Chapitre 20 - Souvenirs, Souvenirs

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Ce matin-là, nous travaillons tous les deux sur nos PC respectifs dans mon bureau. Dans une ambiance studieuse, chacun prépare sa semaine prochaine : moi son planning, et lui ses différentes réunions.

« - Ah Tristan, tu n’as pas confirmé ta conf’call avec HG Industrie pour jeudi prochain, je lui lance par-dessus mon écran.

- Ah oui, c’est vrai… Il me semble avoir un Co-Dir ce même jour, non ? me demande-t-il en retour, toujours concentré sur son ordinateur.

- Oui en effet, avec New York. Mais avec le décalage horaire, il faudra la faire tôt le matin, et la conf’call est normalement programmée pour quatorze heures, donc ça devrait… »

Soudain, nous sommes interrompus par une cacophonie quelque peu dérangeante venant du dehors. Tristan relève le nez de son écran en fronçant les sourcils, puis me regarde d’un air interrogateur. Je hausse les épaules d’incompréhension, et un nouveau bruit sourd et des cris se font entendre. Aussitôt, Tristan se lève d’un bond et se dirige précipitamment vers la fenêtre. Je lui emboite rapidement le pas pour venir me planter à côté de lui, face à la vitre extérieure.

Deux étages plus bas, nous apercevons trois agents d’entretien en grande discussion autour d’un tracteur tondeuse. L’un d’eux, le plus jeune, assis au volant, peine à faire reculer l’engin, donnant des à-coups prononcés et manquant de chuter du véhicule à tout moment. Il n’a visiblement pas le contrôle de sa monture. Le deuxième, à priori le chef, vocifère en le regardant, faisant de grands gestes pour montrer son mécontentement : Son jeune apprenti vient de tondre par mégarde le beau massif de fleurs qui trônait devant l’entrée du bâtiment, et de finir sa course en équilibre sur le muret bordant les escaliers en béton.

Je ne peux m’empêcher de pouffer de rire devant ce spectacle plutôt risible, me cachant la bouche avec ma main pour ne pas paraitre impolie.

« - On dirait Gaëtan à la ferme ! pouffe à son tour Tristan.

- Oh mais oui, carrément ! Je m’enquière aussitôt, riant de plus belle.

- Tu te souviens comment il avait défoncé la barrière du père de Sasha ? Il était d’une rage !

- Gaëtan avait certifié qu’il savait conduire son engin, alors que c’était totalement faux !

- Il a fait pas mal de dégâts ce jour-là !!

- Oh oui ! Et il ne maîtrisait tellement rien, qu’il avait même fini par se manger le pilonne dans la rue !! je renchéris.

- C’est le seul moyen qu’il avait trouvé pour s’arrêter !! Ha ha !

- Ha ha ha ! C’est vrai d’un sens ! je m’esclaffe, au bord des larmes.

- Tu sais qu’il a gardé une sacrée cicatrice de cette histoire ?

- Tu m’étonnes ! Le pauvre ! Il était mal en point quand même !

- Sans parler des coups de pied au cul que le père de Sasha lui a foutu ensuite !! »

Nous rions tellement, appuyés sur le rebord de la fenêtre, que nous n’entendons pas arriver Esther, qui nous observe d’un air étonné.

« - Ah bah ça rigole bien ici, à ce que je vois ! s’exclame-t-elle, nous faisant sursauter.

- Ah, c’est toi ! je constate en me raidissant. Non, mais, c’est juste que…

- Viens voir, tu comprendras ! » lui lance Tristan.

Elle s’approche à son tour de la vitre et aperçoit le manège en contre-bas.

« - C’est donc ça qui vous met dans cet état ! nous dit-elle après un gloussement également.

- Oui ! je lui réponds en repartant doucement en fou rire.

- En fait, ça nous a rappelé la mésaventure d’un copain à l’époque ! intervient Tristan, toujours secoué de spasmes.

- Aaaaah, je vois… » rétorque-t-elle en me fixant du regard avec un petit sourire en coin malicieux.

Et soudain, je tilte : Je suis prise en flagrant délit d’un bon moment de nostalgie en compagnie de mon ex. Moi qui avais juré ne plus vouloir de rapports autre que professionnels avec lui… C’est loupé. Et Esther l’a visiblement bien remarqué ! Ses yeux pétillants m’indiquent très clairement qu’elle a bien saisi ce qu’il se passe actuellement. Mal à l’aise, mon fou rire s’estompe instantanément.

« - Hum, hum… Oui, bon… Bref. On ne va pas rester là, à les observer toute la journée quand même… Ce ne serait pas très discret !

- Mais c’est tellement drôle ! renchérit Tristan, encore dans son fou rire.

- Certes ! Mais ce n’est pas comme ça que nous avancerons dans notre travail, cela dit… » je rétorque en retournant à mon bureau.

Étonné par mon brusque changement de ton, Tristan me regarde d’un air interrogateur. Je baisse les yeux, sentant toujours le regard amusé et malicieux de ma collègue, qui me fixe les bras croisés. Il remarque alors son sourire en coin, et nous observe à tour de rôle, semblant finalement comprendre l’origine de mon malaise.

« - Hum… Oui, tu as raison, tente-t-il alors, en fourrant ses mains dans ses poches. Remettons-nous au travail et refermons cette petite parenthèse plutôt comique.

- Café ?? lance subitement une Esther visiblement d’humeur espiègle.

- Ah oui, tiens ! Volontiers ! lui répond Tristan gaiement. Lola ?

- Hein ? Euh… »

Je croise furtivement les yeux de Esther, et je devine aussitôt que sa proposition est intéressée. Je sens le piège se mettre en place, et je n’aime pas trop ça…

« - Rooh allez ! me lance Tristan. Après de telles émotions, une petite pause s’impose ! ajoute-t-il avec un clin d’œil (ce qui n’a pas échappé à ma chargée de communication).

- Bon… Très bien. Va pour un café alors. »


Nous nous dirigeons donc vers la machine pour nous servir en boissons.

« - Alors ? reprend Esther après avoir récupéré son gobelet. C’est quoi cette histoire dont vous vous êtes souvenu en regardant les jardiniers ? »

J’en étais sûre ! Elle m’a tendu un piège ! Contrariée, je lui lance un regard noir emplit de reproches, la mâchoire crispée.

- Oh, lui répond Tristan en touillant son café avec un petit sourire. C’est juste un copain de l’époque qui avait fait croire à un fermier, qui s’avère être le père d’un autre pote, qu’il savait conduire les engins agricoles. Sauf qu’en fait, pas du tout ! Et du coup, il a fait des dégâts parce qu’il ne maîtrisait rien ! Il a même fini sa course dans un pilonne électrique !

- Ah oui ok, ha ha ! Ça avait l’air drôle en effet ! ricane Esther. Tu ne m’avais jamais raconté cette anecdote, Lola ! »

Surprise, je manque de m’étouffer avec mon breuvage, et la fusille du regard.

« - Pourquoi aurait-il fallu que je te raconte ça ?? Raconter ça comme ça, ça n’a aucun sens…Il faut le contexte avec, voyons !

- Oui, c’est vrai, me répond-elle tout sourire. Vous en avez d’autres, des histoires comme celle-ci ?

- Oui…

- NON ! »

Nous avons répondu en même temps, mais nos réponses différentes laissent Esther perplexe, un peu perdue. Tristan me fixe également d’un air d’incompréhension.

« - Non, je continue précipitamment avant qu’il n’intervienne. Pour le moment, on n’en a pas. Mais si l’occasion se présente, on ne manquera pas de te le dire ! D’accord ? »

Je ne suis pas sûre d’avoir été très convaincante, mais le regard mauvais que je lance à ma petite curieuse lui coupe l’envie d’insister.

« - OK… me répond-elle, penaude, avant de finir son gobelet. Bon ! Eh bien… Je vais vous laisser alors !

- Attends, je la rattrape aussitôt. Nous avions des choses à voir ensemble, il me semble, non ?

- Hein ?!?

- Mais si voyons ! Tu m’en avais parlé hier, il me semble, j’insiste en la fixant d’un air réprobateur.

- Euh… Ah oui, en effet ! C’est d’ailleurs pour ça que j’étais venue, à la base ! Ha ha ! »

C’est un mensonge, mais peu importe. Je l’attrape précipitamment par le bras et nous emmène au pas de course vers son bureau, le plus loin possible de Tristan.

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