Village-neuf, samedi 17 octobre 2020
Geneviève balaya la chambre du regard une fois de plus. Le lit était impeccable, et le berceau voisin resplendissait sous ses rubans bleus. « J’en ai peut-être fait un peu trop », se dit-elle en souriant de son zèle. « Je n’en ai jamais fait autant pour Julien et Chloé ». Elle entendait Bernard qui fredonnait. La maison vibrait d’une joie qu’elle n’avait pas connue depuis bien longtemps. Même la météo semblait complice : un doux été indien baignait la région depuis quelques jours. Elle regarda encore sa montre. La sortie de Cathy était programmée pour dix heures. Ils devraient être là pour les onze heures.
— Je t’attends, appela Bernard depuis l’entrée.
Elle le rejoignit et s’habilla au plus vite.
— Ça fait combien de temps que nous n’avons pas fait de courses ensemble ?
Elle ne s’en souvenait pas, mais réalisait à quel point Bernard avait pris en charge une grande partie de l’organisation de la maison. Ses fonctions de commandante lui avaient mangé une part de sa vie quotidienne. Cela peut sembler banal et ennuyeux, la routine, mais c’est aussi un élément essentiel pour notre stabilité, un véritable repère. Ces courses au supermarché proche, la corvée pour une majorité de gens, lui apparaissaient au contraire, comme un réel moment de bonheur. Elle devinait que pour Bernard également c’était un instant privilégié.
— Un samedi matin, ça va être blindé ! lui dit-il, pendant qu’il se garait.
Elle prit le caddy et ils furent accueillis par le brouhaha habituel sur fond de musique d’ambiance.
— Mais au fait, je croyais que tu avais déjà tout ce qu’il te fallait, mon grand chef cuisinier, lui susurra-t-elle en lui massant le ventre.
— La grande majorité oui, mais je préfère venir ici pour les fruits.
Tout était étalé au mieux pour flatter l’œil jusqu’au fin brouillard qui maintenait la fraîcheur.
— Peut-on savoir ce qu’il y a au menu, si ce n’est pas un grand secret.
Il s’arrêta, la regarda et finit par pousser un grand soupir.
— Une pintade aux fruits de saison.
Elle pinça les lèvres.
— Bigre ! il faut la visite exceptionnelle de Cathy pour avoir droit à un tel plat !
Il la prit par les épaules.
— Ça va être une superbe journée.
Le caddy se remplit assez vite sous le regard de Geneviève qui se demandait bien comment ses fruits allaient pouvoir accompagner une pintade.
— Voilà, on peut y aller, lança Bernard.
— On va passer par la lingerie, ça fait un moment que je n’ai pas renouvelé ma garde-robe.
Ils reprirent l’allée centrale pour entrer dans le rayon des sous-vêtements féminins. Geneviève hésita longuement entre différents modèles. « Waouh ! ça se porte ça ? ». Elle finit par trouver son bonheur. Elle se tourna vers Bernard. Il errait, l’air béat, entre les soutiens-gorges et les petites culottes.
— Ne fantasme pas trop !
Il revint sur terre.
— Et alors, tu sais quoi ? Tu devrais venir plus souvent avec moi. Seul, je ne peux pas me balader ici sinon, je vais passer pour un satyre ou un pervers.
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