Chapitre 18 - Confidences

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***

Il n’en revient toujours pas.

Il reste là, planté au beau milieu de la nuit en bas de son bâtiment, les bras ballants, une main sur sa joue, un sourire béat au visage. Elle l’a fait ! Elle lui a donné un bisou. Lui qui n’y croyait plus, après son erreur débile sur le bateau…

Aurait-il finalement réussi à ranimer l’étincelle entre eux ?


Au bout de quelques minutes, figé de stupeur, d’incompréhension, mais aussi de bonheur, il finit par reprendre ses esprits, et se retourne enfin vers le véhicule. Le chauffeur l’attend, debout devant la portière, qu’il ouvre lorsqu’il s’approche. Il croit apercevoir rapidement un léger sourire en coin sur son visage, avant de s’engouffrer dans l’habitacle. Vu le sien, de visage, niais de joie et d’allégresse, ce ne serait pas étonnant qu’il se moque un peu de lui.

Le début du trajet est silencieux. Il est plongé dans ses pensées. Il revit encore et encore ce moment magique où il a pu de nouveau sentir la douceur de ses lèvres sur sa peau, en caressant sa joue comme pour retenir cette sensation. Il ne s’y attendait pas. Jamais il n’aurait espéré ce geste de sa part. Il pensait tellement avoir perdu toutes ses chances ! Mais voilà qu’elle lui redonne un espoir qu’il n’osait entrevoir.

Dans le rétroviseur intérieur, il perçoit les coups d’œil furtifs du chauffeur. Il se souvient alors qu’il travaille pour elle depuis un moment, et comprend sa curiosité. Il doit probablement la connaître mieux que quiconque. Il ne dit pas un mot, mais son sourire en coin veut tout dire. Il lui sourit en retour, un peu complice.

« - Tout va bien, monsieur ? lui demande finalement le conducteur.

- Oui, merci Igor.

- Monsieur aurait-il besoin d’un remontant ? »

Surpris par sa proposition, il reste d’abord muet, la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Puis il commence à en rire.

« - C’est gentil, Igor, mais ça ira. Je pense avoir largement assez bu ce soir !

- Bien, monsieur. Je disais cela pour vous aider à vous remettre de vos émotions.

- Oui, j’ai bien compris, lui répond-il gentiment, en riant. C’est vraiment gentil à vous. »

Puis il replonge quelques instants dans ses réflexions. Et soudain, il lui vient une question.

« - Igor ?

- Oui, monsieur ?

- C’est peut-être indiscret, mais… J’avais une question à vous poser.

- Je vous écoutes, monsieur.

- Agit-elle de la sorte avec tous les hommes qui la raccompagnent chez elle ?

- Non, monsieur. C’est la première fois que je la vois se comporter ainsi.

- Ah…

- Habituellement, elle en vient directement aux faits avec les hommes qui l’intéressent, ajoute-t-il tout naturellement. D’ailleurs, elle accepte rarement qu’ils la raccompagnent jusqu’à son appartement. Le plus souvent, je la récupère au petit matin, au logement de celui avec qui elle a décidé de passer la nuit. »

Il reste silencieux face à cette révélation. Le photographe avait donc raison : elle n’entretient que des relations d’un soir. Intimes, certes, mais sans lendemain.

« - Est-ce que cela rassure monsieur ? lui demande-t-il soudain, le tirant de ses pensées.

- Pardon ?!

- Oh, veuillez m’excuser, monsieur. Cela ne me regarde pas, je suppose…

- Non, non, je vous en prie, ce n’est pas grave ! Vous êtes son chauffeur depuis longtemps, je crois, non ?

- En effet, monsieur.

- Il est donc normal que vous vous souciiez d’elle. Je vais par conséquent répondre à votre question. »

Il se racle la gorge, un peu gêné.

« - Alors. Est-ce que le fait qu’elle ne se comporte pas de la sorte avec tous les hommes me rassure ? Oui. Cela me rassure en effet. Ou plutôt… Cela me redonne espoir.

- Monsieur serait-il intéressé par mademoiselle ?

- Pour être tout à fait honnête… Oui, je l’avoue, oui. Mais je crois n’avoir aucune chance avec elle, en vérité…

- Par rapport à votre ancienne liaison ? »

Surpris, il relève la tête pour fixer le chauffeur à travers le rétroviseur.

« - Vous… vous savez ??

- Je suis à son service depuis plus de dix ans, monsieur. Alors oui, je suis au courant. J’étais présent au début de sa carrière, je l’ai vu sombrer, puis se relever lentement mais sûrement de votre séparation. Je l’ai aussi parfois retrouvé au fond du trou, dans ma voiture. Et, dans ces moments-là, les longs trajets sont souvent propices à la confidence, vous savez…

- Evidemment… »

Un silence lourd et pesant s’installe alors. L’a-t-il déjà jugé et condamné par avance ? Doit-il se justifier auprès de lui également ?

« - Je dois avouer cependant… continue le chauffeur. Que cela fait bien longtemps que je ne l’ai pas vu aussi perturbée à cause d’un homme. C’est comme si… Elle perdait de nouveau tous ses moyens, son assurance, face à la gent masculine.

- Est-ce un bon point ?

- Si cela sous-entend qu’elle n’envisage pas qu’une simple histoire sans lendemain, comme avec les autres… Alors oui, c’est bon signe. »

Il se sent subitement revigoré.

« - Il convient toutefois, ajoute l’homme au volant, sur un ton plus sec. De ne pas jouer encore une fois avec ses sentiments. Bien entendu.

- Je n’en ai pas l’intention, je vous le promets. Moi aussi, j’en ai souffert… Et si je suis ici aujourd’hui, ce n’est pas pour recommencer la même bêtise, je vous l’assure. J’ai compris la leçon, croyez-moi…

- Alors dans ce cas… Tout est dit. »

***


Mais qu’est-ce qui m’a pris ???

Je déambule dans mon salon, mes doigts massant mes tempes frénétiquement. Lola, tu es complètement stupide… Comment as-tu pu céder à une pulsion aussi ridicule et inconsciente ??

C’est malin… Maintenant il va se faire des films, c’est certain ! Quelle grossière erreur… Pourquoi ai-je fait ça, d’abord ?? Quelle mouche a bien pu me piquer pour que je prenne soudain l’initiative de lui faire un bisou ? Sur la joue, certes, mais un bisou quand même !! Un bisou si doux…

C’est sa faute, aussi !! Il était là, à me regarder de son regard de braise… avec son visage d’ange… Et son sourire si sexy…

Non ! Stop, stop, stop ! Tu es complètement maso ma fille ! Tu ne te souviens donc pas de l’état dans lequel il t’a laissé la dernière fois ?? Es-tu assez bête pour retomber dans tes travers de romantique invétérée ?

Je m’arrête net face à la fenêtre, regardant au dehors la nuit étoilée, les mains sur les hanches. Que dire de cette merveilleuse soirée, pourtant ? Et ce diner, nos discussions semblant si naturelles… Il a fourni pas mal d’efforts pour ne pas reparler de notre séparation, j’en suis consciente. Et il avait l’air tellement désolé de m’avoir replongée dans des souvenirs douloureux… Ce n’était pas son but, j’en suis certaine.

Je comprends sa démarche : Pour moi aussi, certains moments me ramènent à des instants passés ensemble. Parfois, j’ai l’impression de le revoir tel qu’il était il y a quinze ans. De retrouver en lui ce qui m’a séduite à l’époque. Son rire, ses bêtises, sa bonne humeur… Mais est-il toujours le même homme ? Celui que j’ai tant aimé ? A-t-il changé aujourd’hui ? En bien ou en mal ? Va-t-il encore m’abandonner si je cède une nouvelle fois à la tentation ? Tout ceci reste encore trop vague pour ma part.

Même si je dois avouer que j’ai passé un excellent moment en sa compagnie.

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