Toulouse, Quartier des Izards

« Le Russe se méfie, déclara Selima. Il a envoyé sa femme à Courchevel le lendemain du jour où nous nous sommes occupés du dealer. »

Aboubaker Belkacem et ses deux lieutenants, Kamel et Rachid, étaient assis dans le bureau, face à l’amazone. Meriem avait repris son rôle et avait servi le thé brulant dès que la discussion avait commencé.

« C’est peut-être le hasard, proposa Rachid. Et si elle avait déjà prévu d’aller skier ?

— Non, les messages sur Facebook sont explicites. Le voyage n’était pas du tout planifié. La femme n’en avait pas parlé à ses amies et ça n’a pas l’air de l’amuser tant que ça.

— Tu peux aller faire le travail là-bas ? risqua Kamel.

— Oui, mais est-ce vraiment une bonne idée ? Si on tue la femme, ce sera la guerre totale avec les Russes. Qu’est-ce que nous avons à y gagner ?

— Et alors, ça te fait peur ? demanda Rachid avec défi.

— À moi ? Oh non, mais ce sera très mauvais pour le business pendant longtemps.

— Ça suffit ! intervint Abou qui n’avait encore rien dit. Je suis d’accord avec Selima, on ne va affronter les Russes en bataille rangée, mais je ne peux laisser Leonorov prospérer sur notre territoire. C’est lui qu’il faut abattre, pas sa femme.

— Il ne sera pas facile à toucher, je suppose qu’il est bien défendu, avertit Kamel.

— Vous ne lisez pas les journaux ? des hommes d’affaires russes, il en meurt toutes les semaines. Accidents, suicides… la liste est longue. Pourtant, je suis sûr que ces hommes étaient bien protégés. Selima, débarrasse-moi de ce type et je te redonne ta liberté ! Fais comme tu veux, utilise les hommes de Kamel et Rachid si tu en as besoin, mais fais en sorte qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à moi.

— Tu ne vas pas confier ce travail à Selima ! protesta Kamel.

— Pourquoi pas ? Parce que je suis une femme ? Ce que j’ai fait dans la boutique la semaine dernière ne t’a pas convaincu ? Tu crois qu’il faut des couilles pour tuer un homme ?

— Stop ! intervint encore une fois Abou. Il ne s’agit pas juste d’enlever une pute ou un petit dealer. Cette fois, il faut d’abord faire travailler son cerveau et Selima a été entrainée pour ça. Je veux lui donner sa chance de gagner sa place autour de cette table. Je ne veux plus de discussions là-dessus. Selima, tu vas étudier la question et tu viendras me proposer ton plan d’action. Entre temps, Kamel, tu vas un peu secouer les ruskovs des campus et leur rendre la vie plus difficile. Toi, Rachid, pareil avec les filles, fais en sorte qu’elles disparaissent des trottoirs, mais sans les jeter dans le canal cette fois. Je ne veux pas revoir les flics dans mon bureau. Est-ce que c’est clair pour tous les trois ? »