Chapitre 2 - Retour Incongru

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Mon sourire s’efface aussitôt. Mes yeux s’écarquillent de stupeur et je reste figée sur place. C’est impensable…

« - Bonjour Lola, me lance-t-il avec un petit sourire mielleux.

- Ah tiens ! Tu arrives juste à temps ! me rétorque Eric en se retournant vers moi, tout guilleret. Mais… Attendez un peu… Vous vous connaissez ?? »

Le souffle court, toujours prostrée, je n’arrive même plus à parler. Comment est-ce possible ? Mon regard ne peut se détacher de l’individu qui se tient désormais debout face à moi.

« - Euh… Hum, euh… je balbutie.

- Oui, un peu » répond-t-il à ma place, toujours avec ce sourire ravageur plaqué sur son visage d’ange.

Il ne me quitte pas des yeux, et je me sens soudain mal à l’aise, envahie par une multitude de sentiments contradictoires. La respiration haletante, ma bouche s’ouvre mais aucun son n’en sort.

« - Ah mais si vous vous connaissez déjà, c’est encore mieux alors !! s’exclame mon patron. C’est même parfait ! Le travail n’en sera que facilité ! Hein, Lola ? »

Subitement, je reprends mes esprits en clignant des yeux bêtement, et mon regard se reporte sur mon manager, qui attend apparemment une réponse de ma part.

« - PEU ! lâché-je d’un ton un peu trop abrupt. On se connait peu, en fait. Mais ce n’est pas grave. Je ferais mon taf, comme toujours. BIEN ! Eh bien… Bienvenue alors, Monsieur Petterfield.

- Je suis ravi de te revoir, Lola, me susurre l’homme en pantalon de costard bleu nuit et chemise blanche légèrement ouverte sur un torse parfaitement entretenu, tentant un rapprochement.

- Moi pas, je lui rétorque sèchement, avant de reprendre en main ma tablette et de me diriger vers la sortie. Mais qu’importe. DONC ! Ce soir à 19 heures, nous t’avons prévu un pot de bienvenue, pour te présenter au reste de l’équipe et aux différents associés. C’est une tradition. Tout se déroulera dans nos locaux. Tu vas loger à l’hôtel Mercure pour ce soir, le temps que je te trouve une autre chambre digne de ton standing. Des valises sont déjà en route, elles t’y attendront. »

Mes mains tremblent, pendant que je lui débite son emploi du temps à venir. J’essaie de rester concentrée sur ma tâche, et j’évite copieusement de le regarder. Mais mon esprit se remémore de lointains souvenirs, et je sens une chaleur m’envahir alors que son regard de braise est fixé sur moi. Mon cœur bat à cent à l’heure. Je décide alors de me raccrocher à ma collègue, qui me suit d’un air hébété.

« - Ah ! Je te présente Esther, qui sera en charge de toute ta communication durant ton séjour en France.

- Enchanté, mademoiselle, lui dit-il en se tournant légèrement vers elle, les bras croisés dans son dos, son sourire le plus aimable toujours vissé aux lèvres.

- Moi de même, Monsieur Petterfield !! lui répond-t-elle, surexcitée. C’est un honneur de vous rencontrer, j’ai beaucoup d’admiration pour votre travail ! C’est incroyable comme vous avez un sens inné des affaires ! Je suis votre parcours depuis…

- Oui, merci Esther, on a compris, je l’interromps brusquement.

- Hum. Je vous remercie Miss Esther, lui répond-t-il gentiment, avec un petit sourire en coin désolé.

- Oh ! Appelez-moi juste Esther, c’est très bien ! badine-t-elle alors, d’un regard pétillant, plaquant son dossier contre sa poitrine et replaçant une mèche de ses cheveux d’un noir de jais derrière son oreille.

- Bien, dis-je en m’arrêtant devant le véhicule qui lui sera désormais dédié. J’ai donné l’adresse de l’hôtel à ton chauffeur. Il va t’y conduire directement et t’attendra pour le retour jusqu’à nos locaux à 19 heures précises.

- Tu ne m’accompagnes pas ? me demande-t-il, visiblement surpris.

- Non. Je dois d’abord dire un mot à Monsieur Ediano, si tu permets. Mais si tu veux, Esther se fera une joie de te tenir compagnie. N’est-ce pas, Esther ? »

Le visage de ma collègue s’illumine, et c’est avec un sourire béat de gratitude qu’elle grimpe dans la voiture après lui.


Je referme la portière sur une Esther au comble du bonheur, et tourne aussitôt les talons. J’entends le moteur s’emballer et prendre la route, alors que je me dirige d’un pas ferme vers le hall d’entrée de l’aéroport, où Eric est en grande conversation avec le pilote du jet privé. Arrivée à sa hauteur, je toussote pour signaler ma présence.

« - Ah, Lola ! Alors ? Ça se passe bien avec Monsieur Petterfield finalement ?

- Euh… Je peux te parler 5 minutes s’il-te-plait ?

- Mais bien sûr ! me répond-t-il, semblant soudain se crisper, et faisant signe au pilote de nous laisser. Je t’écoute.

- Eric… Je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour m’occuper de ce dossier…

- Ah bon ? Mais pourquoi donc ? Vous vous connaissez déjà, de ce que j’ai cru comprendre. C’est un atout, non ?

- Pas vraiment, non… je lui rétorque un peu gênée. On se connait c’est vrai, mais c’était il y a longtemps, et on ne peut pas dire que l’on se soit quitter en très bon terme…

- Ah… soupire-t-il devant mon air désolé. Je vois… »

Il se gratte le menton, visiblement en proie à un dilemme qu’il a finalement vite fait de trancher.

« - Bon, écoutes Lola. Tu es la meilleure assistante que j’ai à l’heure actuelle.

- Eric… je soupire, essayant de couper court aux flatteries inutiles.

- Non non, laisse-moi terminer s’il-te-plait. J’ai une totale confiance en ton professionnalisme, et je suis certain que tu arriveras à passer outre tes histoires personnelles pour que cela n’interfère pas avec ta mission.

- Mais…

- Et tu comprendras aisément que je n’ai pas d’autre choix que de te confier ce dossier, dans la mesure où c’est le client lui-même qui a insisté pour que ce soit toi qui t’en occupes.

- Pardon ?!

- Ah… Il ne te l’a pas dit ? »

Je suis sidérée. Comment a-t-il osé ? Et pourquoi ? Après tant d’années de silence radio… Que me veut-il exactement ? Pourquoi m’obliger à travailler avec lui ? Pourquoi revient-il dans ma vie aujourd’hui, alors que je croyais en avoir enfin terminé avec notre histoire ? Que mijote-t-il ?

Mon esprit s’embrouille. J’ai l’impression que la situation m’échappe et je n’aime pas cela. Devant ma tête ahurie, Eric commence à s’inquiéter.

« - Est-ce que ça va, Lola ?

- Hein ?! Euh… Oui, oui, ça va, merci… »

Il me regarde d’un œil pénétrant, un sourcil levé, comme pour me sonder. Je crains soudain qu’il ne devine mon manque d’assurance du moment, alors je me reprends aussitôt.

« - Bon… Eh bien, si c’est le client qui le demande alors… Je crois que je n’ai effectivement pas le choix !

- En effet…

- Dans ce cas… On se voit ce soir, pour le pot de bienvenue ? »

Sur ce, je repars d’un pas léger, feintant la bonne humeur et la confiance en soi.

Mais intérieurement, c’est le chaos total. Des souvenirs de nos moments à deux refont surface par flashbacks. Comme autant de coups de poignards si soigneusement refoulés au très fin fond de moi-même qui ressurgissent à la seule vue de cet homme, que j’ai tant aimé.

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