Saint-Louis, mercredi 2 septembre 2020 (3)
Geneviève se leva en se tenant les reins. Elle devait lutter contre le découragement. Elle craignait de manquer d’imagination pour terminer ce rapport sur la communication interne au sein du commissariat. L’irruption de Sébastien dans son bureau lui apparut comme une distraction salvatrice.
— Madame, vous devriez venir, on a là un phénomène.
— Volontiers Sébastien, j’ai vraiment besoin de décompresser.
— Et bien vous allez être servie. Il est dans mon bureau.
Elle le suivit. La bonne humeur s’était invitée dans la salle principale. Visiblement, elle était la dernière à ne pas être au courant. Elle découvrit un jeune assis, assez agité. Il se tourna brusquement en voyant la commandante.
— Je vous présente Vladi. Il vient porter plainte.
Elle regarda le jeune garçon, sans doute mineur.
— Vladi, j’aimerais que tu expliques à la commandante, ici, la raison de ta plainte.
Geneviève avait remarqué tout de suite que le mot « commandante » avait impressionné le jeune homme. Il roulait les yeux de droite à gauche.
— À la supérette, ils ont balancé ma tête sur un rayon. Ma photo quoi, genre je suis le roi des larcins ou quoi.
— Ah !
Effectivement la distraction promise était tenue. Geneviève dut faire un effort pour garder son sérieux. Voyant qu’on ne lui répondait pas, le garçon se crut obligé de renchérir.
— Z’ont pas le droit de faire ça, tu vois madame. C’est hors-la-loi ça, c’est ce que m’a dit mon gars Nézine. Le tieks va me chambrer grave à cause de ça.
Les arguments demandaient effectivement réflexion. Geneviève s’assit dans le fauteuil de Sébastien en face de son interlocuteur. Elle allongea les bras sur le bureau et croisa les mains. Elle regarda le « plaignant » droit dans les yeux.
— Dis-moi Vladi. Si le gérant de la supérette a mis ta photo, c’est bien parce que tu as volé quelque chose dans ce magasin et sans doute plusieurs fois, non ?
Cette question ne déstabilisa pas une seconde le concerné.
— Mais mon délit, c’est peanuts comparé à ça. Lui, il a grave dépassé les bornes, c’est pas permis.
Geneviève pinça les lèvres.
— Oui, tu as raison, ce n’est pas permis ce qu’il a fait.
— Voilà quoi, la coupa l’intéressé.
— Mais tu sais, voler non plus, ce n’est pas permis. Alors je suppose que si ta photo est sur le rayon, c’est que tu as été pris par une caméra de surveillance en train de voler, c’est ça ?
Pour le coup, le jeune homme ne trouva aucune réplique. Geneviève se dit que le moment était venu de porter l’estocade.
— Alors tu vois Vladi. Tu as le droit de porter plainte pour ça, mais nous de notre côté on va faire venir témoigner le gérant de la supérette pour prouver que tu voles régulièrement et on a les preuves en vidéo. Il va porter plainte contre toi. Et nous on va t’arrêter pour vol. qu’en penses-tu ?
Vladi se taisait, on devinait aisément la tempête qui sévissait sous son crâne. Il semblait avoir beaucoup de mal à analyser tous les tenants et aboutissants de la situation dans laquelle il s’était fourré. Il regardait dans toutes les directions comme quelqu’un qui perd pied, à la recherche d’une bouée de sauvetage. Il soupira et se leva brusquement.
— Allez vous faire foutre, bande de bouffons.
Il sortit précipitamment. Geneviève et Sébastien éclatèrent enfin de rire.
— Celle-là Sébastien, tu la notes dans notre livre d’or.
Elle regagna la salle principale pour rejoindre son bureau. Jean Wolff l’appela, il avait le téléphone à la main.
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