation dans son ensemble : un ennemi de faible constitution mais agile et mortel au vu de sa réputation qui le précédait. Il devait agir vite tout en gardant les ongles exagérément longs dans son champ de vision.
John décida de s’avancer vers lui, enroulant la chaine autour de sa main droite. Son poing américain de fortune bien calé, il courut, la rage étirant ses traits et lui fit éclater le nez d’un gros coup de poing.
Le serial killer tomba net, non sans réussir à lui arracher un bout de peau. John hurla de surprise et de douleur. Il toucha son visage et pu sentir sa dentition, il devait avoir un trou béant au milieu de sa joue gauche. Du sang coulait le long de sa bouche et de son cou.
Le Dépeceur gémit et cracha quelques dents pourries, puis réussit à se relever en tanguant fortement.
Le vétéran ne lui laissa pas le temps de parler. Il frappa à nouveau, plusieurs fois, très violemment. A chaque coup, sa rage décuplait, sa rage de s’être laissé kidnapper, sa rage face à un monstre. Il n’arrêta que lorsqu’il ne restait plus qu’un visage démoli, en bouillie et des bouts de cervelles gluants tapissant le plancher.
John arracha un bout de sa manche et l’enroula autour de son visage pour stopper l’hémorragie. Il monta les marches, furieux et faisant traîner la chaîne ensanglantée.
— Je m’occupe de toi après Barty, espèce d’enfoiré. Tes putains de prisonniers, je vais les buter un par un et…
Il ne finit pas sa phrase, une geôle s’ouvrit et un géant sortit, les yeux sombres. Plus de deux-mètres trente. La mâchoire carrée et le nez déformé. Des cheveux blonds frisés retombaient sur ses épaules robustes. John ne bougeait pas, il n’avait pas imaginé affronter un gars de la taille de George Muresan, et ayant le physique d’un Shaquille O’Neal, deux anciennes stars de la NBA.
Le colosse parla avec un accent russe à couper au couteau.
— Je vais te broyer, da.
Rien d’autres, pas de menaces plus véhémentes, juste un constat. Ce qui effraya John. Son expérience lui avait appris qu’une ire froide était bien plus puissante et dangereuse qu’une colère braillée sur tous les toits.
Yorkan le Grand avança lentement et fit craquer ses immenses mains. Un bruit sourd qui n’augurait rien de bon. L’ancien Seals décida de frapper en premier, peut-être aurait-il une chance de le mettre K.O. en un coup. Il affermit ses appuis et envoya une droite surpuissante. Le géant tituba légèrement.
— Laisse-moi te montrer comment on frappe chez nous, da.
Son poing fusa à grande vitesse, mais John réussit à l’éviter. La puissance de son coup créa un gros trou dans le mur. Tremblant comme une feuille, le vétéran cru sa dernière heure arriver. S’il avait reçu ce coup, il ne serait déjà plus de ce monde. Il analysa la situation : une montagne de muscles bien plus fort que lui, mais aussi bien plus lent. Il caressa la clé que le directeur lui avait donné pour se détacher.
Ni une ni deux, John glissa et passa sous les jambes du géant qui essayait d’enlever les morceaux de briques incrustés dans ses phalanges. Il se releva agilement, lui enfonça la clé dans la jugulaire et la retira immédiatement. Un geyser de sang le recouvrit tandis que Yorkan s’affaissait, ses yeux déjà sombres s’obscurcissant encore plus à l’appel de la mort. Le russe réussit tout de même à attraper le poignet droit du vétéran et à le casser comme une brindille.
John gémit tandis qu’une immense flaque vermeille recouvrait le sol sous la grosse carcasse soviétique.
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