Chapitre 13 - Partenaire Inattendu

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Demain, Tristan doit participer à une soirée de gala pour une association dont il est le parrain. Apparemment, il la ne connait pas bien, car il m’a demandé de me renseigner sur les personnalités qui sont également concernées et donc invitées.

« - Tu ne connais pas l’association dont tu es le parrain ?? je m’étonne.

- Oui, euh, non… Enfin…

- Oui ou non ???

- Non… souffle-t-il enfin, désespéré. En fait… C’est mon père qui a accepté l’offre de parrainage au début de ma carrière. Mais j’avoue qu’à l’époque, étant aux Etats-Unis et l’association en France, je ne m’y suis jamais intéressé…

- Je vois… Et tu ne t’es jamais dit que c’était l’occasion, là du coup ?!

- Siiii, justement ! s’offusque-t-il presque. C’est pour ça que je te demande de me faire un topo ! »

Je grogne un coup et me replonge dans ma tablette pour commencer mes recherches au plus vite.

« - Tu… euh… Tu ne me poses pas de question ? balbutie-t-il fébrilement.

- A quel sujet ? je lui demande d’un air dubitatif.

- Bah… Le début de ma carrière…

- Ah, ça ?! Je la connais, ta carrière, ne t’inquiètes pas.

- Vraiment ??

- Evidemment ! Qu’est-ce que tu crois ?! Je me suis déjà renseignée sur toi, comme chacun de mes clients. Je fais mon travail correctement, hein !

- Je n’ai jamais dit le contraire… » marmonne-t-il tout penaud.


Comme je dois lui servir de guide durant la soirée, je dois être forcément présente, et par conséquent un minimum présentable également. Nous avons donc convenu de se retrouver sur place, après nous être apprêtés pour l’occasion.

A mon arrivée en voiture, il m’attend sur le trottoir, pianotant sur son smartphone.

Igor m’ouvre la portière, et je me dépêche de sortir, également sur ma tablette pour réviser encore une dernière fois les différents noms des invités que j’ai déjà appris par cœur, le tout en essayant de ne pas me prendre les pieds dans ma longue robe de soirée bleu nuit, entièrement pailletée et à la coupe sirène surmontée d’un bustier.

« - Merci Igor, dis-je à mon chauffeur avec un petit sourire de gratitude. Bonsoir » je lance ensuite à mon client, qui relève enfin le nez de son écran.

Il me fixe d’un air ébahit, les yeux écarquillés.

« - Tristan ?

- Hum, hum… finit-il par se reprendre. Bonsoir. Tu es splendide. Comme toujours… ajoute-t-il doucement.

- Merci. Au fait, je t’ai envoyé la liste des invités de ce soir par mail ce matin. As-tu eu le temps d’y regarder ?

- Oui oui, merci. J’y ai déjà jeter un œil, mais le problème, c’est de les reconnaitre ! » me répond-il d’un air gêné, en se passant la main dans les cheveux.

Mazette ! Cela lui donne un côté hyper sexy, ce petit geste ! …Mais qu’est-ce que je raconte, moi ?! N’importe quoi… Reprends-toi, Lola !

« - C’est pour ça que je suis là » je m’enquière aussitôt, avec un petit sourire en coin arrogant. Tu es prêt ?

- Allons-y ! » me dit-il en tendant la main vers le bâtiment pour m’enjoindre à avancer.

Je remarque que cette fois-ci, il n’a même pas cherché à me tendre le bras. Je plaque la tablette contre ma poitrine et passe devant lui d’un pas décidé, avant qu’il ne m’emboîte le pas.


***

Non de non !!

Il a beau le savoir, il est toujours aussi impressionné par la classe et le charisme qu’elle dégage désormais.

Lorsqu’il a relevé la tête et qu’il l’a vue, superbe dans sa magnifique robe de soirée bleu nuit pailletée qui brille de mille feux et fait ressortir ses yeux, son cœur a une nouvelle fois raté un battement.

Il n’est pas sûr de faire le poids à côté d’une aussi belle femme, ce soir. Lui qui a simplement enfilé un costard noir et une chemise blanche des plus classique… Il n’a même pas pris la peine de mettre une cravate !


Lorsqu’ils arrivent devant la porte, il lui ouvre avec la plus grande galanterie. Il la laisse passer, les yeux pétillants, en profitant pour l’admirer encore un peu. Elle le remercie tout de même d’un petit sourire limite gênée, qu’il trouve très séduisant.

A peine ont-ils mis un pied à l’intérieur, qu’une horde de paparazzis leur fonce dessus. Prise au dépourvu, elle se met aussitôt en retrait, baissant la tête pour éviter les flashs des photographes, légèrement mal à l’aise de s’être laissé surprendre ainsi, mais restant très digne et professionnelle, en espérant toutefois ne pas apparaitre malencontreusement sur quelques clichés du lendemain. Tandis que lui fourre ses mains dans ses poches d’un air décontracté. Il en a l’habitude, et il fige un sourire charmeur sur son visage devant les objectifs.

Une femme assez grande s’avance rapidement vers eux pour les accueillir, visiblement très enthousiaste, souriant exagérément tout en lui secouant vivement la main pour le saluer, avant de se tourner délibérément en direction des journalistes qui s’agglutinent autour d’eux, s’adressant à tous et non pas seulement à lui.

« - Bonsoir Monsieur Petterfield ! Je suis ravie de vous accueillir ici ! Je suis Samantha Namur, présidente de l’association.

- Ravi de vous rencontrer enfin, Samantha.

- Une petite photo, s’il-vous-plait !! » scande un des journalistes en brandissant un appareil.

Il se positionne alors aux côtés de la présidente, et pose face aux nombreux appareils qui se mettent à crépiter de toutes parts. Il sent son assistante se mettre instinctivement de côté afin de ne pas se faire tirer le portrait. Puis, alors qu’une autre personnalité s’avance vers lui les bras grand ouverts, elle se glisse furtivement derrière de lui et lui murmure à l’oreille le nom et la fonction de ladite personne, tout en prenant bien soin de rester bien cachée dans son dos. Et ainsi de suite à chaque rencontre qu’il fait, durant la première partie de soirée.


Il aime sentir sa présence. Il sent son parfum lorsqu’elle se rapproche de lui. Il sent son souffle chaud lorsqu’elle lui chuchote une anti-sèche. Ils n’ont jamais été aussi proches physiquement depuis qu’il est revenu en France. Et cela lui fait de l’effet…

Il se sent aussi rassuré de la savoir à ses côtés, de pouvoir compter sur elle professionnellement parlant. Elle joue parfaitement son rôle d’assistante, discrète mais efficace, même si elle est tellement belle ce soir que personne ne peut l’ignorer. Et il constate parfois, à la volée, le regard d’un des journalistes qui glisse furtivement vers elle avec intérêt, avant de reporter son attention sur son objectif du jour. Lui-même aime l’admirer à l’occasion, fier qu’elle soit là ce soir, avec lui et pour lui.

Jusqu’à ce que…

***


Alors que je commence à ne plus avoir mon utilité, la plupart des présentations étant désormais terminées, je demande discrètement un verre d’eau à un serveur pour me réhydrater, ayant la gorge sèche à force de parler sans relâche. J’entends alors quelqu’un qui tousse exagérément derrière moi. Je me retourne d’un air interrogateur, les sourcils froncés.

« - Bonsoir, me salut le beau gosse blond que je reconnais aussitôt, avant de me lancer un sourire ravi (que je trouve très séduisant).

- Monsieur Friedrich ?! Quelle surprise ! Mais que faites-vous ici ?

- Je vous retourne la question, miss Terramare !

- Oh euh… J’accompagne monsieur Petterfield. Il est parrain de l’association.

- Ah oui ? Heureuse coïncidence ! Notre société fait également partie des donateurs, figurez-vous !

- Quelle coïncidence, en effet ! Je suis ravie de vous revoir, en tout cas, j’ajoute, sincèrement enthousiaste.

- Plaisir partagé, me répond-il avec un sourire des plus ravageur. Vous êtes vraiment ravissante ce soir ! Je veux dire… Encore plus que d’habitude… »

Je me sens rougir, et je le remercie en baissant les yeux, un léger sourire en coin gêné mais aguicheur sur les lèvres. Le serveur revient alors avec mon verre d’eau, me sauvant de ma subite noyade dans les yeux de mon courtisant.

« - Ah, vous êtes à l’eau ? me demande Lukas, d’un petit air malicieux.

- Euh… Oui ! je lui réponds, moi-même amusée par sa remarque. Ça ne se voit pas trop là, mais je suis en plein travail, en réalité !

- Ah mais ouiiii ! C’est vrai, excusez-moi ! s’exclame-t-il un peu gêné (il est encore plus sexy quand il paraît embarrassé !). C’est juste que… C’est étonnant de constater que personne ici ne vous a encore proposé un verre pour vous aborder. Pourtant, vous ne passez pas inaperçue, vous devriez avoir tous les hommes à vos pieds, ce soir. »

Nouvelle montée de chaleur à mes joues. Son petit jeu m’amuse, et je sens que je vais vite y succomber.

« - C’est peut-être parce que je ne suis qu’une simple assistante… Après tout… Je suis transparente, c’est mon rôle…

- Alors je serais honoré d’être le premier à faire fi de votre statut, pour vous mettre enfin en lumière comme il se doit ! » ajoute-t-il en faisant signe à un autre serveur qui déambule dans la salle avec un plateau garni de plusieurs coupes.

Nous discutons ensuite pendant plusieurs heures que je ne vois pas passer, nos verres à la main et le sourire toujours figé sur nos lèvres.


***

Il ne s’est pas aperçu tout de suite de son absence.

La présidente de l’association est venue lui demander d’ouvrir le bal avec elle, et c’est lorsqu’il a voulu passer ses consignes à son assistante qu’il s’est rend compte qu’elle n’était plus à ses côtés. Elle lui avait pourtant chuchoté qu’elle ne s’éloignait que quelques instants, mais visiblement elle n’est pas revenue. Il la cherche des yeux dans la salle, inquiet.

Il finit par la trouver en grande conversation avec un homme blond, qu’il reconnait aussitôt. Que fait-il ici, celui-là ?! Faut-il toujours qu’il soit dans les parages ? Il doute de la coïncidence de cette rencontre, et cela le contrarie…

Et soudain la musique d’ambiance qui flottait depuis le début de la soirée s’arrête. Samantha Namur monte sur une petite estrade et commence son discours. Puis elle cite Tristan et l’invite à la rejoindre. Il s’exécute, comme il en a l’habitude, un sourire aimable plaqué aux lèvres. Elle annonce ensuite que le bal est ouvert, et Tristan feint de lui proposer la première danse en lui tendant la main, comme convenu. Elle fait mine d’être surprise et accepte vivement en gloussant, son attitude exubérante étant beaucoup trop excessive pour être naturelle. Ils s’avancent toutefois tous deux sur la piste et entament une valse, aux rythmes de l’orchestre.

***


Je suis surprise de voir Samantha s’avancer sur la piste au bras de Tristan. Et en même temps, c’est une chose logique : La présidente avec son plus grand donateur et parrain. Je les regarde évoluer sur la piste, elle d’un air plus que comblé, et lui qui lui sourit, aimable mais légèrement crispé. Je le connais assez pour savoir qu’il n’est pas des plus enchanté par cette action, mais qu’il fait cela uniquement pour contenter tout le monde. Son regard le trahit, car c’est toujours le même malgré toutes ces années ! je souris légèrement à ce constat.

D’autres couples de danseurs s’intègrent à leur tour sur la piste. Captivée par mon observation attentive du bal – et surtout de mon client – je sursaute lorsque Lukas s’avance d’un pas pour me faire face, une main tendue devant lui dans ma direction et l’autre dans son dos, dans une pose des plus distinguée.

« - Puis-je ? me demande-t-il en arborant son sourire le plus charmeur.

- Hein ?! Oh, euh… Non… Enfin… Je veux dire… je bégaye alors en panique, prise au dépourvu. C’est que… Je… Je ne suis pas très douée… En fait, je… Je ne sais pas très bien danser…

- Ne vous en faites pas, me susurre-t-il, je serais là pour vous guider. »

Comment résister ?

J’inspire à fond et pose alors délicatement ma main dans la sienne, avant qu’il ne m’entraine à ses côtés vers le centre de la pièce. Sa peau est douce et agréable. Un bon point pour lui. Une fois sur la piste, il lève ma main qu’il tenait déjà pour la faire glisser en position de danse, et ouvre son bras opposé pour venir passer son autre main dans le bas de mon dos. Un frisson d’excitation me parcourt lorsque ses doigts effleurent mon bassin. Il me ramène doucement à lui, et me sourit, ses yeux bleu pâle plongés dans les miens.

Puis nous commençons à valser ensemble. Je ne suis pas très à l’aise et j’ai tendance à regarder mes pieds furtivement pour essayer de ne pas perdre le rythme des pas.

« - Regardez-moi, me murmure Lukas.

- Pardon ?

- Ne regardez pas vos pieds, regardez-moi, insiste-t-il en continuant de danser comme si de rien n’était.

- Je suis désolée, je ne suis pas très à l’aise… je chuchote, gênée, en baissant les yeux de nouveau vers mes orteils.

- Oui, j’ai remarqué, me glisse-t-il en souriant d’un air compatissant. Mais ne vous en faites pas, suivez mes pas et tout ira bien. Pour cela, ne regardez pas par terre. Regardez-moi. Ne regardez que moi… »

Sa voix est douce, presque sensuelle. Son invitation m’oblige à me redresser, et lorsque je relève la tête, il me fixe avec des yeux tendres. Il y a quelque chose de rassurant dans son regard, et je me prends au jeu en plongeant à mon tour mes yeux dans les siens, essayant de me concentrer au maximum sur son visage angélique plutôt que sur la danse.

Pendant que nous dansons, il me parle de tout et de rien. Et cela occupe mon esprit, qui ne s’inquiète plus alors de mes pas approximatifs. Entre deux phrases, il me fait des compliments, m’encourage, me rassure, et je finis par me détendre. Il devient soudain facile de le suivre. Et enfin, lorsqu’il me sent prête, il me fait alors virevolter sur moi-même sans aucun problème, faisant voler ma robe avec classe.


Les musiques s’enchainent, devenant désormais plus rythmées et populaires. Je m’amuse finalement beaucoup. Je ris même ! On dirait une gamine qui apprend à danser pour la première fois : Je titube parfois, mais je suis très vite rattrapée par les bras solides mais délicats de mon partenaire inattendu. Ce qui provoque quelques rires que nous tentons tous deux de dissimuler aux autres, malgré notre complicité évidente.

Au grès de mes tourniquets, je croise subrepticement le regard de Tristan. Lui s’est arrêter de danser, laissant la présidente de l’association à ses occupations, et s’est glissé parmi la foule pour mieux m’observer d’un air grave.

La chanson se termine, et je ris en reprenant mon souffle, les mains sur les hanches, à la suite d’un rythme plutôt soutenu durant cette dernière danse.

C’est alors que Tristan s’approche, les mains derrière le dos, pour faire face à Lukas de toute sa hauteur. L’orchestre reprend, revenant à une valse.

« - Bonsoir monsieur Friedrich, s’enquière-t-il un peu sèchement.

- Oh ! Bonsoir monsieur Petterfield, je suis ravi de vous voir !

- De même… Puis-je vous emprunter mon assistante pour cette danse ? demande-t-il aimablement, la mâchoire toutefois crispée.

- Oh mais oui, bien évidemment ! » lui répond son interlocuteur avec le sourire.

Puis il se retourne vers moi, attrape ma main et dépose un baiser chaste sur mes phalanges.

« - Mademoiselle, ce fut un plaisir ! »

Il se redresse et plonge à nouveau ses yeux pétillants et aguicheurs dans les miens. Je rougis et le remercie également, avant qu’il ne s’éclipse, me laissant seul avec un Tristan visiblement renfrogné. Il me tend subitement sa main en signe d’invitation, et j’obtempère sans un mot. Je suis moi-même contrariée par son attitude. Lui qui ne m’a pas du tout calculé depuis le début de la soirée, ne s’intéressant à moi uniquement que pour des raisons professionnelles, le voilà qui semble maintenant s’offusquer de me voir passer du temps avec un autre.


Une fois sur la piste, il procède de la même manière que Lukas, passant sa main dans mon dos avant de faire le premier pas de danse. Cette démarche me donne une sensation encore plus forte que celle provoquée par Lukas. Je ressens la chaleur de sa paume à travers le tissu de ma robe, et inconsciemment je me raidis, sentant mon corps réagir aussitôt à ce contact.

« - Je ne savais pas que monsieur Friedrich était présent, je ne l’ai pas vu sur ta liste, me dit-il soudain sans me regarder.

- Je ne le savais pas non plus, je lui réponds simplement d’un air assuré.

- Je suppose que tu es contente qu’il soit là.

- Je dois avouer que cela ne me déplait pas, en effet.

- Comptais-tu passer le reste de la soirée en sa compagnie, en me laissant seul ?

- Serait-ce un problème si tel était le cas ?

- A quoi joues-tu exactement ?? commence-t-il à s’énerver en fronçant les sourcils.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu es MON assistante.

- Et donc, ça fait de moi ton pantin ?!

- Tu sais très bien ce que je veux dire…

- Bah non, en fait, pas vraiment… Monsieur Friedrich m’a rencontré alors que je cherchais désespérément à boire. Il m’a gentiment proposé un verre, puis il m’a invité à danser, comme tu l’as très aimablement fait avec Samantha Namur. Je ne vois pas où est le problème.

- Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai fait avec la présidente, tu le sais très bien…

- Bah voyons…

Brusquement, il s’arrête net et resserre son emprise sur ma main comme pour m’empêcher de m’enfuir, plongeant ses yeux dans les miens d’un air menaçant.

- Tu m’avais dit que tu n’en avais pas pour longtemps. Je t’ai attendu, et je me suis inquiété de ne pas te voir revenir rapidement.

- Peut-être que si tu m’avais offert un verre en premier, je n’aurais pas eu à le faire moi-même, et tu n’aurais pas eu à me chercher ensuite ! je rétorque en soutenant son regard inquisiteur.

- Je n’aurais pas eu à te chercher si tu ne t’étais pas entichée entre temps.

- Ah c’est donc ça, le problème ! Tu es jaloux donc !

- Pas du tout !

- Vraiment ?! Alors pourquoi le fait que je danse avec un autre homme te dérange-t-il tant, dans ce cas ? »

La tension entre nous est palpable. Nos visages sont à quelques centimètres l’un de l’autre. Les yeux dans les yeux, nous nous provoquons silencieusement pendant quelques secondes qui paraissent des heures.

« - Et si c’était effectivement le cas ? finit-il par me demander, en gardant son regard encré au mien.

- Je te dirais que tu as déjà laissé passer ta chance.

- Oui c’est vrai. Et je pourrais t’expliquer pourquoi si tu m’en laissais l’occasion.

- Oh mais je la connais, ton explication, ne t’inquiètes pas…

- Je ne crois pas non…

- Bien sûr que si ! Tu es parti à Harvard parce que ton père t’y a obligé ! »

Il sursaute presque imperceptiblement, l’air surpris, relâchant subitement son étreinte et faisant un léger pas en arrière. Visiblement, il ne s’attendait pas à ce que je connaisse cette partie de l’histoire.

« - Ce que je regrette… je continue pour lui asséner le coup de grâce. C’est que tu n’ais pas pris la peine, à l’époque, de me dire la vérité. Maintenant, c’est trop tard. Tu as refait ta vie de ton côté, et j’ai refait la mienne. Tu as changé, j’ai changé, on ne se connait plus désormais. Alors non, je n’accepte pas vraiment que tu me fasses une crise de jalousie ce soir. »

Je vois très nettement sa mâchoire se crisper, et ses yeux semblent perdus. Mais il garde un visage neutre, et finit par me répondre sans me lâcher des yeux :

« - Très bien… Dans ce cas… Excuse-moi d’avoir été trop intrusif. Je ne m’immiscerais plus dans ta vie, c’est promis. »

Puis il me reprend par la taille et nous continuons de danser. Je devrais être soulagée par ses propos, mais intérieurement, mon cœur bat la chamade. Son regard est si profond… Il semble tellement chamboulé… Je n’arrive pas à déterminer ce qu’il ressent toutefois. Et je sens son odeur, la peau de sa paume de main contre la mienne… Son torse contre ma poitrine… La chaleur de son autre main posée dans le bas de mon dos… J’ai presque envie qu’il la descende encore un peu d’ailleurs… Ou qu’elle traverse le tissu…


Alors, la foule autour de nous s’évanouie, et nous ne sommes plus que tous les deux, dansant au milieu d’une grande salle vide. La musique nous englobe, comme dans une bulle, hors du temps. Plus rien n’a d’importance, nous sommes seuls au monde. Il n’y a que lui et moi, et l’électricité qui nous traverse par la peau de nos deux mains jointes. Et chaque autre contact provoque en moi une nouvelle décharge électrique que je ne maîtrise pas. Chaque échange de regard est intense, profond, lourd de sens. Le désir et l’attirance physique refont surface sans crier gare, telle une bombe qui vient m’exploser à nouveau à la figure.


Et puis, la musique s’arrête. La bulle autour de nous éclate, et la foule nous revient subitement, comme par magie. Après quelques instants encore en suspens, sans détacher son regard du mien, il prend ma main et y dépose à son tour un baiser, avant de tourner les talons et de partir, me laissant en plan au beau milieu de la piste, l’air incrédule et le cœur battant.

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