Saint-Louis, jeudi 24 septembre 2020 (suite)

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Ses deux brigadiers ne revinrent qu’au milieu de l’après-midi.

— L’oiseau n’était pas au nid, expliqua Éric. On a été obligé d’attendre à son bureau. Il a eu l’air très surpris.

— Un bon professionnel aurait, à mon avis, pensé au risque que son interlocuteur soit sur écoute.

Éric haussa les épaules.

— Il est dans la salle.

— On y va.

Elle découvrit un petit homme replet, aux cheveux gras et affublé d’une épaisse paire de lunettes. L’anxiété transparaissait dans tout son être. Il fixa intensément Geneviève lorsqu’elle entra. La sueur perlait à son front. Elle prit son temps pour s’asseoir, tout comme Éric. Elle posa calmement ses bras sur la table encadrant un gros dossier. Ce dossier n’avait aucun lien avec l’enquête, mais il ajoutait toujours une dose de pression durant un interrogatoire. La personne en face se demandait alors ce que la police pouvait bien savoir. Et cela fonctionnait, à en juger par le regard inquiet que Roland Laventin portait sur ce dossier.

— Monsieur Laventin. Nous avons intercepté une discussion téléphonique que vous avez tenue avec Pierre Wasser.

Elle put voir son visage se décomposer.

— Ce monsieur était sur écoute, suite au meurtre de sa femme. Vous auriez dû y penser non ?

Il roulait des yeux de droite à gauche. il n’avait toujours pas prononcé un mot. Il avait tout du rat qui cherche désespérément comment s’échapper de la souricière. Geneviève se pencha vers lui.

— Alors, monsieur Laventin, je vous écoute.

Il écarta les bras, articula les lèvres comme un poisson qui cherche l’air. Ses bras retombèrent de chaque côté du corps.

— Écoutez, j’ai été contacté par madame Wasser. Elle soupçonnait des malversations dans les comptes de la société qu’elle a créée avec son mari. Je devais trouver la preuve.

Ses mots semblaient se précipiter tous en même temps. Geneviève leva la main.

— Bon, commençons par le début, c’est quoi cette société ?

Il respira fortement

— Oui, murmura-t-il.

— Voilà. Ils se sont rencontrés il y a dix ans. Lui n’avait pas d’argent, mais elle a été séduite car il était doué et intelligent. Il sortait de l’université et était diplômé en biotechnologie. Elle, de son côté, avait un petit héritage. Ils se sont donc associés pour créer cette boîte à Bâle. Elle s’est arrangée pour garder cinquante et un pour cent des parts et rester majoritaire. Leur société a très vite prospéré et d’un capital de cent mille francs suisses au départ, elle vaut plus de deux millions maintenant.

« Une belle réussite, c’est sûr » se dit Geneviève.

— Tout allait pour le mieux alors ?

Il se remua sur sa chaise.

— Elle s’est plainte que son mari a changé. L’argent lui est monté à la tête et il a commencé à flamber. Il a acheté une ou deux voitures de luxe. Bref, ils ont commencé à s’accrocher de plus en plus souvent, jusqu’à ce qu’elle découvre un problème sur leur compte.

Il sortit un mouchoir douteux pour s’éponger le front.

— Et c’est pour cette raison qu’elle est venue vous voir ?

Il souffla.

— Oui, elle voulait la preuve de la malversation qu’il avait essayé de dissimuler maladroitement d’ailleurs, mais surtout pourquoi.

Un silence se fit.

— Et alors ? relança Geneviève que ce petit bonhomme commençait à énerver.

Il semblait gêné.

— Bon, j’ai des moyens détournés d’avoir accès à des comptes en banque en Suisse. Dison que je connais des personnes…

— Passons là-dessus, monsieur Laventin. Allez au fait.

— Je n’ai eu aucun mal à mettre en évidence l’anomalie dans leurs comptes.

— Et on parle de quelle somme ?

— Deux cent mille francs suisses.

Éric siffla entre ses dents. Geneviève réagit également. « Eh bien voilà que l’on entre dans une autre dimension ».

— Et la raison de cette sortie d’argent ?

— Je n’ai pas eu le temps d’investiguer, Charlotte Wasser a été tuée… alors.

« Alors, il n’y avait plus personne pour payer », soupira Geneviève.

— Et ce coup de fil à Pierre Wasser, c’était pour le faire chanter ?

Il sauta sur son siège en levant les bras.

— Mais non ! je voulais le prévenir et qu’il me paye le solde des honoraires, couina-t-il.

« Mouais ». Elle se recula sur sa chaise.

— On va vous accompagner à votre bureau et vous allez nous remettre tous les documents que vous avez sur cette affaire. Il y va de votre intérêt, vous le comprenez.

— Oui, oui, tout à fait, se dépêcha-t-il de répondre.

Elle se leva en faisant signe à Éric. Ils sortirent.

— Bon, vous y retournez. Je ne pense pas qu’il fasse de difficultés. Et vous me ramenez tout ce qu’il a.

Il se contenta de hocher la tête. Elle appela Sébastien et lui expliqua les faits.

— Tout ça se recoupe, constata-t-il. Ça correspond à ce que m’a dit Isabelle Roth. Il faut trouver ce qu’il s’est passé début juin.

— Tu vas demander à Éric d’aller en Suisse pour interroger des proches, des collaborateurs, mais évidemment, il ne faudrait pas que ça le mette sur ses gardes. Il ne connait pas Éric au cas où il le voit.

— D’accord, je vais lui expliquer. Il sera à la hauteur. En attendant, deux cent mille francs suisses c’est largement assez pour aller au meurtre.

— Toujours aussi rapide, hein lieutenant ? Mais j’avoue que moi aussi je suis tentée. En tout cas, on tient vraiment quelque chose.

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