Pékin
Mes parents ne sont jamais allés en Asie. Mon année d’échange fut l’occasion propice pour eux de s’accorder un tour de l’autre côté du globe.
La Chine se montre très stricte, surtout au niveau du tourisme. Les visas ne pleuvent pas à tour de bras. Ainsi, pour plus de précaution, ils s’embarquèrent dans un tour guidé et encadré, de Pékin à Shanghai, sur une dizaine de jours. Je les rejoignis en train depuis Dalian et les accompagnai au fil de l’aventure. Clairement le meilleur compromis disponible, je n’aurais pas pu les gérer en plus de tout le côté administratif.
Je connaissais peu la capitale, jamais visitée en dehors des films, mais longtemps étudiée. La pollution à Pékin n’est pas une légende : un voile grisâtre entrave l’atmosphère.
Les retrouvailles avec mes parents se soldèrent d’abord par une honte culturelle. Après de bonnes brochettes au restaurant, mon père, pas encore habitué au yuan, tendit un billet de cent à la serveuse. L’addition n’affichait que quatre-vingt-dix-huit, aussi il insista pour qu’elle conserve la monnaie, comme il est coutume de le faire en France. La pauvre se décomposa puis se confondit en excuses, expliquant qu’elle se devait de rendre ces deux petites pièces. Le voyage n’avait pas commencé, et déjà mes parents se faisaient remarquer. Cela n’allait pas être de tout repos.
Le séjour démarra par la visite des hutongs, ces ruelles étroites traditionnelles où les bons-vivants populaires se retrouvent. Accueillis par un couple de retraités, qui connaissaient notre guide (et qui, visiblement, s’adonnait à ce tourisme de patrimoine régulièrement), nous dégustâmes une tasse de thé vert en compagnie de locaux. Arpenter ces serpents de bétons nous avait également creusé l’appétit et l’hôtesse nous offrit quelques légumes et fruits pour accompagner la boisson.
Une première nuit dans un hôtel standard, et nous voilà repartis en direction du centre-ville historique, témoin d’un conflit millénaire. Au-delà de la majestueuse, bien que triste, place Tian’An Men, la « Porte de la Paix Céleste », dont certains événements récents restent tabous chez les Chinois, le visage de Mao rayonnait contre la façade de la Cité Interdite.
Le palais flamboyant se compose de plusieurs portes, représentation des nombreux édifices administratifs de l’époque. Les cours munies de ponts, enjambant les rivières gelées, nous menèrent vers un folklore perdu sous la Révolution de 1912, qui signa le terme de l’Empire Qing et l’avènement de la première République de Chine.
Par chance, les traditions persistent sous certaines formes et les tenues de l’Empereur ainsi que sa mémoire restent gravés dans la pierre pour l’éternité.
Dès que le guide apprit que je vivais en Chine et que je baragouinais le mandarin, il entama un terrible monologue, baigné dans le dialecte de la cité, auquel je ne pouvais répondre.
Très sympathique cependant, souriant et cultivé, il répondait à toutes nos questions, sur divers sujets. Comme convenu par le circuit, il nous mena vers un restaurant qui servait le fameux canard laqué de Pékin, cette délicieuse spécialité de canard à l’orange. Un conseil pour les futurs goûteurs : déguster le tant qu’il est chaud, le goût se perd avec la température.
Outre la gastronomie chinoise, mes parents ont pu découvrir le fameux baijiu, cet alcool des enfers. Le gosier en flammes, ils apprécièrent le geste, malgré la larme.
Un tour en bus en périphérie afin de conquérir l’insolente Grande Muraille de Chine, dont plusieurs accès sont disponibles. Le nôtre fut montagneux et ardu, au cœur d’une pente verticale. Je gravis quelques marches mais ne pus poursuivre sur ma lancée, pris d’un violent vertige.
Les légendes liées à ce monument ne cessent d’alimenter mon imagination, depuis le visionnage du film Mulan. Toutefois, affronter ce dragon de pierre non visible depuis la Lune (contrairement aux idées reçues) représentait un défi de taille. Les centaines de segments se dessinaient dans le lointain au fur et à mesure de l’ascension, comme autant de palier dans cette quête céleste.
Le guide nous quitta, non sans émotion, à la gare, avant notre départ pour Xi’An, la « Paix de l’Ouest », où nous allions retrouver la prochaine personne en charge de nous introduire le pays.
Cette partie du circuit s’effectuait en train-couchette, avec quatorze heures de trajet, le temps de refaire le plein d’énergie avant l’excursion de l’ancienne capitale de l’empire du milieu et de son armée en terre cuite.
Annotations
Versions