Durlinsbach, jeudi 10 septembre 2020 (suite)

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Julia ne perdait pas des yeux la table du professeur d’histoire. La présence de ces deux flics l’inquiétait.

— Pourquoi sont-ils venus l’interroger lui ? Ça à voir avec le collège ? J’aime pas ça.

Elle essaya discrètement de s’approcher en servant d’autres clients. Elle réussit par deux fois à capter des bribes de conversation où il était question de sorcellerie.

— Tient ! ils s’intéresseraient aux histoires autour du moulin, étrange.

Cela la rassura un peu. Son service s’achevait dans une heure. Elle était libre ensuite et Sylvain lui avait demandé de la rejoindre. Il réoccupa toutes ses sensées. Elle sourit pour elle-même. Elle n’avait pas osé le revoir depuis la battue et leurs baisers. Elle trouvait à chaque fois une excuse pour lui échapper. Mais ça devenait intenable. Et son corps, son âme ne pouvaient plus résister. Elle lui avait donné son accord. Maintenant le temps lui semblait s’attarder avec un plaisir sadique. Elle vit les deux policiers partir. Le fait qu’ils ne se soient pas intéressés à elle la rasséréna.

Enfin la délivrance arriva. Il était temps, car elle ne pouvait plus supporter les regards amusés de Gérard.

— Allez, tu es libre, lui dit-il avec un grand sourire. Il serait temps que vous ayez un moment à vous, non ?

Elle ne répondit pas et alla se changer. Lorsqu’elle revint, il était là et elle sentit ses jambes faiblir. Comment avait-elle pu résister aussi longtemps ? Il vint sans hésiter vers elle et l’embrassa longuement.

— Allez les amoureux, ouste du vent ! lança Gérard en éclatant de rire.

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Sylvain.

Voilà bien la question à laquelle elle n’avait absolument pas réfléchi.

— Je ne sais pas…

Il se tourna vers elle avec un grand sourire.

— Tu m’as bien dit que la porte du cellier chez nous a été abîmée. Tu ne m’as pas dit comment d’ailleurs.

— Oui… non… elle a été forcée on dirait, mais pourquoi…

Il la coupa.

— Écoute ! on passe chez moi. Je prends des outils et on va réparer ça. Ça te va ?

— Allez !

Elle n’avait absolument pas anticipé la venue de Sylvain chez elle. Un mélange d’exaltation et d’inquiétude s’empara de son esprit. Ils furent vite arrivés. Sylvain regarda la porte avec circonspection. Une partie de la serrure avait été arrachée et le chambranle était brisé au niveau de la clenche. Il se gratta la tête.

— Bon, je vois. Je vais quelque chose de provisoire, mais il faut revenir avec de quoi changer le système entier. Bon il n’y a rien là-dedans qui se vole de toute façon ?

— Non, cette pièce n’a plus servi depuis longtemps.

Il haussa les épaules et se mit à l’ouvrage. Elle le regarda faire et se régalait du spectacle du roulement de ses épaules, de la sûreté de son geste. Il était tout juste sorti de ses vingt ans, mais c’était déjà un homme. La réparation lui prit une vingtaine de minutes. Il se redressa, contemplant son travail. Il se tourna vers elle avec un sourire qui la fit totalement fondre.

— Et voilà !

Elle se précipita pour l’embrasser, surprise elle-même de son audace. Elle le désirait ardemment.

— Viens, on va dedans.

Elle le prit par la main. Elle eut du mal à se servir de ses clés. Finalement la porte céda. Toujours enlacés, il l’entraîna vers le salon et la fit tomber sur le canapé. Ses jambes ne la portaient plus. Maladroitement, il déboutonna son corsage et embrassa sa poitrine à travers le soutien-gorge. Elle sentait son souffle dans son cou. Son désir lui fit un peu peur. Ça allait trop vite. Il chercha à ouvrir la fermeture de son pantalon. La panique commença à l’envahir. Elle n’avait pas prévu ça. Sylvain n’arrivait pas à ses fins. D’un coup, elle le repoussa.

— Non, s’il te plaît. Pas tout de suite.

Elle le vit se reculer, le visage rouge, le souffle court et le regard perdu. Elle se sentit idiote et regretta amèrement sa brusquerie.

— Je suis désolée. J’ai paniqué, je ne sais pas ce qu’il m’a pris.

Il leva la main.

— Non, ne t’excuse pas, c’est de ma faute. Je n’aurais pas dû. Je m’excuse, tu sais…

Il baissa les yeux et ne put continuer. Elle lui serra les mains. Il inspira fortement et la regarda.

— Tu sais… je n’ai pas beaucoup d’expérience des femmes… même… pas du tout, finit-il avec un petit rire perlé.

Il resta silencieux aussi penaud qu’un chiot pris en faute.

— Tu veux dire que ce serait… la première fois ?

Il eut un haussement d’épaules.

— Sérieusement… oui. Je n’ai eu que quelques occasions sans suite, mais toi c’est…

Elle l’arrêta d’un geste.

— Tu n’as rien à excuser. Je vais être franche avec toi.

Elle se rapprocha et l’embrassa tout doucement.

— Moi non plus, je n’ai pas d’expérience avec les hommes, du moins quasiment pas.

Il resta un moment silencieux.

— Ah ! tu préfères les femmes ?

Elle éclata de rire.

— Non pas du tout. Ça ne s’est pas présenté, c’est tout. Et puis c’est compliqué. Allez ! on va se prendre un café calmement et on va discuter, tu veux ?

— OK.

Ils se levèrent. Une gêne persista entre eux un long moment. Ils parlèrent de tout et de rien autour de deux grandes tasses, mais il restait un petit quelque chose qui les séparait un peu. Finalement sylvain dit qu’il allait partit. Ils s’embrassèrent longuement sur le pas de la porte. Julia la referma doucement et resta longtemps adossée contre. Elle n’avait pas réussi à abattre ses défenses. La peur l’avait emporté. Elle eut un sanglot et ne put retenir ses larmes.

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