Saint-Louis, vendredi 4 septembre 2020

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Geneviève dévisagea la jeune femme assise en face d’elle. Grande, d’une forte carrure, sans doute sportive, elle n’était pas vraiment belle, mais séduisante quand même. Elle avait de beaux yeux et un large sourire qui s’ouvrait sur une rangée de dents impeccables. Elle semblait nerveuse. Un tic lui faisait agiter une jambe. Geneviève ajusta son clavier devant elle.

— Bonjour, mademoiselle Julia Ruetsch, 25 ans, célibataire, vous habitez 136 b rue de Dannemarie à Durlinsbach. C’est exact ?

Elle se contenta de hocher la tête.

— Tout d’abord, je voudrais que vous me parliez du jour où vous avez reçu cette jeune femme, Léa Baysang. Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal, semblait-elle avoir peur ? Avait-elle un ou des objets inhabituels que l’on n’aurait pas retrouvés lors de la fouille du logement ? Ou tout autre chose.

Elle resta silencieuse, semblant réfléchir.

— Non, je ne vois pas. Elle était plutôt gaie et décontractée. Elle m’a dit être soulagée, car elle sortait d’une mauvaise relation et elle voulait décompresser. Elle avait vraiment peu de bagage. Même pas de nourriture. Heureusement, dans la location, on a toujours une petite réserve pour dépanner. Je lui ai fait visiter. J’ai fait un état des lieux, je lui ai remis les clés et je l’ai laissée. Je n’ai vraiment rien vu de particulier.

— Vous y êtes retourné le lendemain.

Elle inspira.

— Oui, on vérifie toujours que tout va bien. Elle semblait vraiment à l’aise. Elle prenait un bain de soleil. Je ne me suis pas attardée après avoir vérifié qu’il n’y avait pas de problème. Je lui ai conseillé d’aller au village pour faire quelques courses. Notre supérette est ouverte sept jours sur sept.

— Et c’est la dernière fois que vous l’avez vue ?

De nouveau un long silence et une profonde inspiration.

— Oui.

— Une dernière chose. Vous aviez les clés du logement ?

Elle se trémoussa sur sa chaise.

— Oui, je la prends à la mairie et la remets ensuite. C’est un double, car la locataire a un trousseau, bien évidemment.

— Tout le monde a accès à ce double ?

— Oui, c’est dans le bureau de la secrétaire. Enfin, aux heures d’ouverture de la mairie.

Ce fut au tour de Geneviève de soupirer. Elle se recula dans son fauteuil.

— Si ça continue comme ça, notre dossier d’enquête va être ultramince. Le seul élément dans tout cela, c’est que l’on ne trouve nulle part les clés du moulin qu’elle devait posséder. Et la porte était fermée à clé.

Elle imprima la déposition et la tendit à la jeune femme.

— Bien, je vous remercie. Vous pouvez signer en bas, ici, votre déposition.

Elle la raccompagna jusque dans le couloir. Sébastien était toujours avec Aurélie Martin. Bruno arriva en guidant l’adjointe Céline Kohler vers la sortie.

— Alors.

— Il haussa les épaules.

— Rien de neuf. Mais je me suis permis de la questionner sur cette légende de la malédiction.

— Ah, intéressant. Il faudra que tu m’expliques ça, mais là je vais aller voir Sébastien, je crois qu’il a terminé.

La jeune Aurélie Martin sortit de la pièce les traits tirés. Elle était clairement très affectée par la disparition de son amie. Geneviève interrogea Sébastien du regard.

— Rien de plus par rapport à ce que l’on sait déjà. Une précision toutefois sur ce Kevin Calvo. Elle a eu l’occasion de les voir deux fois ensemble avec Léa, dont lors d’un repas et ce qu’elle décrit correspond au comportement d’un pervers narcissique.

— Oui, je commençais à y penser. Ça concorde. Et dans ce cas, ça explique qu’elle ait eu envie de fuir.

Elle regarda sa montre.

— Pas de nouvelles de Jean et Éric ?

— Si, ils l’ont cueilli sur son lieu de travail. Ils sont en route.

— OK, on s’y met tous les deux.

— Témoin ou suspect ?

— Non, témoin pour l’instant, on n’a rien contre lui. Toujours aussi pressé, hein ! je sais bien que c’est notre seule petite piste pour le moment, mais on ne s’emballe pas.

— Ah, au fait, j’ai eu un coup de fil de la gendarmerie sur place là-bas et toujours rien au sujet des recherches.

— Ce n’est pas surprenant.

— Ça m’étonne, je ne vous connaissais pas ce côté pessimiste.

Elle haussa les épaules.

— Ces jeunes femmes qui disparaissent en pleine nature ? non.

Elle rejoignit Laura et Thomas qui remontaient de la pièce des scellés.

— Vous avez trouvé quelque chose ?

— Rien d’intéressant à part cette boîte. Je vous la laisse.

Elle regagna son bureau et inspecta la boîte. Elle en sortit le livret de famille, un collier fantaisie et un bracelet, un ruban, un carnet solaire. Elle l’ouvrit. Elle lut, sur l’en-tête, Collège Adelaïde Hautval de Ferrette, classe de quatrième. Elle parcourut rapidement les notes. On aurait pu qualifier Léa Baysang d’élève très moyenne. Les études n’avaient pas été son point fort, visiblement. Elle le referma et extirpa une pochette de photos. Une petite au format carré représentait un couple. On devait admettre que c’étaient ses parents. Sur une autre, on voyait la même femme un peu plus âgée, avec une gamine sur les genoux. Donc c’était bien sa mère avec elle à… disons huit ans. Elle en trouva encore une assez grande. Il s’agissait d’une photo de classe. Vu l’âge des enfants, elle en conclut que ce devait être au collège de Ferrette. Elle la retourna pour lire la légende : collège Adelaïde Hauytval, classe de quatrième, 26 juin 2008. Elle revint sur la photo et s’attarda un moment sur les visages. Elle reconnut Léa sans trop de difficulté.

On frappa à sa porte que Sébastien entre-ouvrit.

— Il est là, madame.

— Parfait, laisse-moi un peu de temps.

Elle ferma la boîte et lui trouva une place en haut de son armoire. Finalement, cette simple boîte en carton représentait ce qu’elle pouvait avoir de plus concret sur cette jeune femme. Une triste preuve de son existence. Bien morne, en effet, à en juger par la pauvreté du contenu. Elle resta songeuse. Si l’on admet qu’une boîte de souvenirs d’enfance est le simple miroir de l’âme, elle en conclut que la vie de Léa devait se résumer à un vide existentiel, simplement comblé par de fugaces moments de bonheur. La jeune femme gagnait un peu en consistance.

Elle soupira et chassa la mélancolie qui tentait de l’envahir. Elle décrocha son téléphone pour appeler le procureur. Comme à son habitude, il ne sonna pas plus de deux fois avant qu’il ne décroche. Elle l’informa des derniers éléments de l’enquête.

— Merci pour ces éléments, j’attends votre rapport, car je dois donner une conférence de presse demain. Les médias se sont emparés de cette affaire et ça fait le buzz. Bon et bien, peu d’indice en effet. En tout cas, je me félicite de vous avoir appeler pour cette disparition et je vous remercie, toujours efficace, vraiment. Et à ce propos je vous signale que vous allez recevoir demain, une nouvelle recrue comme vous l’avez demandé. En théorie ce n’est pas de mon ressort mais disons que j’ai des oreilles partout et que je tenais à vous donner ce coup de main. Elle s’appelle Kyara Remy.

Elle remercia et reposa doucement son appareil.

Eh bien, une nouvelle dans le groupe ! espérons que cela se passera aussi bien que pour Thomas.

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