Saint-Louis, mardi 8 septembre 2020

3 minutes de lecture

Bernard la connaissait par cœur. Depuis qu’elle était rentrée, il la sentait préoccupée, voie même perturbée. Sa façon de répondre avec distance à ses questions où même de répondre à côté était révélateur. Sans insister, il se concentra sur la préparation du dîner. Il la laissa s’isoler au salon. Il mit rapidement le couvert et plaça sa salade alsacienne au milieu de la table. Un petit plat très simple que goûtait particulièrement Geneviève.

— Ma chérie, c’est prêt.

— Oh chouette, t’as bien fait. Il y a du bon pain ?

Il avança la corbeille. Elle se servit copieusement et sembla se détendre. Elle se recula sur sa chaise.

— Hum ! ces « cœurs de bœuf » sont vraiment délicieuses.

— J’ai l’impression que t’as besoin d’un remontant, un petit peu de rosé ? finit-il en montrant la bouteille.

Elle tendit son verre

— Volontiers.

Il reposa la bouteille et la fixa. Elle avala encore deux ou trois bouchées et le regarda.

— Quoi ?

— Je ne sais pas, mais c’est plutôt à moi de me dire quoi. Depuis que tu es rentrée, je vois bien que quelque chose te préoccupe.

Elle posa son couvert et le fixa tout en restant silencieuse.

— Tu sais bien que je lis en toi comme dans un livre ouvert.

Elle pouffa.

— Un livre ouvert, vraiment ?

— Ben oui.

Elle laissa échapper un profond soupir, et cette fois-ci, Bernard perçut nettement un voile qui assombrit son regard un bref instant. Il ne dit rien et laissa le silence se prolonger encore quelques secondes.

— Bon, ce matin je suis retournée dans ce fameux moulin.

— Où cette fille a disparu ?

— Oui. C’est là qu’on l’a enlevée avant de la tuer quelques jours après.

Elle marqua un nouveau silence. Bernard ressentait une légère anxiété. Il avait très rarement vu son épouse aussi perturbée. Il fallait remonter à « l’affaire » de Cathy (*) pour la voir dans le même état. Elle hésitait encore à parler.

— Je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie d’y retourner.

— Oh ! ça, ce n’est pas la première fois. Tu aimes bien traîner sur les lieux du crime comme on dit dans les polars.

— Oui, mais là, on n’est pas dans un polar.

— Bon alors ! dis-moi.

Elle se tordit les doigts.

— Je suis rentrée dans cette pièce, la pièce principale, et j’ai regardé autour. Je n’ai rien vu de particulier. Sébastien est monté à l’étage. Alors là… je ne sais pas. Il y a eu quelque chose.

— Quelque chose ?

— Oui, enfin, je ne sais pas comment dire. Un coup de vent dehors et j’ai cru entendre une voix… très faible.

— Une voix ?

Elle lui adressa un regard accusateur.

— Tu vas répéter tout ce que je dis ?

— Bon ! OK, vas-y, continue.

Elle se reprit.

— Un murmure plutôt, mais ça ressemblait vraiment à une voix, finit-elle en le regardant pour appuyer ses dires.

Elle était sincère et Il ne savait pas vraiment quoi dire, la plaisanterie peut-être.

— Oh, tu sais ! depuis que tu as parlé à un arbre ! (**).

— Bon si c’est vraiment tout ce que tu as à dire, je me tais.

Il lui prit la main.

— Excuse-moi, je cherche seulement à détendre l’atmosphère, car je ne te sens pas bien, je me trompe ?

Elle lui adressa un regard triste.

— Allez, vas-y, je t’écoute.

Elle inspira.

— Et cette… voix, donc, était chargée de menace même si c’était incompréhensible. Et puis…

Il lui serra la main

— Oui…

— J’ai été envahie par une brusque tristesse, un vrai coup de blues, tu vois ? termina-t-elle avec un regard qui cherchait son soutien.

— Je vois et je comprends un peu mieux maintenant. Et c’est passé comme c’est venu ?

— Sébastien m’a interpellée et ça m’a… réveillée, quoi.

Il la regarda dans les yeux.

— Tu sais, finalement, tu es plus sensible que tu ne veux le laisser paraître. Ça s’appelle la compassion, tout simplement. Mais rien d’étonnant ; tu n’as pas choisi ce métier par hasard.

Elle eut un faible sourire.

— Bon, il est déjà assez tard, décida Bernard, dodo, assez d’émotions pour aujourd’hui.

Elle se leva avec lui pour l’aider à débarrasser et lui adressa un sourire complice.

— Quoique je ne serais pas contre quelques émotions supplémentaires.

Il la retrouvait enfin bien là. Il fit une courbette.

— Serviteur.

(*) Cathy

(**) La vallée aux cerfs

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Bufo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0