Nankin - Hangzhou
Partir en voyage entre amis représente toujours une affaire délicate, surtout dans un pays qui n’est pas le sien. Durant nos quelques congés du mois de mai, Joe, Maya et moi avions décidé d’embarquer pour le sud de la Chine (tout reste relatif car, à la taille du pays, cela concernait en réalité le centre-est). Visiter Nankin, ancienne capitale de l’empire, puis Hangzhou, cousine de Suzhou et semblable à elle en beauté selon les Chinois.
Les avions depuis Hangzhou étaient trop rares et chers, aussi nous avions optés pour l’alternative suivante : train pour Shanghai (à 80 kilomètres de notre destination) puis vol jusqu’à Dalian. Le retour semblait viable. Dieu que nous étions si crédules.
Nankin est la capitale de la République de Chine. Pas celle de Mao et des communistes, mais celle de Sun Yat Sen et de ses compères qui mirent fin au règne impérial. Le Guo Min Dang, son parti politique, réside encore aujourd’hui à Taïwan, où il cherche à faire valoir ses droits, mais son âme occupe toujours les vestiges de la cité.
La majorité des monuments de la ville tournent autour de la vie de Sun Yat Sen : son mausolée, le bureau du premier conseil du parti républicain, sa résidence et même le quartier principal porte son nom mandarin, Zhongshan (中山, « la montagne du centre »).
Lors d’une promenade vers sa tombe, les selfies surprises n’arrêtaient plus de pleuvoir, surtout lorsqu’on traine avec deux amis blonds. Certains Chinois demandaient tout de même la permission, là où d’autres chargeaient leurs enfants de nous espionner. Il n’aurait quand même pas fallu que le ragot du soir n’omette de mentionner cette rencontre avec les Bai Ren, les Blancs.
Un autre, plutôt culotté, nous proposa une photo avec sa femme, avant de me demander mon numéro de téléphone. Il souhaitait rencontrer un ami étranger, pour se la péter en société, et j’aurais été parfait dans son répertoire. Il ne récolta qu’un solide refus gêné.
Outre les nuisances maladroites, la vue du sommet du mausolée sur la ville nous coupait le souffle. Malgré son passé citadine, Nankin conservait toute sa verdure. Comme de nombreuses homologues du Sud, ses forêts encadrées par les lacs occupaient un paysage vivifiant.
Vivifiante l’était également la pinte du soir. Un séjour ne saurait se compléter sans la minute apéro. Une taverne minuscule mais accueillante nous suffit amplement. Celle-ci possédait une large gamme de bières européennes pour ravir nos papilles. Les verres étaient ensuite amenés par le biais d’un train électrique qui circulait tout autour de la salle, sans verser à côté une goutte du précieux liquide.
Au cours d’une journée harassante, et l’appétit non comblé par le dîner, de violentes nausées m’assaillirent après quelques gorgées de blonde. Des envies de vomir atroces comme je n’en avais jamais connu jusque-là et avec l’impossibilité de m’en défaire, même après un hamburger bien mérité.
L’amour pour Sun Yat Sen ayant ses limites, nous avions visité de somptueux jardins qui occupaient le palais présidentiel. Un temple dédié à Confucius (pourtant né dans le Shan Dong, la province de Qing Dao) nous raccorda avec nos valeurs et les spectacles de péniches sur un lac immense termina d’enchanter nos cœurs.
Pour ne rien regretter, la dégustation du canard et du porc de Nankin, réputés pour leur texture et leur tendresse, assouvit nos désirs gustatifs. C’est donc l’esprit en paix que nous prîmes place dans le TGV qui nous conduisit jusqu’à Hangzhou, destination phare du voyage.
Il n’y a pas à pisser à côté, l’allure traditionnelle de Hangzhou et son semi-urbanisme la rendent très attractive, presque autant que sa cousine, Suzhou, sans infidélité aucune.
Toutefois, plusieurs points négatifs obstruèrent notre expérience des lieux : aussi majestueux soit-il, Xi Hu, le lac de l’Est, est l’unique spot touristique de la ville. Toutes les autres activités orbitaient autour de lui et se résumaient à le contourner et le détailler sous toutes ses coutures. Ainsi, la visite de la cité se pliait en une journée, deux pour plus de confort.
Par un heureux hasard, nous avions croisé nos enseignants avec un groupe d’élèves, vagabondant en voyage scolaire autour de plusieurs villes chinoises. Pedro en faisait partie.
En outre, la réputation des français n’était plus à faire. Comment redorer son blason avec les locaux lorsque, dans notre auberge de jeunesse, deux jeunes francophones discutaient de la souplesse intime d’une chinoise bourrée au détour d’une boîte de nuit ? Heureux de vous apprendre qu’il s’agissait là d’un viol, les gars.
Nous partagions notre chambre avec trois autres personnes, dont une qui eut l’amabilité de ramener une concubine avec qui discuter toute la nuit (sans passer à l’acte, pensez-vous, un vrai salon de thé nocturne).
Heureusement, tous ces griefs s’envolèrent avec la vue imprenable qu’offrait Xi Hu sur les richesses de Hangzhou, dont son délicieux yaourt fermenté (老酸奶, littéralement le « vieux yaourt »).
Pour finir, ce séjour entre amis souda nos liens, en plus de nous en apprendre davantage sur une région éloignée de la nôtre, non avare en moustiques. Le retour s’annonçait sinueux mais nous avions quitté l’auberge dans les temps.
Le train n’eut aucun retard et arriva à Shanghai à point nommé. Notre seule erreur constitua en la mauvaise évaluation de la distance, en métro, entre la gare ferroviaire et l’aéroport international de Pudong. Cela nécessitait de traverser toute la ville, presque deux heures et demie de trajet.
Une couille imprévue dans le potage, fatale pour notre vol. Arrivés cinq minutes après la fermeture de l’enregistrement, il ne nous restait plus qu’à racheter un billet pour le soir, et de rentrer en taxi (durant l’après-midi, le bus de l’école aurait pu nous récupérer pour une poignée de yuans).
Pour Maya et moi, le billet s’établit à moitié prix, à cause de l’avion manqué. Mais Jeff n’eut pas cette chance. À cause d’une simple erreur de transcription sur sa réservation (un l au lieu d’un I ou un O au lieu d’un zéro), il dégusta le billet plein pot. Miam les économies étudiantes !
Le principal fut qu’après plusieurs heures d’attentes à l’aéroport, nous pûmes dormir bien au chaud dans nos dortoirs, des souvenirs plein la tête.
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