Révélations
Dans une salle d’interrogatoire, en restant mutique sur sa chaise, une jeune femme de dix-huit ans tenait tête à François Bourrasse.
Après l’avoir observée durant de longues minutes, d’une voix calme, l’enquêteur déclara :
— Anita, à la piscine, quand je t’ai parlé de la Roche de Solutré, tu as fondu en larmes ? Explique-moi pourquoi ? J’aimerais comprendre.
La demoiselle avait la tête baissée.
— Regarde-moi quand je te parle ! lâcha François d’un ton sec.
Anita obtempéra, et en se levant, il enchaîna :
— Vendredi huit juillet, ça te dit quelque chose ? Ce jour-là, figure-toi qu’un homme est mort ! Pense à sa femme et ses enfants ! Ils aimeraient savoir ce qu’il s’est passé…
Le torse bombé, en tournant autour d’Anita, François dissertait :
— C’est un suicide ? Non, il a été poussé ! Par qui ? Pourquoi ? Tu sais, j’aime pas les questions sans réponses… Tu pourrais faire un effort !
D’un geste brusque, l’enquêteur plaça sa chaise devant Anita, puis assis à califourchon dessus, il la dévisagea avant d’annoncer :
— Du 24 juin jusqu’au 8 juillet, à l’aube, des témoins ont vu une jeune femme rôder à proximité de la Roche, et grâce à leurs descriptions, je peux dire avec certitude que c’est toi !
Anita sursauta, et des larmes coulèrent le long de ses joues.
Compatissant, François posa délicatement une main sur son épaule, et d’une voix douce, il demanda :
— Tu faisais quoi là-haut ? Tu peignais ?
Et sans attendre de réponse, à quelques centimètres du visage d’Anita, il murmura :
— Tu sais, j’admire les artistes comme toi. J’ai essayé à plusieurs reprises la peinture, mais j’ai toujours obtenu des résultats foireux… Sur internet, j’ai vu tes œuvres, tu es douée, et j’aimerais t’éviter la prison. Tu comprends ?
La jeune femme regarda François Bourrasse droit dans les yeux et froidement, elle marmonna :
— Ce type méritait de mourir.
— Explique-moi pourquoi ?
Des souvenirs remontèrent à la surface.
Lever du soleil, luminosité parfaite, toile, peinture, mélange de couleurs, gestes fluides, plaisir, évasion.
Un moment magique au sommet de la Roche, brisé par des bruits de pas. Arrivée d’un homme éméché, mal rasé, sale et décoiffé. L’inconnu se déchausse, naissance d’un sentiment d’insécurité. Stress décuplé lorsqu’il enlève son pantalon. Le slip tombe, peur grandissante, envie de partir, rangement rapide du matériel. Sommet étroit, roches espacées, chemin escarpé, obligation de passer à proximité de l’exhibitionniste pour fuir.
Approche risquée, rythme cardiaque élevé, coup d’œil furtif pour mesurer le danger. Sexe en érection, affolement, déséquilibre, chute. Succession d’attouchements, hurler, se débattre. Détraqué sexuel armé d’un couteau, lame sous la gorge, haleine fétide, menace mortelle, immobilisation, soumission.
— Il m’a violée bordel… déclara Anita en chialant
Calmement, l’enquêteur demanda :
— Et ensuite, que s’est-il passé ?
La jeune femme sécha ses larmes, et honteuse, elle raconta :
— Il a fouillé dans ses affaires, puis il est allé au bord du précipice, et il a pissé en ricanant. Après, avec une clope au bec, il commençait à dire qu’il allait me faire le cul. Pendant qu’il fumait tranquillement en regardant l’horizon, j’étais clouée au sol, encore sous le choc. Heureusement pour moi, une mémé a débarqué. Sur la pointe des pieds, à grandes enjambées, elle s’est approchée de mon violeur, puis avec son bâton de marche, elle l’a poussé comme une merde, dans le vide. C’était un peu comme une justicière mais version club du troisième âge. En me regardant, elle a mis la main sur son cœur, puis avec l’index devant sa bouche, elle a fait chuuuuuuuuut, avant de partir.
François Bourrasse frotta son bouc, en songeant qu’il faudra faire examiner cette jeune femme pour vérifier ses propos. Pour le viol, il n’avait aucun doute, elle était traumatisée et ça se voyait. En ce qui concerne la mamie justicière, il était sceptique. Aucun témoin n’avaient mentionné de vieille dame aux abords de la Roche de Solutré ce jour-là. Peut-être qu’Anita avait tué son violeur ? Et cette grand-mère imaginaire, qui faisait office de figure rassurante, la déculpabilisait par rapport à son geste ?
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