Chapitre 9 - Pêche aux Infos

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De temps à autre, je lance un regard exaspéré vers mon ex par-dessus mon écran, l’écoutant continuer son petit manège d’un air dépité. Je finis par croiser furtivement celui de son ami, Robin. Il parait lui aussi un peu contrarié par la situation, les regardant de biais par à-coup. Lorsqu’il s’aperçoit que je l’observe, il lève lui aussi les yeux au ciel et esquisse un sourire en coin entendu. Puis il s’apprête à demander quelque chose à nos deux célibataires en rute, mais, ne pouvant en placer une, il se ravise, se refusant finalement à les interrompre. Il s’excuse, puis se lève.

En passant devant moi, il me tend sa main et me chuchote doucement :

« - Je peux vous offrir un café ? »

J’accepte volontiers et attrape sa main pour m’aider à me relever, avant de nous éclipser tous deux dans le hall d’accueil.


« - Pfffiou ! souffle-t-il une fois arrivé dans sa salle de pause, en nous servant deux gobelets. Eh bé ! Je vois qu’il n’a pas beaucoup changé le Tristan ! ajoute-t-il en riant. Toujours le tombeur de ces dames ! C’n’est pas que ça me dérange, mais moi j’ai aussi besoin de ma secrétaire, hein ! Ha ha ! »

Sur ce, il attrape une des tasses et me tend la seconde, puis boit une longue gorgée du breuvage chaud, une main dans la poche.

« - Hmm ! J’espère qu’il ne vous a pas fait la cour, à vous aussi ?! me lance-t-il ensuite.

Je ris doucement d’un rire nerveux, sans lui répondre, avant de boire à mon tour.

« - Non parce que, je serais déçu de m’être fait devancer, je dois avouer… » ajoute-t-il en fixant l’intérieur de sa tasse.

Je manque de m’étrangler avec mon café, et ce réflexe le fait sourire.

« - Rassurez-vous, ce genre de badinage ne fonctionne pas avec moi. Je suis ici uniquement en tant que professionnelle, et je ne me laisse pas distraire par un homme, aussi charmant soit-il. » je lui réponds alors le plus aimablement possible, mais mettant un terme à ses probables projets.

« - Je vois… me glisse-t-il avec un sourire crispé. En tout cas, même si ça avait été le cas, je constate que vous n’êtes pas vraiment du genre à vous laisser faire. Ce qui est une bonne chose, en fait ! Surtout dans votre domaine, je veux dire ! s’empresse-t-il d’ajouter lorsqu’il croise mon air surpris.

- Oui, en effet. Il faut savoir rester focus dans ce métier, je lui réponds gentiment pour détendre l’atmosphère. Et ne pas tomber dans le piège des compliments excessifs !

- Ah ah ! Vous êtes toujours aussi direct avec les hommes ??

- Ça dépend…

- Vous êtes décidément une demoiselle pleine d’assurance ! Ça me plait beaucoup…

- Au fait, pour parler d’autre chose… je lance pour changer très vite de sujet, sentant arriver la drague lourde qui pourrait nuire à ce rendez-vous. J’ai remarqué que vous aviez l’air proche de Monsieur Petterfield. Vous vous connaissez depuis longtemps ?

- Oui, c’est un ami de longue date. Nous nous sommes rencontrés aux Etats-Unis, sur les bancs de l’école. A la fin de nos études, je suis revenu en France pour ouvrir mon cabinet, alors que Tristan est resté là-bas pour reprendre les affaires de son père. Cela faisait un moment que je n’avais pas eu de ses nouvelles, je suis content qu’il ait pensé à moi pour ce contrat !

- Était-il déjà aussi dragueur à l’époque ? je lui demande aussitôt, presque sans m’en rendre compte, le regard plongé dans ma tasse.

- Oui, un peu, je dois dire… J’avais surtout l’impression qu’il essayait de combler un manque… Il semblait tourmenter par une ancienne histoire d’amour, et il avait à priori du mal à passer à autre chose. Il comparait sans cesse ses nouvelles conquêtes à son ex petite-amie. Elles n’étaient jamais assez bien pour lui, ne ressemblaient pas assez à elle ! Jamais aussi belle, jamais aussi intelligente, etc… Vous voyez le genre ? Du coup… Il ne s’est jamais vraiment recasé… Que des histoires sans lendemain, quoi ! » m’explique-t-il en continuant de boire son café tranquillement.

Cette information est presque irréelle. Lui ? Troubler par son ancienne histoire d’amour ?? C’est une blague ?!?

Je dois avoir l’air complètement abasourdie par ces propos, car Robin stoppe sa déglutition en me fixant d’un air dubitatif.

« - Tout va bien, mademoiselle ? me demande-t-il finalement, un peu inquiet.

- Hein ?! Euh, oui, oui ! je m’exclame un peu trop enthousiaste. Mais appelez-moi Lola, je vous en prie !

- Très bien, me répond-il en souriant. Alors dites-moi, LOLA, vous semblez vous intéresser fortement à Tristan, pour quelqu’un qui ne se laisse pas embobiner par le charme d’un homme ! »

Je m’étrangle encore une fois en avalant le liquide tiède de travers.

« - Je fais simplement mon travail, je rétorque sur un ton désinvolte.

- Vraiment ?! Et cela fait partie de votre travail de vous renseigner sur la vie sentimentale de votre client ?

- J’essaie juste de bien cerner le personnage… Et… Oui, ça fait aussi partie de mon travail, de le connaître un peu personnellement et de connaître ses habitudes, j’insiste alors. Je ne suis pas son assistante QUE pour son planning, vous savez. A ce propos, il me semble que vous venez de dire de Tristan qu’il devait « reprendre les affaires de son père » … De quoi parliez-vous exactement ?

- Eh bien ma chère, si moi je le connais bien, vous en revanche… pas tant que ça apparemment ! »

Eh bim, un point pour lui… Devant mon air contrarié et un peu confus, il se ravise et se radoucit.

« - Mais… En effet, j’ai parlé des affaires de son père. Vous savez qui sait, son père ?

- Oui. Enfin… Un peu… Pas tant que ça en fait… je lui mens ouvertement – il ne faudrait pas qu’il comprenne que nous nous connaissons bien plus qu’il n’y parait.

- En fait, m’explique Robin. Lorsque Tristan est arrivé aux States, son père venait de racheter une entreprise d’investissement qu’il a fait prospérer et qui a fait sa fortune actuelle. Il avait envoyé Tristan à Harvard pour qu’il apprenne le métier et qu’il reprenne ensuite les rênes. »

Je reste sans voix, la bouche suspendue au-dessus de ma tasse. Je ne connaissais pas cette partie de son histoire. D’un coup, je commence à comprendre…

« - Il voulait que son fils ait une bonne situation, continue-t-il. Ça ne plaisait pas trop à Tristan : le monde de la finance, ce n’était pas vraiment son dada à l’époque… Mais de ce que j’ai compris, il n’a pas eu le choix. A ce moment-là, il n’avait pas vraiment de projet professionnel stable, alors son père s’en est occupé à sa place. Vous voyez le tableau ? »

Wow. Alors là, si je m’attendais… Et soudain, tout s’éclaire : Son départ précipité il y a quinze ans, son inscription à Harvard alors que nous n’en avions jamais parlé, le fait qu’il ne soit pas revenu en France depuis…

« - Attendez… commencé-je. Vous voulez dire qu’il a été forcé de partir aux Etats-Unis ?

- Oui, c’est un peu ça, en effet. Du moins… C’est ce que j’ai compris, me répond gentiment mon interlocuteur, en finissant son gobelet. En tout cas, son père ne lui a pas laisser le choix de sa carrière professionnelle, ça c’est certain. Son avenir était tout tracé, avant même qu’il ne pose un pied sur le sol américain. Enfin, bref… Et vous ? Vous le connaissez depuis combien de temps ?

- Oh, euh… Depuis peu… En fait, on se connaissait avant, mais c’était il y a bien longtemps, lorsque nous étions tout jeunes enfants. (On n’est pas à un petit mensonge près, n’est-ce pas ?)

- Et vous ne saviez pas pour son père et son entreprise ?

- Non… Mais en ce temps-là, c’était le cadet de nos soucis, vous savez ! Et puis on s’est perdu de vue ensuite, donc bon…

- Et depuis que vous vous êtes retrouvé, il ne vous en a jamais parlé ?

- Non…

- Étonnant… »

Que dire de plus ? Je me sens bête et ignorante.

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