Saint-Louis, dimanche 13 septembre 2020

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— Petit-dej au lit, annonça doucement Bernard en entrant dans la chambre.

Geneviève commençait à se réveiller et l’odeur du café acheva de l’extraire des limbes du sommeil. Elle se redressa doucement.

— Mais tu es levé depuis combien de temps ?

— Un certain temps et j’ai préféré te laisser dormir. Hier soir, tu tombais de fatigue.

— Oui, il était temps que je termine ce rapport. Du coup, on a la journée pour nous.

— Et Julien qui vient avec le bébé !

— Ah oui, c’est vrai et bien, parfait tout ça.

Elle s’attaqua à de solides tartines de marmelade, sa confiture préférée.

Le reste de la matinée s’écoula en pente douce à tranquillement préparer un repas. Bernard avait choisi des côtes d’agneau et des tomates gratinées au four, le tout accompagné d’un bon rosé. En dessert, un Opéra de chez Lucas s’imposait tout naturellement pour satisfaire aussi bien la mère que le fils. Geneviève, quant à elle, se cantonna à son seul rôle, la disposition de la table. La sonnette retentit à midi pile. Geneviève ouvrit la porte et reçu immédiatement son petit-fils dans les bras. Julien était encombré d’un sac volumineux.

— Eh bien, il pousse bien, dis donc, notre petit Victor.

— Et il cavale à quatre pattes maintenant, il faut l’avoir à l’œil, rajouta Julien.

Geneviève l’emporta vers le salon.

— Bon, voyons voir ça.

Elle le posa au sol et immédiatement Victor partit en exploration.

— Il devient sociable, il m’a fait des risettes, rajouta Bernard.

— Oui, il est agréable. Bon, c’est vrai qu’avec Cathy, il voit du monde.

Geneviève eut un pincement au cœur en imaginant le gamin là-bas, à Pfastatt. Julien devina sa pensée.

— Je suis bien d’accord qu’une prison n’est pas l’endroit idéal pour élever un enfant.

Ils étaient tous les trois debout autour du bambin. Geneviève rattrapa de justesse une petite lampe et un bibelot dans la foulée.

— Asseyez-vous, j’apporte un petit apéro.

Julien prit l’enfant sur les genoux.

— Oui, reprit Geneviève, j’avoue que j’ai du mal à le voir évoluer dans cet univers.

— Et dans six mois environ, il faudra de toute façon que je le prenne. J’avoue que ça ne va pas être facile.

— On est là, on va s’arranger.

— Allez ! un petit crémant rosé, lança Bernard en débouchant une bouteille.

— Mais maman avec ton boulot et papa, comment vous allez faire ?

Geneviève lança un regard vers Bernard. Ils avaient vaguement évoqué cet avenir et compris que rien ne serait facile. Elle soupira.

— De toute façon, on n’a pas le choix. Et puis j’ai vraiment du mal à le savoir là-bas. Il faut qu’on le sorte. Tu te rends compte quand il va marcher, il va aller où ? Parcourir les couloirs de la prison avec des gardiens qui vont le tenir par la main ?

— Allez, on trinque et on réfléchit, dit Bernard en tendant les verres.

— Et puis Cathy, reprit Geneviève, elle envisage comment cette séparation ?

Julien baissa la tête et se pinça les paupières.

— Elle n’en parle pas, mais je sais bien que ça être une douleur pour elle.

Ils restèrent silencieux un moment.

— On pourrait peut-être déjà améliorer les choses, reprit Julien.

Geneviève le regarda et devina une gêne chez son fils.

— Oui ?

— Elle pourrait bénéficier d’une permission de sortie, avança-t-il. Ce serait déjà des moments où on aurait une vraie vie de famille.

— Mais tu sais bien que ce n’est pas possible temps qu’elle est en préventive.

— Je sais bien…, mais…

— Mais quoi ?

Il hésita encore

— je sais qu’on en a déjà parlé, mais toi en tant que commandante de police, tu serais une bonne garantie pour avoir une exception.

Elle avait longtemps redouté ce genre de demande de sa part. Et la voilà prise entre deux feux. Faire tout pour sa famille, mais demander un passe-droit, une faveur, en usant de sa position, ce dont elle avait horreur où passer pour une mère trop dure aux yeux de Julien. Elle reprit un verre de crémant et se redressa dans le canapé.

— Tu sais bien que c’est très difficile justement parce que j’occupe un tel poste d’en abuser pour obtenir un avantage. La loi est comme ça. On frôle la corruption.

Un lourd silence s’installa entre eux.

— Bon, on passe à table, annonça Bernard.

— Je vais coucher Victor, dit Julien.

Geneviève regarda son mari.

— Que veux-tu que je réponde à ça ? Je savais bien que ça allait arriver à un moment ou à un autre.

— Il a essayé, mais on connaît assez bien notre fils. Il va comprendre.

— Il va m’en vouloir et Cathy aussi.

— Non, je suis certain que Cathy comprendrait et même qu’elle ne te demanderait pas une telle chose.

Julien revint avec un visage neutre. Il se planta devant sa mère.

— Je comprends, je n’aurais pas dû te demander ça. Oublie.

— Oublier ? non, je ne peux pas. Je veux que tu saches que je pense à vous trois tout le temps, que tous les deux, nous pensons à vous tout le temps et que je ferai tout ce qui est mon possible pour vous aider. Et il faut surtout penser à Victor.

Il la prit dans ses bras.

— Excuse-moi, je sais bien tout ça.

Elle s’écarta et le regarda.

— Écoute, je vais parler avec le procureur Specklin, je le connais assez bien pour lui demander, disons… un conseil.

— Eh bien voilà, jeta Bernard, maintenant, on peut passer à table.

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