Chargée de mission

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Toulouse, quartier des Izards

Contrairement aux jours précédents, Selima se retrouvait seule face à Aboubaker Belkacem. Ni Kamel, ni Rachid n’étaient présents.

« Kamel a été à nouveau interpellé ce matin, expliqua Abou et je ne sais pas où est Rachid. Les flics commencent à nous mettre un peu trop de pression. Ils ont aussi arrêté Medhi et pour finir, Yassine chez lui, cet imbécile avait de la marchandise et du cash dans son salon !

— Tu crois que Rachid a mis les voiles ? demanda la jeune femme.

— Je n’en sais rien, ils ont fait une descente dans le bar de Medhi ce week-end et aussi à l’épicerie, peut-être qu’il a pris peur.

— Comme ça, sans rien dire ?

— Je n’en sais rien, tu pourrais passer chez lui ?

— Oui bien sûr, je peux aller voir, mais je n’ai pas son adresse.

— Demande à Meriem. Il a une femme et des gosses, ils ne sont sûrement pas tous partis.

— D’accord, et pour le Russe, qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Je suis passée à Vieille-Toulouse ce matin et j’ai bien étudié les lieux. Je peux lui régler son compte quand il va jouer au golf. Il a ses habitudes tous les mercredis matin, à la même heure. Il faudra juste attendre la semaine prochaine.

— Je ne sais pas si c’est le bon moment, les flics ne sont pas idiots, ils feront immédiatement le rapprochement.

— Ils ne me connaissent pas et deux de tes principaux soldats sont hors jeu. Des Russes qui se font éliminer, ils y en a partout dans le monde.

— Oui, mais ils sont victimes d’accidents, ils ne prennent pas trois balles dans la rue.

— Vu comme ça bien sûr… un accident mortel sur le golf, je ne sais pas le simuler.

— De toute façon, on n’a pas besoin de décider aujourd’hui, on a la semaine devant nous. Pour l’instant j’ai une autre préoccupation. Nos amis d’Alicante m’ont appelé ce matin. Ils ont pris le type qui a probablement exécuté mon fils. Ils me demandent ce qu’ils doivent faire de lui.

— Ils n’ont qu’à le jeter à la mer, les crabes s’en occuperont.

— Ils pensent que je voudrai m’en charger personnellement et je suis d’accord avec eux, seulement, je ne peux pas me rendre là-bas en ce moment.

— Tu voudrais que j’aille le chercher à Alicante ?

— Avec Rachid et Kamel hors circuit, je n’ai que toi pour faire ce job. Tu pourrais prendre un camion et faire un aller-retour.

— Je connais bien la route, c’est sûr ! mais ensuite, qu’est-ce que tu vas en faire ? On ne va pas le ramener ici avec les oranges, ni l’enfermer dans l’épicerie. Tu ne préfères pas laisser les Espagnols s’en débarrasser ?

— C’est mon fils qui a été lâchement exécuté par cet homme, c’est à moi de faire justice. Nos amis l’ont un peu abimé et ses complices sont morts pour ce que je sais, mais lui, je le veux. J’ai acheté une ancienne ferme dans la campagne, à une heure d’ici. Je n’y vais pas souvent, mais il y a un couple de vieux harkis qui habitent une dépendance. Ils s’occupent du jardin et entretiennent la maison. Tu le conduiras là et j’irai finir le travail ensuite.

— Comme tu voudras. Je peux partir ce soir.

— Merci. Passe d’abord chez Rachid et demande à Meriem d’établir les documents pour le camion. Moi, je vais prévenir Radouane à Alicante. »


Quelques minutes plus tard, Selima quittait l’entrepôt pour se rendre au domicile de Rachid Zekkal à la Faourette. Meriem lui avait donné l’adresse et précisé que Rachid vivait avec une épouse et trois enfants. En fin d’après-midi, elle s’attendait donc à trouver du monde à la maison. Quand elle se présenta à l’adresse indiquée, elle fut en effet accueillie par trois femmes qui bavardaient dans un salon meublé dans le style berbère. Elle entendait plusieurs enfants qui se chamaillaient dans une pièce voisine. Elle se présenta comme une collègue travaillant pour Aboubaker Belkacem et demanda à parler à Rachid. La plus âgée des trois lui répondit par une longue diatribe dans laquelle se mêlaient l’arabe du Maghreb et un peu de français ponctué d’expressions typiquement toulousaines. Il en ressortait que Zekkal n’avait pas remis les pieds au domicile conjugal depuis trois jours et que son épouse légitime le soupçonnait de passer ses nuits avec une de ses putes à Matabiau. Selima fit un rapide calcul et détermina que cela correspondait au moment où Medhi Salah avait été arrêté. Elle se garda bien de prendre parti et quitta la petite maison en refusant le thé offert, au mépris des traditions.

Le temps de passer chez elle à Balma pour prendre quelques affaires et changer de tenue, elle était de retour à l’entrepôt. Belkacem étant occupé, elle confia à Meriem le soin de transmettre les informations concernant Rachid et se fit remettre les clés et les documents administratifs d’un camion Volvo FE 280. Il n’était pas encore minuit quand elle passa la frontière au Perthus avant la longue descente le long de la côte.

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