Saint-Louis, lundi 7 septembre 2020

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L’irruption de Sébastien, dans son bureau, tira Geneviève de la lecture du premier rapport de la scientifique.

— Le toubib a appelé, l’autopsie est en cours.

Elle leva la tête de ses papiers.

— Bien, on va y aller.

— Quelque chose d’intéressant ? demanda Sébastien en désignant les documents du menton.

— Rien pour le moment. Les traces de véhicules ne sont pas exploitables, il y en a trop. Et, a priori, le ratissage n’a rien donné.

— C’est quand même gonflé d’avoir été là-haut pour faire ça, alors que le secteur grouillait encore de gendarmes qui menaient des battues.

— Oui, mais pas dans ce secteur, justement. Allez, on y va.

Juste le temps de voler deux carrés de chocolats.

Comme à leur habitude, ils échangèrent peu de mots pendant le trajet. Geneviève percevait une lourdeur s’installer dans leur véhicule. Ce passage à l’institut médico-légal les mettait tous les deux, mal à l’aise.

Ils empruntèrent le couloir désormais familier. Son éclairage blafard apportait toujours sa touche lugubre, comme quelque chose d’obligatoire à l’ambiance de ce bâtiment. Ils trouvèrent Perret absorbé par l’écran de son ordinateur. Le corps de Léa Baysang reposait sur la table métallique, recouvert du drap réglementaire jusqu’au menton. Son visage affichait cette paix immuable qui sied à tous les morts. Geneviève jeta un coup d’œil à Sébastien qui lui fit un petit signe. Tous les deux gardaient encore en mémoire, leur dernière enquête où ils étaient arrivés en pleine autopsie. Le corps éventré et les organes exposés leur avaient laissé un souvenir morbide qui n’était pas près de s’effacer. Le toubib les salua.

— Content de vous revoir madame la commandante. Lieutenant.

L’enthousiasme de Perret ne semblait pas fléchir. Finalement, c’était une constante rassurante dans ce monde en perpétuel changement.

— Alors, dites-moi.

La passion alluma une étincelle dans son regard.

— Déjà, la victime était morte au moment où on l’a brûlée. Du moins, essayé de la brûler.

Il leva le doigt tout en les fixant intensément.

— Comme le haut du corps était intact, j’ai pu facilement constater qu’elle a été étranglée.

Geneviève inspira.

— Avez-vous trouvé des traces d’abus sexuel ?

Il se gratta la tête.

— C’est déjà plus difficile, car cette partie a souffert de la crémation, mais non, rien ne permet de le certifier. De plus, elle avait tous ses vêtements.

— Comment a-t-elle été étranglée, demanda Sébastien.

L’enthousiasme le reprit. Il s’agita.

— C’est intéressant, avec une sangle large de trois centimètres à peu près. Une ceinture par exemple. Ou aussi, les sangles pour chevaux. C’était du cuir de toute façon, je viens de le vérifier. Et, plus intéressant encore.

Il s’agitait de plus en plus, faisant des vas et viens entre la table et son bureau.

— J’ai trouvé une trace assez marquée sur la nuque. Attendez, je vous montre.

Geneviève respira un grand coup. Perret souleva le crâne et montra une marque rouge circulaire sur la nuque.

— Ça me fait opter pour une ceinture. Ce serait la trace de la boucle et le gars a serré fort.

Sébastien fit la grimace.

— Pas agréable de mourir comme ça.

— Et la mort remonte à quand ? demanda Geneviève.

— Trois jours maximum, vendredi dans l’après-midi, vers dix-huit heures.

— Bon, et bien voilà notre suspect définitivement hors de cause, constata Sébastien.

Geneviève eut un geste d’impuissance.

— Tu peux appeler le juge, pour qu’il le laisse sortir. Il a quand même fait un petit séjour en prison, finit-elle avec un triste sourire.

Elle vit Perret qui la regardait avec une expression qu’elle commençait à bien connaître.

— Vous avez autre chose, non ?

Il haussa les épaules.

— Peut-être, pas sûr.

Geneviève savait bien que ce genre de remarque pouvait les mener loin. Perret présentait une sorte de sixième sens précieux.

— Ce cuir me semble ancien. J’ai trouvé des fragments dans la plaie d’étranglement et c’est étrange. Un cuir récent ne ferait pas ça. J’ai envie d’envoyer un prélèvement à un centre spécialisé dans le carbone 14 que je connais bien à Grenoble. Il s’agit du CEA, mais…

— Oui ?

— Cela représente une dépense non négligeable.

— Bref, vous me refaites le coup du vieux bois de cerf (*)

— Exactement, mais là je m’étais simplement adressé à une connaissance, c’était gratuit.

— Bon, écoutez, laissez-moi encore réfléchir. Je dois en parler au proc. Vous savez bien que maintenant, toute dépense doit être justifiée.

Il écarta les bras en signe d’assentiment. Elle le salua.

Sur la route du retour, Sébastien fit part de sa réflexion.

— Nous voilà face à un mobile des plus flou. Aller enlever cette pauvre fille dans son moulin, pour la tuer trois jours après sans rien faire de plus, étrange, non ? finit-il en se tournant vers Geneviève.

— Je te rejoins tout à fait, il la tue et la brûle. Terminé, il n’y a rien à voir. Même un psychopathe n’agit pas comme ça. On va tout reprendre à zéro. Déjà j’aimerais retourner là-bas, on est peut-être passé à côté d’un détail.

Elle le regarda.

— Mon cher Sébastien, nous voilà face à une satanée enquête.

(*) La vallée aux cerfs

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