Un jour sur deux, Micheline retrouvait Louise et Angèle, chez Jeanne pour jouer au Scrabble. Ses dames septuagénaires, copines depuis l’enfance aimaient s’affronter autour d’une table en formant des mots. Il y avait toujours des petits gâteaux à grignoter, et avec la bonne humeur ambiante, les langues se déliaient, et les potins dévoilés éveillaient les curiosités.

Pendant que Micheline épluchait le dictionnaire pour trouver son mot, Jeanne parlait :

— Eh les filles, vous avez lu le journal ? L’homme mort à Solutré, c’est un ho-mi-cide. Selon les premières infos, la victime aurait violé une jeune femme, qui se serait vengée, juste après, en le tuant.

En souriant, Angèle rétorqua :

— Ça, je le savais déjà ! La fille à Marie, ça te dit quelque chose ?

— Hum, peut être ! lâcha Jeanne en réfléchissant.

Toute guillerette de participer à la conversation, Louise tapa sur l’épaule de son amie avant d’entonner :

— Je suis sûr que tu la connais, c’est une droguée, on en a déjà parlé, tu sais, elle fume du ca-nna-bis !

— Ah, ben oui ! Je la remets ! C’est une nana provocante qui aime séduire les mecs. Elle avait même fait tourner la tête du p’tit fils de Claudette ! Tu veux en venir où ?

Avec un air malicieux, Angèle fixa longuement son auditoire, puis elle révéla :

— La jeune femme à Solutré qui s’est fait violer, et ben c’est elle. Anita qu’elle s’appelle si mes souvenirs sont bons.

Louise et Jeanne restèrent bouches bées, et Angèle en profita pour ajouter :

— Elle a ce qu’elle mérite cette petite salope ! Quand on exhibe ses nichons faut pas s’étonner que les hommes vous sautent dessus ! Elle est en garde à vue, et je vous l’dis, elle va finir en tôle pour l’avoir tué.

En entendant ces propos infondés, Micheline referma violemment le dictionnaire, puis énervé, elle se leva de table, et sous le regard médusé de ses copines, elle se dirigea vers la porte.

— VOUS ÊTES VRAIMENT TROP CONNES ! cria-elle en franchissant le seuil.