Saint-Louis, lundi 5 octobre 2020 (1)
Toute l’équipe, consciente de l’importance du moment, était sur le pont dès le début de la matinée. Geneviève réexpliqua les directives. Mais pour l’instant, il allait encore falloir patienter, car aucun résultat des compléments d’enquête qu’elle avait demandé n’était arrivé.
— J’appelle le juge pour prolonger la garde à vue, déclara Sébastien.
— De toute façon, je ne sais même pas si on va avoir quelque chose dans la journée. Je compte surtout sur les prélèvements d’ADN dans la voiture de Colin. C’est sur lui qu’il faut mettre la pression. Wasser et son avocat n’ont aucun problème pour démonter nos arguments, et l’on n’a pas vraiment de preuves. Je pense que les extraits de ses comptes bancaires vont être difficiles à obtenir. Une partie est en Suisse.
— D’autant plus qu’il a dû être précautionneux, rajouta Sébastien. Je suis sûr qu’il n’a pas sorti cinquante mille euros en une fois et sans doute sur des comptes différents, donc ça ne va pas nous aider.
— Mouais, soupira Geneviève.
Les premiers éléments arrivèrent en début d’après-midi et ils n’étaient pas favorables. Aucun bornage du téléphone de Colin sur le lieu de la disparition de Charlotte Wasser aux heures présumées du meurtre. « C’est sûr qu’il a laissé son téléphone chez lui, c’est un pro ». Elle parcourut une autre feuille qui était une compilation de témoignages négatifs sur la présence de la voiture de Colin sur le site. « Bref, personne ne l’a vu ! ». Elle reposa le tout et se renfonçât dans on fauteuil avec un soupir. Cette fois, les deux carrés de chocolat vite avalés ne lui apportèrent aucun soulagement.
Vers dix-huit heures, le téléphone sonna. C’était la voix de l’adjudant-chef Bossert. Elle ressentit une bouffée de chaleur et retint sa respiration.
— Bonjour, madame la commandante, une bonne nouvelle.
« yes »
— Des prélèvements d’ADN ont matché avec celui de Charlotte Wasser. Je vous envoie le document tout de suite. Pour Roland Laventin, Calvet m’a promis de faire le nécessaire.
— Enfin ! merci.
Elle rappela Sébastien et fit extraire Colin de sa cellule. Il apparut tel qu’elle l’avait quitté la veille, avec la même assurance, à la limite de la désinvolture. Elle s’assit face à lui et le regarda dans les yeux. Il soutint son regard. Elle plaça la feuille devant lui.
— Bon, monsieur Colin, on ne va pas perdre de temps. Voici les résultats ADN effectués dans le coffre de votre voiture. C’est celui de Charlotte Wasser. Vous m’expliquez. Je précise que pour le moment on n’en a pas trouvé sur les sièges du véhicule, seulement dans votre coffre. Très discret c’est sûr, mais malgré votre expérience, il semble que vous ayez fait une erreur lorsque vous avez mis son corps dans votre coffre.
Il ne regarda pas la feuille ni Geneviève ni Sébastien. Il laissa son regard droit devant lui et garda le silence, la mâchoire serrée.
— C’est tout ?
Il se contenta de soupirer. Geneviève s’y attendait un peu. Il n’allait pas lâcher facilement.
— Monsieur Colin, vous êtes de la maison, vous savez bien que le silence ne vous aidera pas face au juge d’instruction, au contraire. Et puis moi, je veux surtout Wasser, finit-elle en se penchant vers lui, un doigt pointé sur la table.
Il la regarda, enfin.
— D’accord, c’est moi.
— Expliquez.
— Elle faisait toujours le même parcours en footing. Wasser me l’avait bien expliqué. Je suis venu très tôt et j’ai planqué ma voiture. Je l’ai attendue. Quand elle est passée, je n’ai eu aucun mal à la maîtriser et je l’ai étranglée.
— Avec quoi ?
— Une ceinture.
Il se tut.
— La ceinture, vous m’expliquez, demanda Geneviève qui connaissait une partie de la réponse.
Il inspira.
— J’ai participé aux recherches de Léa Baysang. Dans le dossier, j’ai vu qu’elle avait été étranglée avec une ceinture. J’ai voulu mimer le… crime pour faire croire à un récidiviste. Pour noyer le poisson, quoi. C’était une bonne opportunité.
— Et la brûler aussi. Mal d’ailleurs.
— Oui. J’ai merdé sur ce coup-là. J’ai pas eu le temps en fait, les collègues avaient commencé la battue.
— Bien, on va y revenir. Maintenant, pouvez-vous confirmer clairement que c’est Pierre Wasser qui vous a demandé de tuer sa femme contre cinquante mille euros ?
— Oui, répondit-il laconiquement.
— Comment vous connaissez-vous ?
— Par le club de boxe, on a sympathisé et on a parlé jeux. J’ai vu que ça l’intéressait, alors je l’ai introduit dans le cercle que je connaissais. Avec le temps, je lui ai parlé de mes problèmes d’argent. Il m’a aidé quelquefois et puis là il m’a demandé… ça. Avec cet argent, je soldais une grosse dette. Je le devais à un gars dangereux, j’avais pas le choix.
— Bon, maintenant, si on parlait du détective Roland Laventin ?
Il afficha, de nouveau, son visage fermé.
— On est en train de comparer votre ADN avec les traces trouvées sur place. Pensez-vous que l’on va trouver le vôtre ? C’est Pierre Wasser qui vous a demandé aussi de l’éliminer parce qu’il voulait le faire chanter ?
Il inspira à nouveau.
— Non, je devais le secouer pour qu’il me donne ses preuves et lui faire peur, et j’ai… tapé… un peu fort. Trop fort.
Elle regarda ses larges mains et n’eut aucun mal à imaginer ce que pouvait signifier « trop fort » dans sa bouche. Elle revit ce petit bonhomme replet qu’elle avait eu devant elle. Il était certain qu’il n’avait aucune chance face à Colin avec sa carrure de boxeur. Maintenant, il fallait aborder le plus délicat.
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