L'étudiant
Toulouse, Hôtel de Police
Un agent en uniforme avait conduit Yassine Kateb dans une salle d’interrogatoire. Il y patientait depuis une bonne demi-heure quand Olivier Lacaze et Steve Bertrane vinrent s’installer en face de lui. Après une nuit en cellule, les deux hommes espéraient que le jeune étudiant serait plus ouvert à leur proposition. C’est Lacaze qui lança la conversation.
« Bonjour Kateb, passé une bonne nuit ? Ce n’est pas un hôtel de luxe, je sais, mais pour le moment c’est tout ce qu’on a te proposer. Si tu t’inquiètes pour tes clients, on va leur laisser un message avec ta nouvelle adresse à Seysses.
— Qu’est-ce que vous racontez ? pourquoi Seysses.
— Détention et vente de stupéfiants, c’est combien ? demanda Lacaze en regardant son collègue.
— Jusqu’à cinq ans et soixante-quinze mille euros d’amende, répondit le brigadier, alors ce ne sera peut-être pas Seysses, mais Muret. C’est dommage de gâcher comme ça ses meilleures années.
— Non, mais je n’ai fait que revendre un peu d’herbe à des copains, tout le monde fait ça sur le campus !
— C’est un bon business si on se base sur le cash qu’on a trouvé chez toi, répliqua Lacaze. Tu te plais en France ? Toulouse c’est plutôt sympa comme ville, non ?
— Pourquoi vous me demandez ça ?
— Parce que la France pourrait te payer un billet d’avion, aller simple bien sûr avec interdiction de séjour à la clé.
— Vous ne pouvez pas faire ça juste pour un peu de came !
— Nous, non, mais le juge oui, répondit Bertrane. En ce moment, le proc est un peu à cran, il pourrait vouloir faire un exemple.
— Non, non, je ne veux pas partir d’ici.
— Il y a peut-être une solution, suggéra le brigadier, explique lui Olivier.
— On pourrait trouver un arrangement pour la came si tu nous parles de cette agression sur le parking, la semaine dernière.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
— Attention Yassine, c’est à toi de faire le bon choix. Tu n’auras pas de deuxième chance. Tu sais très bien ce qui s’est passé puisque tu étais la cible, ou bien l’appât ? »
L'étudiant hésita un moment puis se lança.
« Il y avait un type et une nana, genre punk, ils m’ont suivi depuis le métro.
— Tu les connaissais ?
— Non, non, enfin, pas vraiment. Le type je l’avais vu une fois, quelques jours avant. Il avait cherché à m’intimider.
— Comment ça ? demanda Bertrane.
— Il voulait que je m’approvisionne auprès de lui. Je lui ai dit que je ne pouvais pas, que j’avais des engagements…
— On veut bien voir le contrat, plaisanta le brigadier.
— Vous savez bien qu’on ne peut pas faire ça, j’étais coincé, reprit l’étudiant.
— Il était comment ce type ?
— Grand, sportif, plutôt genre d’Europe de l’Est. Il avait un accent aussi.
— Un Russe ?
— Possible.
— Tu pourrais le reconnaitre ? Steve, montre lui la photo.
— Tu l’as sûrement vu en meilleure forme, ajouta Lacaze en poussant une photo prise par le légiste.
— Oui, c’est lui. Il est mort ?
— En effet, et pas de vieillesse. Alors tu comprends pourquoi tu es là ? On pourrait ajouter complicité d’assassinat et là, c’est les assises.
— Je n’y suis pour rien, moi.
— Alors explique nous ce qui s’est passé.
— Après la première visite du gars, j’ai appelé mon fournisseur. Il a dit qu’il allait me protéger. Quand j’ai revu le type quelques jours plus tard, je lui ai envoyé un message. Moi je me suis contenté de les amener vers le parking, rien de plus.
— Le nom de ton contact ? pressa Lacaze.
— Je ne connais que son prénom, c’est Kamel.
— C’est lui qui a embarqué le Russe ? C’est lui qui conduisait la voiture ?
— Je ne sais pas, je n’ai pas vu le conducteur.
— Il a quoi comme voiture, Kamel, demanda Bertrane ?
— Un Duster noir.
— Et les deux autres, ceux qui étaient à pied ?
— Jamais vus avant, un gars et une fille, c’est elle qui a poignardé la punkette. Ils ont embarqué le mec dans la Dacia et ils se sont barrés. Moi, je suis rentré en vitesse. Le type était vivant quand ils l’ont mis dans le coffre, ça j'en suis sûr. Je ne peux rien vous dire de plus.
— Oh si, tu peux nous aider à retrouver ce Kamel, répliqua Lacaze.
— Je ne sais pas son nom, encore moins où il habite.
— Peut-être, mais tu as un numéro de téléphone et tu pourrais le reconnaitre sur une photo.
— Ils vont me tuer !
— Tu aurais sans doute mieux fait d’aller aux TD de maths, c’est sûr. Et à Muret, on n’aime pas trop les balances. De toute façon, tu en as déjà trop dit. Tu vas patienter un peu, on va chercher le trombinoscope. »
Les deux policiers sortirent, laissant l’étudiant sous la garde d’un agent pour aller retrouver la capitaine qui suivait l’interrogatoire depuis son bureau.
« Ça colle avec ce qu’on voit sur les vidéos, commenta Juliette Delhuine. Il nous reste à identifier ce Kamel. On va voir si Sam a une idée.
— Kamel ? ça pourrait être Soukhane, il gravite autour de Belkacem depuis un moment, mais on n’a rien contre lui, répondit Samira au téléphone.
— Tu sais où on peut le trouver ?
— Officiellement, il est sur le livre de paye de l’entreprise de Belkacem. On doit pouvoir trouver son adresse dans les fichiers de l’Administration. Il doit être inscrit à l’URSSAF et payer des impôts.
— OK, merci conclut Juliette en raccrochant.
— Kamel Soukhane, c’est bien ça ? demanda Lacaze, on va voir ce qu’on a sur lui. On va essayer de trouver une photo à l’état civil et la montrer à Kateb.
— S’il confirme, vous montez un dispositif pour aller coffrer Soukhane. Moi, je préviens Ange. »
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