Durlinsbach, samedi 5 septembre 2020 (suite)
Le trajet avec le « deux tons » fut rapide. Ils n’échangèrent que peu de mots. La gravité de l’instant les poussait à la réserve. Même Kyara, pourtant assez loquace, affichait un visage fermé. Une pluie fine achevait d’assombrir l’ambiance. À l’entrée de Durlinsbach, deux gendarmes leur indiquèrent la direction à suivre. Les deux véhicules s’engagèrent sur un chemin forestier, dominant le village. Ils finirent dans la boue, de longues bandes de rubalises barraient le passage. Les fonctionnaires les soulevèrent en les saluant. Ils arrivèrent sur le site, un tas de bois fumait encore à côté d’un véhicule de pompier. Une demi-douzaine de gendarmes s’activait. Elle reconnut l’adjudant-chef Bossert qui la salua.
— Madame la commandante. Je vous montre.
Ils arrivèrent devant un tas de bois assez conséquent sur lequel, recroquevillé, on devinait un corps humain.
— La crémation n’est pas complète. Je pense que le bois était trop humide. Un vététiste a vu une grosse fumée s’élever et il est venu voir. Il a appelé tout de suite. Il est là-bas, finit-il en montrant un homme avec un vélo, visiblement très marqué.
Geneviève s’approcha. Seule la moitié inférieure du corps s’était consumé, la tête était intacte. Elle reconnut Léa Baysang sans aucune difficulté.
— Merde, fait chier !
Elle se retourna pour découvrir le visage bouleversé de Kyara.
— Il faut te protéger, Kyara, j’ai dit la même chose à Thomas en son temps. N’hésite pas à parler à quelqu’un. La première fois, ça peut être traumatisant. On est tous passés plus ou moins par là.
Laura s’approcha.
— Viens avec moi.
Elle suivit des yeux les deux jeunes femmes qui s’éloignaient.
— Il avait prévu large pourtant, constata Sébastien. Le tas de bois est énorme.
Geneviève jeta un regard circulaire.
— On est sur un site de coupe, il y a des tas assez conséquents, c’est sans doute pour cette raison qu’il a décidé de faire ça ici.
Jean les rejoignit en fermant son carnet.
— Rien de bien intéressant de la part du témoin, on a une idée à peu près exacte de l’heure du début du feu, quoi. Il a vu s’élever une épaisse colonne de fumée et ça l’a intrigué. Il est venu voir.
— Ça veut dire qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il voie l’auteur, conclut Sébastien.
Plusieurs véhicules de gendarmerie arrivèrent.
— Bon, on va laisser la scientifique travailler, dit Geneviève. Redescendons au village, à la mairie. Ils sont prévenus.
— Au fait, l’interrompit Sébastien. Du coup, Kevin Calvo n’est plus suspect.
Elle leva les bras.
— Exact. On pourrait aller lui trouver un complice qui brûle le corps après, mais j’avoue que l’on s’enfonce, là. Bon, on attend pour le moment. Je n’ai pas un gros cas de conscience en le sachant encore en garde à vue.
Ils trouvèrent l’équipe municipale presque au complet. Geneviève informa le maire des derniers événements.
— C’est elle, il n’y a donc aucun doute, mon Dieu, mon Dieu. Quelle catastrophe pour notre commune.
— J’ai demandé aux gendarmes de faire, de nouveau, une enquête de voisinage. Ça paraît peu probable que personne n’ait vu un véhicule aller ou revenir de la forêt. Personne, parmi vous, n’a vu quoi que ce soit ?
Un murmure parcourut le groupe. Geneviève remarqua Julia Ruetsch, assise dans un coin, totalement effondrée.
— Monsieur le maire, souhaitez-vous que je demande au préfet, un soutien psychologique ?
Il réfléchit un instant puis leva un visage grave vers elle.
— Oui, soupira-t-il. Je pense que c’est nécessaire.
Ils quittèrent la mairie en silence.
— Bien, on rentre. Il ne reste plus qu’à attendre les rapports.
Le retour fut encore plus silencieux que l’aller. Kyara s’était mis des écouteurs et elle resta muette jusqu’à l’arrivée à Saint-Louis.
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