Saint-Louis, mercredi 23 septembre 2020

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Cela faisait deux heures qu’Éric et Bruno planquaient rue de Mulhouse en face des immeubles. Kyara se tenait à l’arrière du véhicule banalisé. Elle était venue pour compléter sa formation, ordre de la commandante, mais franchement, ce côté du métier n’allait pas lui plaire, elle le sentait. « Putain c’est chiant ». Elle se pencha vers eux.

— Votre mec, ça fait deux jours qu’on l’attend, je n’sais pas s’il habite là, mais si voulez mon avis, il a flairé quelque chose, il crèche ailleurs.

— Toute sa famille habite le quartier et la famille, chez les Albanais, c’est sacré, lui répondit Éric.

— Et vous pensez qu’il va obligatoirement venir, votre Arlan ?

Il haussa les épaules.

— C’est le boulot.

Elle se renfonça dans le siège avec un soupir.

— Ce type, là, dit soudain Bruno.

Éric se pencha en avant.

— Attends, mais oui c’est Kurti, le cousin.

Kyara se redressa. Enfin du neuf ! L’homme, petit, mais trapu, entra dans l’immeuble.

— Qu’est-ce qu’on fait ? Ce type est recherché depuis deux ans. J’appelle la commandante, décida Bruno.

La réponse fut immédiate.

— On le chope, répondit-il en raccrochant.

— OK, maintenant faut espérer qu’il ressorte rapidement.

— Je ne pense pas qu’il réside ici. On le saurait.

Éric soupira. Il se tourna vers Kyara.

— Toi tu restes là, tu bouges pas ! Ce type peut être dangereux et tu n’es pas habilitée à intervenir, OK ?

— Ouais, d’accord, répondit-elle en se renfrognant.

— Par contre, je connais ce gendre de bâtiment, il y a trois sorties possibles, l’entrée, le local poubelle et le sous-sol, dit Bruno.

— D’ici on voit les deux principales, remarqua Éric. Bon je vais faire un tour au sous-sol. Tu restes sur l’entrée.

Il sortit et disparut au coin de l’immeuble.

— Je vais quand même voir dans l’entrée, décida Bruno.

Kyara se retrouva seule à l’arrière de la voiture. Elle vit Bruno se faufiler dans le hall alors que quelqu’un en sortait. C’était excitant cette traque. Elle regarda tout autour. Si elle voyait quelque chose, elle devait se servir des oreillettes pour les prévenir tous les deux. Juste devant, deux gamins passaient en vélo et s’invectivaient. Une petite vieille voûtée tirait son cabas. Il y avait un côté presque irréel à se préparer à interpeller un truand au beau milieu de ces gens qui continuaient à vivre leur quotidien, comme deux mondes qui se frôle sans jamais se rencontrer.

Soudain, elle le vit tourner au coin de l’immeuble.

— Il sort, il sort ! cria Kyara, dans son micro.

L’homme marchait vite, il allait s’échapper. Elle se décida en une fraction de seconde. Elle sortit et courut vers lui.

— Eh, toi !

Il stoppa et se retourna. Elle devina une pointe d’étonnement dans son regard.

— Police ! tu bouges pas !

Cette fois, il ricana.

— Police ? mais tu t’es vue, connasse ?

Il avait un accent très marqué. Kyara continua à l’approcher. Il lui fit signe.

— Reste où tu es !

Un couteau apparut dans sa main droite.

— Tu crois qu’tu m’impressionnes avec ton canif du con !

Il avança rapidement vers elle. Il leva le bras avec l’arme pour frapper, sûr de lui. Elle le bloqua de l’avant-bras en une fraction de seconde, releva le bras de son agresseur et, dans le même geste, lui décocha le genou entre les jambes. Il se plia. Elle lui arracha le couteau. Au moment où il cherchait à se relever, elle le frappa au visage. Il s’effondra. Elle entendit une cavalcade derrière elle.

— Kyara !

C’était la voix de Bruno. Elle resta immobile à guetter les gestes de son homme, les deux bras en position de défense. Bruno le maîtrisa et lui passa les menottes au moment où Éric arrivait. Ils relevèrent l’individu. Du sang coulait au coin de ses lèvres. Il ne quittait pas Kyara des yeux, tout comme Bruno et Éric.

— Ben quoi ?

— Comment quoi ? bafouilla Bruno, mais tu t’es mise en danger et puis c’était quoi ça ?

Ils entraînèrent l’interpellé vers le véhicule, alors qu’un petit attroupement se formait. Ils placèrent l’albanais à l’arrière, Éric à côté. Avant de monter, Bruno se planta devant Kyara en croisant les bras et il la regarda fixement avec un air de reproche. Elle haussa les épaules.

— Ce quoi, c’est du Krav-Maga, une technique de défense. Votre type c’est de la rigolade.

— Du quoi ?

— Du Krav-Maga, répéta-t-elle lentement, comme si elle parlait à un enfant.

— C’est une technique de combat très efficace, la preuve, finit-elle en montrant la voiture.

Ils s’installèrent. Bruno démarra et mit la sirène.

— Mais tu pratiques alors, reprit Bruno de plus en plus interrogateur.

— Oui, depuis cinq ans. Je vais passer ma ceinture noire 1ère darga.

— Première quoi ?

— C’est le nom du premier degré de la ceinture noire. On a appris pour l’attaque à l’arme blanche.

Il soupira

— Putain ! c’était impressionnant, admit-il. Par contre, je ne crois pas que la commandante apprécie…

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