Chapitre 5 - Soirée de Bienvenue

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Après cette petite parenthèse, nous retournons toutes les deux à la soirée, comme si de rien n’était. J’ai à peine passé la porte de la grande salle que Tristan me tombe déjà dessus.

« - Où étais-tu ? Je t’ai cherché partout !

- Tu n’as pas bien cherché alors… je lui rétorque sur le ton de la moquerie.

- Ha ha… Très drôle. Je m’inquiétais moi…

- Ah tiens, c’est nouveau ça ! j’ironise. Depuis quand tu t’inquiètes encore pour moi ?! »

J’ai fait mouche. Sa mâchoire se crispe, et je constate avec joie que je l’ai vexé. Je jubile.

« - Hum… Je te cherchais parce que j’ai besoin de toi pour me présenter, figures-toi. C’était professionnel, vu que c’est la seule chose qui te préoccupe.

- Ah bah oui, bien sûr : Uniquement professionnel, évidemment… je lui réponds en levant les yeux au ciel. BIEN ! Alors, allons-y pour les présentations dans ce cas. Puisque tu ne sais pas le faire tout seul… »

Il me jette un regard noir, et je suis fière de moi. C’est tout à fait l’effet que je souhaitais. Avec un léger sourire en coin malicieux, je m’avance d’un pas assuré vers le reste des invités, Tristan sur mes talons. Je me fais très vite alpaguer par un de nos actionnaires, un vieil homme aux cheveux blanc habillé d’un costume noir à queue de pie.

« - Mademoiselle Terramare ! Quel plaisir de vous voir ! Vous êtes vraiment resplendissante ce soir !

- Ah bonsoir Monsieur Van Carthier ! Je suis ravie de vous voir également, lui répond-je en un sourire parfaitement dosé. Vous n’êtes pas mal non plus ! Quelle classe !!! On vous donnerait, quoi… une vingtaine d’années, à peine !

- Rooh quelle flatteuse vous faites, ma chère Lola ! Ne dites pas de sottises voyons ! Mais je vois que vous êtes accompagnée, dites-moi. Qui est ce jeune homme qui a la chance de vous avoir à ses côtés ce soir ?

- Monsieur Van Carthier, je vous présente Tristan Petterfield, homme d’affaires de renom et propriétaire du Sunlight entre autres, venu spécialement des Etats Unis pour faire affaire en France. C’est notre nouvel recru.

- Ah oui, j’ai entendu parler de vous ! Vos dernières acquisitions ont fait grand bruit ! Quel flair vous avez là, jeune homme !

- Monsieur Van Carthier est un de nos plus grands actionnaires et fin connaisseur du monde de la finance, j’ajoute aussitôt à l’intention de Tristan.

- Merci Monsieur Van Carthier, lui répond-il, retrouvant son sourire charmeur. Je suis ravi de faire votre connaissance. »

Et la soirée continue ainsi, passant de personnalités à actionnaires en serrant de nombreuses mains, pour faire les présentations officielles de Tristan. Tous me saluent gaiement, visiblement heureux de me croiser. J’use de mon charme avec ces messieurs pour flatter leurs égos, comme j'ai remarqué que cela fonctionne bien et m’aide pour les négociations. Je suis sûre de moi et parfaitement à l’aise, ce qui ne manque pas de sauter aux yeux de mon ex petit ami déchu. Je croise de temps à autres son regard, et je crois y déceler un soupçon d’admiration. Je compte bien lui montrer que j’assure et que je n’ai pas eu besoin de lui pour me faire ma place dans ce milieu.

***

Du coin de l’œil, il l’observe. Elle est radieuse.

Il n’en revient pas à quel point elle a changé. Lorsqu’il l’a quitté, ce n’était qu’une jeune fille encore timide et insouciante. Elle est devenue une femme incroyable, éblouissante, charmante (charmeuse aussi) et sûre d’elle. Et elle assure dans son domaine ! Elle évolue dans ce monde avec une aisance qu’il ne lui connaissait pas, semblant si forte et respirant la confiance en elle.

Lorsqu’il croise ses yeux bleus-verts magnifiques, il a des frissons à chaque fois. Il ne pensait pas qu’elle lui ferait encore cet effet-là. Mais face à cette jeune femme, belle et rayonnante, son corps réagit instinctivement. Il la trouve même sexy, encore plus attirante qu’avant. Ses yeux se promènent sur sa plastique de rêve. Certaines choses n’ont pas changé pourtant : ses petits seins n’ont pas beaucoup grossi, mais ils sont parfaitement moulés dans cette robe bustier qui lui va à ravir. Son fessier, lui en revanche, est bien mieux valorisé dans cette tenue que lorsqu’elle était adolescente et qu’elle portait des baggy ! Elle sait désormais se mettre en valeur avec une garde-robe plus féminine et des plus avantageuse. Il constate également qu’elle fait un peu plus attention à son physique qu’auparavant et qu’elle a dû perdre quelques kilos. Elle a la classe, elle est gracieuse et élégante. Ses formes sont justes parfaites. Et la force de caractère qu’elle dégage accentue son charme fou. Sans parler de ce sourire... Pas étonnant que tous les hommes ne voient qu’elle ! Et lui… Serait-ce de la jalousie qu'il ressent au fond de lui ?

***

Il ne me quitte pas du regard, c’est presque embarrassant... Parfois, je le surprends en train de me mater discrètement. Comme si je ne le remarquais pas... J’espère que ça te fout bien les boules que ces fesses ne te soient plus réservées, tiens !

« - Lola ! M'interpelle Nassim. Voilà, j’ai pris pas mal de photos pour toi ce soir. Tu auras ce qu’il te faut dès demain matin.

- Super, merci ! Je lui réponds, enthousiaste. N’oublie pas de mettre Esther en copie, hein !

- Bien... hésite-t-il, le regard en biais. Je crois que je vais pouvoir profiter un peu de la soirée en tant qu’invité maintenant ! Je t’offre un verre ?

- C’est gentil Nassim, mais je travaille encore, moi !

- Roooh allez quoi ! Tu peux quand même trinquer avec ton photographe préféré, non ? C’est ce que tu fais depuis tout à l’heure après tout !! Et tu as le droit de te détendre aussi, hein !

- Non mais vraiment...

- Une petite séance photo souvenir alors !? C’est gratuit ! Et je ne crois pas que cela va déranger ton nouveau protégé, n’est-ce pas Monsieur Petterfield ? Me coupe-t-il aussi sec, en se tournant vers Tristan.

- Hein ?! Euh... Je... balbutie celui-ci, pris au dépourvu.

- Ah tu vois ! S'exclame Nassim. Il est d’accord ! Allez Zou ! Viens par ici ! »

Et il m’entraine aussitôt vers mes collègues pour me tirer le portrait, après m’avoir tout juste laissé le temps de tendre mon verre à mon VIP, qui reste stupéfait.

Nassim est un bon photographe. Il sait mettre à l’aise ses modèles. Je ris de bon cœur à ses idioties pendant qu’il joue le grand artiste, commençant doucement à me détendre grâce à lui. C’est un dragueur incorrigible et un peu relou, mais il est drôle et c’est un excellent professionnel. Je sais aussi que je peux compter sur lui pour me remonter le moral. Je crois bien qu’il en pince réellement pour moi, cela dit ! Même s’il sait qu’il n’y a aucune chance pour que je sorte avec lui... Ni avec personne d’autre d’ailleurs. J’ai tiré un trait sur l’amour depuis ma relation désastreuse avec Tristan. J’ai pourtant essayé quelque fois, mais je n’arrive plus à faire confiance ni à me projeter. Je me contente donc d’histoires sans lendemain. Et je sais que ce n’est pas ce que souhaite Nassim, je ne veux donc pas lui donner de faux espoirs. Toutefois...

Je croise de nouveau le regard de mon ex et j’aperçois alors une pointe de contrariété dans ses yeux. Il nous observe, la mâchoire crispée et l’air agacé. Serait-il... jaloux ?! Cette pensée m’arrache un petit sourire en coin de satisfaction. Ce ne serait qu’un juste retour des choses, après tout : sa jalousie, en compensation de ma dépression.

#

Après une soirée qui se termine finalement sur une bonne note grâce à mon boute-en-train de photographe, c’est le cœur plus léger que je m’éclipse des lieux. Manque de pot, je n’ai à l’évidence pas été assez discrète, et j’entends une voix qui me coure après.

« - Lola attends ! Me lance Tristan. Je t’en prie, attends, s’il-te-plait. »

Je stoppe ma fuite ratée et soupire un grand coup, laissant tomber mes bras ballants et fermant les yeux avant de basculer la tête en arrière d’un air de dépit.

« - Quoi ? Je lui rétorque sur un ton des plus glacial, en me retournant vers lui, profondément contrarié. Qu’est-ce que tu me veux encore ? J’ai fini tes présentations, j’ai fait mon taf, la soirée se termine... Je pense avoir le droit de rentrer chez moi maintenant, non ?

- J’aimerai vraiment qu’on se parle...

- Parler de quoi ? Je ne crois pas qu’il y ait grand-chose à dire. Tu m’as lâchement abandonnée et basta.

- Je peux t’expliquer...

- Si tu voulais t'expliquer, tu as eu quinze ans pour reprendre contact avec moi. Ou bien tu n’avais qu’à me le dire ce jour-là, au lieu de t’enfuir sans un mot.

- Je ne pouvais pas...

- Et bien c’est bien dommage ! Parce qu’aujourd’hui, nous n’avons plus rien à nous dire !

- C’est faux !! » S'exclame-t-il en m’attrapant le poignet, alors que je tournais déjà les talons.

Ce contact physique me fait l’effet d’une bombe. Tout mon corps tressaille et je suis soudain parcourue d’un frisson. Ma respiration s’arrête nette. Je me retourne alors brusquement, jette un œil rapide au niveau de sa prise et relève la tête aussitôt, surprise comme un chevreuil dans les phares d’une voiture. Plongeant mes yeux dans les siens, je ne sais plus comment réagir. Je sens sa main fermement accrochée à mon poignet, mais qui ne me sert pas pour autant. Je sens sa peau contre la mienne, et mon cœur s’emballe de nouveau, incontrôlable. Il me retient. Et c’est bien la première fois. Moi qui ai attendu ça pendant quinze ans, me voilà prise au dépourvu et totalement tétanisée par cette sensation que je pensais oubliée, la respiration haletante. Notre échange de regard est intense, profond. La tension est palpable.

Puis, soudain, je reprends mes esprits et réalise la situation. Je retire mon bras de son étreinte d’un coup sec et serre les dents, la colère me montant aux tempes.

« - MOI je n’ai plus rien à te dire » je lâche, la mâchoire crispée et le regard noir.

Sur ce, j'opère un demi-tour digne d’une diva et part rejoindre mon chauffeur, qui m’attend devant la portière arrière. Lorsque j’arrive à sa hauteur, il l’ouvre et je m’engouffre dans le véhicule, sans un regard pour Tristan, resté planté dans l’allée, l’air décontenancé. J’aperçois vaguement son reflet dans la vitre opposée, qui commence un geste pour me rattraper avant de s’immobiliser, résigné et déçu. L’espace d’un instant, j’ai presque de la peine pour lui. De la pitié même. Mais je me reprends vite, et fixe le rétroviseur intérieur, la tête haute, pour éviter de le regarder, jusqu’à ce que Igor démarre et s’engage sur l’avenue.

#

De retour dans mon petit appartement, dans cette petite tour de banlieue calme, je suis complètement perdue et désarçonnée. Je ne suis toujours pas changée, et je tourne en rond, me tenant la tête entre les mains pour essayer de contrôler l'afflux de souvenirs qui me martèle le cerveau. J’ai encore le cœur battant, en proie à un dilemme que je ne devrais plus à avoir. Des émotions contradictoires se bousculent dans ma tête.

D'un côté, la colère est bien présente. La douleur et la souffrance qui m’ont assaillies et brisées lorsqu’il m’a quitté me reviennent, et me font presque aussi mal qu’à l’époque. J’ai mis du temps pour me relever de ce que je considère comme une trahison. J'ai mis du temps à me reconstruire après cela. Je lui en veux d’être revenu remuer le couteau dans la plaie. Je lui en veux de me rappeler à ces mauvais souvenirs.

Mais d’un autre côté, il y a ce contact. Presque tendre, qui me donne encore des frissons rien que d’y penser. Sentir de nouveau ses doigts sur moi... Pourquoi suis-je à ce point perturbée par les retrouvailles de sa peau contre la mienne ? Pourquoi je trouve ses mains toujours aussi douces et délicates ? Pourquoi mes poils se hérissent-ils rien qu’à l’idée de les sentir à nouveau sur mon corps ? Je repense à nos ébats... A son corps collé contre le mien... Le goût de sa peau... Et soudain je sens la chaleur s’emparer de moi à ces pensées subjectives.

NON ! C’est hors de question ! Je ne craquerai pas ! Je ne craquerai PLUS ! Je ne suis plus aussi faible. Reprends-toi Lola !

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