Saint-Louis, mercredi 23 septembre 2020 (suite)
Geneviève vit entrer l’équipe qui poussait leur « client ». Elle comprit, à voir le visage de l’intéressé, que l’interpellation avait été musclée.
— Il ne s’est pas laissé faire, on dirait.
Bruno se gratta le crâne. Il semblait embarrassé. Il lui expliqua les faits. Elle demeura stupéfaite, avant de se rappeler avoir lu dans le dossier de Kyara qu'elle pratiquait effectivement ce sport, mais de là à...
— Vous le cuisinez. Mettez le paquet sur la planque de son cousin.
Elle se tourna vers sa stagiaire.
— Bon Kyara, il faut qu’on parle… Dans mon bureau.
Elle la laissa passer devant. Kyara la regarda puis baissa les yeux. Elles restèrent face à face, debout, le bureau entre elles, comme un rappel de la hiérarchie.
— Bon, ce que vous avez fait est grave, nous sommes responsables de vous et devons, avant tout, assurer votre sécurité. Vous n’êtes que stagiaire. En aucun cas, vous ne deviez vous impliquer.
Elle la regarda, elle resta silencieuse puis inspira profondément.
— Mais il allait leur échapper !
— Une intervention n’est jamais garantie.
— Je vous assure qu’il n’y avait aucun danger.
— Mais vous l’avez provoqué, m’a dit Bruno.
Elle soupira de nouveau.
— Le Krav-Maga est basé sur la défense, pas sur l’attaque. Pour que la situation me soit favorable, il fallait qu’il m’agresse et, croyez-moi, ce n’est pas cet abruti avec un QI de poisson rouge qui allait me poser problème.
Geneviève devait faire un effort pour garder un aspect sévère, mais cette fille la bluffait avec son aplomb. Décidément, une bonne recrue, oui. Elle s’assit, mais n’invita pas Kyara à en faire de même.
— Je ne sais pas si je dois vous blâmer ou… vous dire de faire une formation à toute l’équipe, finit-elle avec un sourire malgré elle. Bon vous pouvez y aller.
Kyara se retourna. Elle ouvrit la porte, s’immobilisa et regarda Geneviève avec des yeux rieurs.
— À bien y réfléchir, une formation…
— Sortez !
Bruno se tenait justement devant la porte et resta un moment silencieux à les regarder. Il fit signe à Kyara de rester.
— Heu, donc, le Kurti en question ne veut rien nous dire. Il veut seulement parler à la gamine.
Geneviève ne comprit pas tout de suite.
— À la… Kyara, d’accord.
Elle se leva.
— Et bien on dirait que vous avez un admirateur. Bon, on y va, tu mets Sébastien avec, et nous on reste à côté, au cas où.
Elle s’installa derrière la vitre aveugle avec Bruno et Éric. Lorsque Kyara entra, elle crut discerner du respect dans le regard de l’albanais. Ils s’assirent en face avec Sébastien. Kyara le regarda droit dans les yeux.
— Vous aviez quelque chose à me dire ?
— À toi, ouais, mais je ne le répéterai pas. Vous cherchez Arlan y paraît… bon.
Il marqua un silence
— Ce chien m’a laissé tomber, j’y dois plus rien. C’est pour ça que je devais voir ma tante. J’avais besoin de thunes.
Il hocha la tête.
— Tout c’que j’peux vous dire c’est qu’il a une ex qu’il voit encore, à Kiffis.
Il ricana.
— Une bonne planque, au milieu des ploucs ! Emma Kiffer. Une vraie salope, celle-là. Voilà.
Il regarda Sébastien.
— C’est ce que vous vouliez non ? Alors maintenant, vous allez me foutre la paix ?
Sébastien ouvrit un dossier épais.
— Pas tout à fait, on a d’autres choses à évoquer.
Il se tourna vers la vitre, puis vers Kyara.
— Tu peux y aller.
Elle se leva. Au moment où elle laissait entrer Bruno, Kurti l’interpella avec un grand sourire.
— Eh ma belle, le jour où t’en auras mare de la police, appelle-moi, j’aurais du boulot pour toi.
Geneviève soupira. Elle espérait que tout cela ne monterait pas trop à la tête de sa stagiaire. Elle se dirigea vers un téléphone et appela l’adjudant-chef Bossert de la gendarmerie de Durmenach. « Ça va lui faire plaisir ».
— Content de vous entendre, madame la commandante.
— Et vous allez être encore plus content avec ce que je vais vous apprendre.
Elle lui résuma les faits.
— Effectivement, c’est une excellente nouvelle. On s’en occupe. Je ne pense pas que cela interfère entre nos services.
— Je vous le laisse et vous connaissez le terrain. Je vais appeler le procureur.
— Je vais mettre immédiatement une surveillance en place. Bonne fin de journée, madame la commandante.
Lorsque Geneviève entra dans la salle principale, elle découvrit un attroupement autour de Kyara. Elle semblait en pleine démonstration.
— … Mais non, il y a de plus en plus de pratiquants. C’est une technique développée par l’armée israélienne et ça s’est rependu, ce n’est pas un vrai sport du moins reconnu comme tel. Il n’y a pas de règles absolues et pas de points à marquer. C’est juste fait pour que tout le monde sache se défendre.
— Je ne croyais pas qu’il y avait des clubs pour ça, s’étonna Thomas.
— Il y en a en Alsace. Je vais au club « boxe et action », à Saint-Louis. On y enseigne différents sports, le judo, la boxe, le Krav-Maga et d’autres.
Elle se tourna vers Geneviève.
— D’ailleurs il y a un des gendarmes de Durmenach qui donne des cours de boxe, mais c’est pas mon truc.
Geneviève soupira. Kyara, décidément, devenait la vedette du jour.
— Bon Kyara et vous autres, il y a du boulot, non ?
Le rappel à l’ordre fut efficace et il n’y eut plus personne en quelques secondes.
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