Surveillance
Alicante, Espagne
Igor avait passé un long moment à observer les mouvements sur le parking de l’entreprise de transport.
« Ce n’est assurément pas un chargement ordinaire, confirma le Russe. La question c’est de savoir à quel moment ces marchandises vont repartir.
— On ne peut pas rester trop longtemps ici, on va finir par se faire repérer, commenta Leonid.
— Les camions partent tous dans la soirée ou en début de nuit, répondit Ramon. Ça laisse encore quelques heures. On peut se contenter de faire quelques rondes en voiture, en changeant de véhicule à chaque passage.
— S’ils expédient la came ce soir, ça ne nous laisse pas trop de temps pour nous organiser ! dit Leonid.
— De toute façon, on ne va pas leur fixer un rendez-vous, répliqua Igor. On suit le camion et on espère trouver une occasion favorable pour l’intercepter.
— Et si on ne trouve pas cette opportunité ? argumenta Leonid.
— On aura fait la route pour rien, mais on aura appris leurs habitudes et on sera plus forts pour la fois suivante.
— D’accord, supposons qu’on arrive à approcher du camion sur le trajet, qu’est-ce qu’on fera ensuite ?
— On n’en veut pas aux convoyeurs, ce qui nous intéresse, c’est la cargaison, leur causer une grosse perte financière. Maintenant, si les gars répliquent, on ne leur fera pas de cadeau !
— On ne va pas embarquer la came. On en fait quoi ?
— On mettra le feu au bahut, conclut Igor. Pour le moment, on décarre et on refait un passage toutes les trente minutes. »
Une heure plus tard, à la deuxième ronde, le camion avait quitté l’entreprise. À partir de dix-sept heures, les voitures des employés étaient revenues sur le parking et le ballet des chargements reprenait. La baie la plus éloignée restait la seule inutilisée. Dans le bureau de Moktar, la porte fermée, Radouane précisa le plan préparé dans l’urgence.
« Si les Russes surveillent l’entrepôt, ils auront forcément remarqué le camion isolé en début d’après-midi. Nous allons faire partir les chargements habituels puis un dernier véhicule se présentera et ira charger à la porte du fond. On aura un homme dans la cabine, en plus du chauffeur et trois autres dans la caisse. De plus, une voiture les précédera jusqu’à un point d’arrêt établi. Ils ne peuvent tenter de nous intercepter que sur un parking, mais c’est nous qui les attendrons à l’endroit que nous aurons choisi. Pour que le plan soit crédible, il faut que l’arrêt se fasse à peu près à mi-parcours, dans une zone assez isolée. Un peu avant Tarragone, il y a une zone où l’autoroute passe entre les montagnes, au niveau de la Serra de Montsià.
— Tu as prévu une équipe ?
— Oui, c’est Samir qui sera au volant, avec Kais équipé d'un mini uzi dans la cabine. Les gars à l’arrière seront aussi des hommes aguerris. Dans la voiture de soutien, Driss et Luis, c’est un Espagnol, mais on peut lui faire confiance.
— Si ça ne se passe pas au mieux, il ne faut pas qu’on remonte jusqu’à nous par les véhicules, objecta Moktar.
— C’est prévu. Samir a récupéré un camion sur le parking d’un concessionnaire et Luis a volé une voiture rapide. On va monter des fausses plaques. Si on doit les abandonner, on les incendie.
— C’est assez risqué, mais on n’a pas trop le choix. Il faut arrêter cette gangrène le plus vite possible. »
La nuit était déjà tombée quand les premiers véhicules commencèrent à quitter le parking. Il ne restait que deux semi-remorques et les employés avaient pour la plupart quitté l’entreprise quand un gros utilitaire à la cabine surmontée d’une capucine vint se poster devant la dernière porte. Le chauffeur en sortit pour ouvrir les portes arrières. Ramon descendit de la Clio tandis que Leonid redémarrait. Dans la pénombre, il y avait peu de chances qu’on le remarque, mais la nuit ne facilitait pas son observation de la zone de chargement. Il pouvait tout juste voir les mouvements de la caisse, pouvant laisser supposer que l’on était en train de transférer des marchandises. Il s’écoula près d’une heure avant que le conducteur ne reparaisse pour refermer le fourgon. Il se dirigea ensuite vers les bureaux où la plupart des lumières étaient éteintes. Il ne restait sur le parking des employés que le petit cabriolet Mazda. Ramon appela son comparse.
« Reviens me prendre, ils peuvent partir à tout moment et préviens Igor. »
Samir Rachdi, un homme d’une quarantaine d’année au physique impressionnant, poussa la porte du seul bureau éclairé.
« Je crois qu’on peut y aller, déclara-t-il à Radouane. Les hommes sont installés à l’arrière, aussi confortablement que possible, ils ont de quoi boire et manger. Kais est planqué dans la capucine jusqu’à ce que nous soyons en route. S’ils surveillent la sortie, ils ne verront que moi au volant.
— Driss et Luis vous rejoindront sur l’autoroute, à la sortie de la ville. Ils passeront devant vous pour aller préparer l’embuscade. Tu as bien les numéros de téléphone ?
— Oui, oui, pas de problème. C’est quoi leur caisse ?
— Une Peugeot 3008 grise.
— Ne t’inquiète pas, c’est nous qui avons le contrôle. Ils ne vont pas comprendre ce qui leur arrive.
— On reste en contact, appelle-moi toutes les demi-heures.
— T’inquiète, je te dis ! Allez, on y va. Ma’as salama. »
Dans la Clio, Ramon et Leonid virent Samir monter à la place du conducteur et démarrer.
« C’est parti, annonça Leonid au téléphone, le camion est un gros utilitaire Renault, cabine rouge, caisse blanche, sans marques distinctives. Je te donne l’immatriculation dès que je peux m’approcher sans risque. Pour le moment, ils quittent la zone d’activités par l’A-31, ils vont sûrement aller chercher l’A-70 et prendre vers le nord. »
Igor avait laissé l’Evoque, trop repérable avec ses plaques françaises, au parking de l’hôtel. Maxim conduisait la Mercedes, Marcia était à l’arrière. Tous étaient armés.
« On va se relayer pour les suivre en essayant de ne pas se faire repérer, mais il ne faudra pas les perdre, dit Igor, il risque d’y avoir pas mal de trafic sur l’autoroute. C’est dommage de ne pas avoir pu placer une balise sur le camion.
— C'est bon aussi pour nous. Pas facile de détecter une filature dans ces conditions, répondit Maxim. »
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