Saint-Louis, mardi 6 octobre 2020

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Geneviève apportait les touches finales à son PV assez conséquent sur les interrogatoires de Pierre Wasser et de Robert Colin pour le juge d’instruction. Les deux gardes à vue se terminaient et elle était arrivée tôt pour se mettre au travail, tout comme une partie de son équipe. Elle appela Sébastien.

— Peux-tu m’apporter la fiche des relevés d’empreintes sur les deux téléphones.

Il entra, les traits tirés. Il lui donna le document.

— On est tous lessivés, mais on les a eus. Au fait, avec tout ça, je ne t’ai pas demandé à quel moment Pierre Wasser a craqué.

Il s’assit face à elle et se passa la main sur le visage.

— Oh, finalement, assez vite. Lorsqu’on lui a dit que Colin avait tout avoué et qu’on lui a donné les détails pour prouver que l’on ne bluffait pas. Il a bien essayé de nous jouer le coup du « c’est lui qui ment ». Mais très vite, il a compris que ça n’allait pas aller bien loin. Je l’ai vu sur le point de craquer et puis, son avocat est intervenu pour lui dire qu’il pouvait garder le silence.

Geneviève fulmina.

— Ah, celui-là, c’est une pourriture. Il sait qu’il ne doit rien dire, mais non, il tente le coup. Je vais faire un signalement au bâtonnier, ça ne servira à rien, mais bon…

— De toute façon, j’ai ben expliqué à Wasser qu’au vu des éléments, son silence face au juge ne l’aidera pas. Il a compris et a tout déballé. Ça colle en tout point avec Colin. C’était bouclé.

— Oui, j’ai lu tout ça. De vrais salauds, quand même. Cette pauvre femme…

Elle demeura un instant, plongée dans ses réflexions qui la ramenèrent à Léa Baysang. Cette enquête avait un arrière-goût d’inachevé. Le téléphone la tira de ses réflexions. Elle remercia Sébastien. Elle décrocha et reconnut la voix de maître Blenner.

— Bonjour madame Hillmeyer. Je venais juste vous dire que Julia Ruetsch va sortir de prison. Je n’ai pas eu de mal à casser la préventive.

— Merci maître, une bonne nouvelle pour commencer la journée.

— Je suis de votre avis, c’est bien mieux pour elle. De votre côté où en êtes-vous ? Je sais que vous avez deux suspects pour Charlotte Wasser.

— Oui de ce côté c’est bouclé, mais j’avoue que le lien avec le meurtre de Léa Baysang n’est pas évident.

— Bon courage, madame la commandante.

Au moment où elle raccrocha, Bruno Zimmermann toqua à sa porte qui était restée ouverte. Elle lui fit signe d’entrer.

— Bonjour, madame, j’ai été voir, hier soir, la personne qui s’occupe du musée sundgauvien à Altkirch.

Geneviève sourit intérieurement, « sacré Bruno, toujours dans sa sorcellerie ». Elle l’invita à s’asseoir. Son rapport était fini, après tout, elle pouvait lui consacrer un moment.

— Hier soir ?

Il haussa les épaules.

— Oui, avec ces interrogatoires, on a été bien pris et la conservatrice du musée a bien voulu que je vienne après le boulot.

« Une femme… bien »

— Alors, dis-moi.

Il se cala sur son siège.

— Eh bien, elle avait sorti pas mal de documents qui ne sont pas accessibles au public. Elle m’a dit que tout été avait répertorié et classé par Serge Ketterlé, le prof d’histoire. Il vient souvent. Elle m’a dit que son aide est très précieuse. Il s’intéresse de très près au moulin de Durlinsbach et, du coup, ils ont une documentation assez solide.

Il ouvrit son carnet.

— On note bien une succession de drames assez inexpliqués dans ce moulin, des meurtres parfois de familles entières ou des disparitions. Les témoignages sur des soi-disant apparitions du diable sont nombreux. Tout cela s’étale sur des siècles. Ça se calme seulement au début de siècle dernier.

Geneviève soupira.

— Bon d’accord, mais tout ça ne nous fait pas beaucoup avancer, à moins que l’on considère que c’est le diable qui a tué Léa Baysang, mais on a des éléments qui prouvent que c’est bien un humain, finit-elle avec un grand sourire.

Il se tortilla sur sa chaise.

— Pour tous les crimes et actes de violence commis dans ce moulin, ce sont toujours des humains qui les ont faits, mais ils disent s’être sentis possédés, mus par une pulsion qui les dépassait comme l’œuvre du diable. Ils auraient été possédés quoi.

Elle s’interrogeait sur ses sentiments, sur les mots qu’il n’osait pas prononcer. Ses yeux scrutaient son visage, cherchant des indices dans ses expressions. Geneviève savait que derrière ce sourire de façade se cachait peut-être une vérité plus complexe, une pensée qu’il n’était pas prêt à partager. Elle prit une profonde inspiration, la curiosité l’emportait.

— Bruno, je sais que c’est peut-être indiscret, mais crois-tu au diable ?

Il soupira et regarda le mur derrière elle.

— Je suis croyant, madame, donc je crois en des choses qui nous dépassent et… le diable en fait partie.

— OK, excuse-moi si c’était indiscret. Revenons à notre affaire.

Il resta impassible.

— Je pense que l’on a peut-être ici un meurtrier qui croit au diable au point de ressentir des pulsions. Je suis d’accord que l’on aurait affaire à un esprit faible comme on dit.

— Je reconnais que ce n’est pas une hypothèse à écarter. Dans ce cas, on aura du mal à retrouver une telle personne qui agit irrationnellement… du moins de notre point de vue, se dépêcha-t-elle de rajouter. Quoiqu’il en soit, en l’état, on cherche toujours à relier ce meurtre au gendarme Colin. Je reconnais que ce n’est pas évident, mais on trouve aussi une certaine logique. On va voir ce qu’en pense le juge d’instruction. Si cette piste ne colle pas, alors on reparlera de tout ça. Je te remercie beaucoup pour ton travail.

Il se leva et la salua. Elle le suivit du regard en se disant que c’était la première fois que la religion faisait irruption dans une enquête. Au fond, chacun gardait ça plus ou moins secret et cela n’avait jamais été abordé. « Finalement, c’est sans doute mieux ».

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