Chapitre 15 - Résignation ?
J’ai mal aux pieds tellement j’ai dansé ! Avec Lukas, puis avec un autre homme, et puis un autre… Tous ont été très charmants avec moi. C’est bien la première fois que je suis autant sollicitée pendant une soirée de gala, alors que je ne suis qu’une simple assistante. Il faut dire qu’habituellement, je ne suis pas là pour m’amuser, je suis donc très discrète et il est donc plutôt rare de me trouver sur la piste de danse avec les autres. Mais ce soir… La mise en lumière promise par le beau blond aurait-elle portée ses fruits ?
De son côté, Tristan ne m’a plus abordé de la soirée, mais j’ai senti son regard sur moi quasiment tout le temps. Après notre danse, il s’est volatilisé au milieu de la foule, et je ne l’ai pas vu durant plusieurs minutes. Puis, je l’ai aperçu par bribes dans la salle, en train de parler d’abord avec Nassim, puis avec quelques-uns de ceux avec qui j’ai pu partager un petit moment musical.
Il est tard, et la salle se vide petit à petit. Lukas Friedrich vient me saluer d’un baise-main sur les marches du perron lorsque je m’éclipse à mon tour, et promet de tenter par tous les moyens de me revoir très vite. Alors que je minaude d’un air aguicheur à sa remarque, Tristan se glisse derrière moi, les mains croisées dans le dos, l’air peu aimable. Il toussote pour signaler sa présence. Lukas lève les yeux vers lui, le salue poliment et s’éloigne ensuite en me lançant un dernier sourire. J’espère qu’il ne m’a pas cassé mon coup…
« - Je te raccompagne jusqu’à ta voiture, me dit-il, comme un ordre, en descendant les quelques marches qui nous sépare pour se mettre à ma hauteur.
- Je n’ai pas besoin de chapon, je rétorque, quelque peu remontée.
- J’insiste. »
Visiblement, je n’ai pas le choix. Son ton calme et posé m’impose cependant de garder le mien. Je me résigne et obtempère. Alors que je commence à descendre le grand escalier en soulevant légèrement ma robe d’une main afin de ne pas me prendre les pieds dedans, Tristan attrape mon autre main pour me venir en aide.
Surprise par ce nouveau contact qui provoque une nouvelle fois une décharge électrique entre nous, j’observe nos mains jointes à la volée, avant de relever très vite les yeux écarquillés vers son visage, qui reste de marbre. Trop absorbée par mon observation, je manque de louper une marche, mais je suis très vite ressaisie par sa poigne, que je sens forte et assurée contre ma paume de main.
Une fois devant mon véhicule, Igor, qui nous a aperçu au loin, est déjà prêt à m’ouvrir la portière, comme à son habitude. Je m’avance et m’engouffre à l’intérieur de l’habitacle.
« - On se voit demain, me dit-il simplement dans l’embrasure de la portière. Bonne nuit. »
Puis il fait signe à Igor qu’il peut refermer ma porte et tourne aussitôt les talons. A travers la vitre, je l’aperçois écarter les doigts avant de refermer son poing fermement, comme s’il venait de toucher quelque chose d’étrange.
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Le lendemain, nous avons rendez-vous avec le dirigeant d’une de ses succursales françaises dans son hôtel. Igor me dépose donc devant l’entrée, et je demande mon client à l’accueil. Je m’attends à ce qu’il me rejoigne ou qu’il m’attende dans sa suite, mais on m’indique qu’il patiente dans le living-room, et je me décide à le rejoindre, comme il en a fait la demande.
Lorsque j’arrive dans le petit salon, il est seul, assis dans un des fauteuils confortables, les jambes croisées, en train de consulter son téléphone. Lorsqu’il m’aperçoit, il se lève aussitôt.
« - Ah, bonjour. Je t’en prie, assieds-toi, me dit-il gentiment en rangeant son appareil. Je viens d’avoir mon collaborateur, il aura un peu de retard. Il s’excuse.
- Ah… »
Ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi. Il aurait pu me prévenir ! Cela m’aurait évité de me retrouver seule avec lui, au risque de devoir encore une fois aborder les sujets qui fâchent. Mais il n’en fait rien.
« - Veux-tu quelque chose à boire en attendant ? me demande-t-il aimablement. Un café ? Un thé ? »
J’accepte un café, et il passe commande auprès de l’hôtesse. Nous attendons silencieusement que celle-ci revienne avec nos breuvages, puis, tournant sa cuillère dans sa tasse, il me demande :
« - Ça va ? Tu as passé une bonne nuit ?
- Oui, merci, même si elle a été courte.
- Oui, pareil… Pas trop mal aux pieds ?
- Pardon ?!
- Je disais, tu n’as pas trop mal aux pieds, après avoir danser toute la soirée sur tes hauts talons ?
- Oh ! Euh… Si un peu, je dois l’avouer.
- Est-ce que cela se passe toujours de la sorte avec toi ? »
Je suis une nouvelle fois surprise par ses propos, mais je ne perçois aucune animosité dans sa question. Son ton est calme et aimable, son visage détendu. Aussi, après l’avoir dévisagé ouvertement, je finis par lui répondre tout de même.
« - En fait, non. D’habitude, je ne suis présente que pour épauler mon client, nullement pour faire le pitre et danser avec les autres invités ! »
Il rit doucement à ma réflexion, visiblement amusé.
« - Je suis désolé que tu ais été prise à partie comme cela…
- Oh non, ne le sois pas ! je le coupe précipitamment. Je me suis bien amusée, au contraire ! Ça me change…
- Tant mieux alors… »
Il paraît sincèrement ravi pour moi. Et je me sens soudain un peu gênée. Je ne comprends pas son revirement d’attitude. Aurais-je réussi à le résigner, et aurait-il enfin décider de me lâcher la grappe avec notre passé ? Je ne crois pas. Toutefois, même si je sens son regard fureter sur moi, il ne semble plus pour autant vouloir insister pour m’en parler. Je trouve cela presque étrange.
Assise face à lui, je l’observe à la dérobée. Je ressens encore la tension physique, presque excitante, de notre danse de la veille, et je doute qu’il n’ait pas ressenti la même chose, lui aussi.
Alors que je sens revenir cette pulsion palpable, le dirigeant se faufile jusqu’à nous en quatrième vitesse, essoufflé.
« - Ah, ouf, excusez mon retard, lance-t-il précipitamment en serrant la main de Tristan. Désolé, nous avons rencontré quelques bouchons. Mademoiselle, ajoute-t-il à mon attention.
- Ce n’est pas grave, Marc. Nous t’attendions autour d’un café. En veux-tu un également ?
- Non merci, c’est gentil, mais je crois que je suis déjà assez énervé !! »
Nous rions et Tristan l’invite à se joindre à nous. Puis les discussions financières (et barbantes pour ma part) commencent.
Je les écoute sans vraiment écouter. Mon esprit est ailleurs. Mes yeux vagabondent de temps à autre sur ce corps que je ne connais plus, mais qui attise pourtant encore une envie irrésistible. Il porte une chemise à manches courtes qui laisse apparaitre ses bras musclés et bronzés. Il semble très concentré, appuyé sur son coude, son index sur la joue. Ce qui lui donne un certain charme, je dois avouer.
Alors que je suis en pleine admiration, Tristan croise mon regard.
Meeerde ! Prise en flag’…
D’abord impassible, il me sourit légèrement puis fait comme si de rien n’était, se reconcentrant sur sa conversation. Je baisse aussitôt la tête et fais mine de prendre des notes. Je sens mes joues rosir de honte. Moi qui espérais qu’il cesserait enfin de vouloir renouer un lien ou de retenter sa chance avec moi, on ne peut pas dire que cela va beaucoup m’aider… Bravo Lola…
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Après des discussions quelques peu animées entre Marc et Tristan, le rendez-vous s’achève avec des solutions apportées et des objectifs à tenir, scellés par une poignée de mains. Tristan propose de partager ensemble un repas, mais Marc se lève et s’excuse de ne pouvoir rester plus longtemps, ayant déjà du retard sur son planning. Puis il me salue à mon tour et s’éloigne rapidement vers la sortie.
Me voilà encore seule avec mon client. L’image de son regard ayant surprit le mien me revient, et je sens que je vais de nouveau piquer un phare malgré moi. Je baisse donc les yeux et rassemble mes affaires sans un mot.
« - C’est ballot, dit-il soudainement, me faisant sursauter. En fait, j’avais déjà réservé une table au restaurant de l’hôtel… Je pensais vraiment inviter Marc… je ne savais pas qu’il était à ce point débordé… »
Il semble pensif, presque perturbé par ce point. Je le regarde en silence. Je ne sais que répondre à cette constatation.
« - Il faudrait que j’analyse sa charge de travail… continue-t-il, le regard dans le vide, tout à ses pensées. Peut-être voir avec lui pour embaucher une assistante…
- Cela pourrait effectivement l’aider, je pense…
- Oui… C’est important de ménager son personnel. Il ne faut pas les surcharger, au risque d’empiéter sur leur santé.
- En effet. C’est un bon raisonnement. »
Il me regarde d’un air satisfait, puis ressors son téléphone de sa poche.
« - Bon ! Bah du coup, j’ai réservé pour rien… A moins que… ajoute-t-il en stoppant son pianotage et en me regardant du coin de l’œil. Si tu es dispo… Il me semble que nous n’avons rien de prévu cette après-midi, alors… »
C’est bien ce que je pensais : Il n’a pas vraiment lâcher l’affaire avec moi… Cependant, ayant été prise en flagrant délit de matage en règle, je ne peux décemment pas refuser. Nous déjeunons donc à deux, tout en finalisant certains points pour les jours à venir, en tout bien tout honneur et en bons professionnels que nous sommes.
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