Saint-Louis, vendredi 11 septembre 2020
Malgré l’heure matinale, toute l’équipe était au complet et s’installait autour de la grande table. Geneviève finissait de siroter son dernier café en enfournant deux carrés de chocolat. Elle avait réapprovisionné sa réserve la veille. Elle demanda le silence. Elle rappela les faits.
— Laura, je voudrais qu’avec Thomas vous me fassiez un rapport sur le satanisme en France et en Alsace bien sûr. Vous pouvez y joindre Kyara. Finalement, vous êtes notre meilleur « team » pour les recherches sur les réseaux.
Elle prit un papier devant elle.
— Au sujet de la deuxième disparition, je n’ai pas encore reçu le rapport de la gendarmerie. La battue prévue a déjà commencé et on va y aller avec Sébastien.
Le téléphone sonna et Jean Wolff, le plus près, décrocha. Il fit signe à Geneviève en lui tendant l’appareil.
— C’est le proc.
Un silence consensuel s’installa.
— Bonjour madame la commandante.
Au ton grave, elle devinait la suite.
— On vient de trouver le corps de Charlotte Wasser à Durlinsbach. Il y a également eu une tentative de crémation.
— Nous allions justement nous rendre sur place pour la battue.
Elle reposa le combiné dans le plus grand silence. Tout le monde semblait avoir compris. Elle leur confirma les faits.
— Les jeunes vous restez ici, vous avez du boulot et nous on y va, finit-elle avec un signe.
— Ça prend quand même l’allure d’une série, maugréa Sébastien en crispant ses mains sur le volant.
Geneviève préférait ne pas répondre. Tout cela prenait une tournure qui l’inquiétait au plus haut point. Ils virent un premier véhicule de gendarmerie garé à l’entrée de Durlinsbach. Les fonctionnaires leur indiquèrent la route.
— Pas très loin de la première, constata Sébastien.
Ils suivirent une large piste forestière et aperçurent assez vite les gyrophares à traves la végétation. Ils se garèrent et on leur indiqua une petite piste à suivre. Il fallait éviter les flaques d’eau. Toute une équipe en bleue s’activait déjà autour d’un tas de bois qui fumait légèrement. Ce fut de nouveau l’adjudant-chef Bossert qui les salua. Son regard trahissait une certaine émotion.
— Le corps a été découvert par la première battue, seulement une demi-heure après que l’on ait commencé. C’est un de nos gars qui est arrivé et a sans doute surpris l’auteur. Il a vu une voiture partir.
Il lui montra le tas de bois. Le corps était quasiment intact.
— Tout ça était bien trop humide pour que ça flambe. Un travail d’amateur, vraiment.
— Et le tas de bois de toute façon était bien trop faible, compléta Sébastien. Rien à voir avec le premier.
— Je pense qu’il a été gêné par la battue et il a été surpris, rajouta l’adjudant-chef.
Geneviève, toujours silencieuse s’approcha. Elle vit très distinctement la trace de strangulation sur le cou de la victime.
— Même mode opératoire, souffla Sébastien dans son dos.
— Apparemment, oui, se contenta d’ajouter Geneviève.
Ils furent rejoints par le brigadier Éric Lefebvre et le major Jean Wolff.
— Le jour se levait à peine lorsque deux gendarmes ont trouvé le corps, commença ce dernier. C’est la fumée qui les a attirés, quoi. Pour eux, c’était vraiment tout récent.
— Encore raté de peu, c’est incroyable ça ! s’exclama Sébastien.
Ils rejoignirent la piste et trouvèrent Bruno Zimmermann en grande discussion avec un gendarme.
— Voici l’adjudant Colin. C’est lui qui a trouvé le corps en premier.
Il salua Geneviève.
— C’est vous qui avez vu un véhicule ?
— Affirmatif. Lorsque je suis arrivé, j’ai vu un véhicule s’éloigner rapidement. Sans doute un SUV de couleur claire, genre Kadjar, mais je ne peux rien en dire de plus. Mon collègue m’a rejoint à peine quelques minutes après, mais trop tard pour voir la voiture.
— On vous laisse travailler
Elle se tourna vers son équipe.
— On n’a plus rien à faire ici, on retourne à Saint-Louis.
— Alors, qu’en dites-vous ? demanda Sébastien.
Elle soupira.
— Rien de bien clair pour le moment. Ça ressemble et en même temps il y a des différences. Alors bien sûr, il semble avoir été surpris, ce qui expliquerait. Non vraiment, j’attends d’avoir plus d’éléments et l’autopsie.
— On ne peut pas non plus écarter un imitateur.
— C’est rarement aussi rapide. J’ai du mal à y croire. Et puis ça commencerait à faire beaucoup de dérangés dans le coin, non ? finit-elle en regardant Sébastien.
— Mouais, conclut-il avec un soupir.
Le reste de la journée fut absorbé par différentes tâches surtout administratives. Geneviève en profita pour parcourir le rapport des recherches téléphoniques sur l’affaire de home-jacking. Rien de probant n’apparaissait pour le moment. Elle soupira, repoussa ses papiers, pris deux carrés de chocolat, se recula dans son fauteuil et repensa à « son affaire ».
— Deux meurtres aussi rapprochés, c’est du carrément jamais vu. Un tueur en série, on le sait, est rassasié pour un certain temps. Et puis les pulsions reprennent et il se remet en chasse. Non, vraiment ça ne colle pas. Un imitateur, comme dit Sébastien ? là non plus j’n’y crois pas. Et merde !
Elle laissa errer ses pensées un moment puis se ressaisit. Elle appela Jean Wolff.
— Écoutes Jean, je voudrais que tu fouilles la vie de cette Charlotte Wasser et que tu voies si tu trouves des points communs avec Léa Baysang. Cherche aussi du côté du mari et de la famille. Restons larges. Et il faut quand même me convoquer le mari ici. Je voudrais reprendre tout à zéro.
Elle s’étira.
— Ce sera tout pour aujourd’hui, moi je rentre.
Elle fut cueillie au passage par le téléphone. Elle ne put réprimer une grimace. C’était de nouveau le procureur, toujours aussi affable.
— Je voulais savoir quand vous pensez avoir un rapport à me fournir, j’ai une pression du côté des médias et je vais devoir rapidement faire une communication.
— C’est vrai, j’ai entendu, ça fait du bruit, on en parle largement même au niveau national. Si ça s’emballe, ça ne va pas nous aider. Eh bien, écoutez, laisser moi le week-end et je pense pouvoir vous donner quelque chose dimanche soir au plus tard, mais peut-être avant. Par contre, ce ne sera pas complet.
— Ça ne fait rien, je me débrouillerai.
Elle raccrocha
— Bon, allons annoncer à notre petit mari qu’il va passer au moins une partie du week-end tout seul, expliqua-t-elle à Jean Wolff.
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