Chapitre 26 - Week-end en Famille

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Ce vendredi soir, je m’apprête à partir en week-end chez ma mère, ma valise m’attendant déjà dans le coffre de ma voiture de fonction. Alors que je prends mon sac à main pour m’en aller rejoindre mon chauffeur, la sonnerie de mon smartphone retentie.

« - Allo ? Oui maman, j’allais partie justement… »

Tristan relève la tête subitement, alors que je commence à m’éloigner, le téléphone devant moi, en appel visio.

« - Tu t’en vas ? me demande-t-il, étonné.

- A-Attends deux minutes - Oui. Je vais rendre visite à ma mère, je lui réponds en baissant le ton pour atténuer ma voix et détournant l'écran, espérant que ma mère n'y prête pas attention.

- Ah ? Tiens ! Ça fait un bail que je ne l’ai pas revu, elle aussi ! Je l’aime bien en plus, ta mère ! »

Super… Ça me fait une belle jambe…

« - Euh… Oui, je lui réponds, un peu perplexe. En effet… Eh bien… Je lui passerai ton bonjour, dans ce cas.

- Ah… »

Il semble extrêmement déçu. Je fronce les sourcils, essayant d’en comprendre la raison.

« A qui parles-tu ?? » entend-on de l'autre côté de l'écran.

« - A personne, maman ! je tente de me justifier en reprenant le téléphone face à moi.

« Ne te fiches pas de moi ! Tu es encore au bureau c'est ça ?? C'est ton client qui est avec toi ??

« - Oui, enfin non, enfin... C'est Tristan - EUH, mon client oui... Bon écoutes maman, je...

« Tristan... LE Tristan ?? »

« - Bonjour Catherine ! » lance celui-ci en passant derrière moi, faisant un grand signe de la main à l'écran de mon smartphone sur lequel il aperçoit alors le visage de ma mère.

Je soupire, plaquant ma main libre sur mon visage pour me cacher, mortifiée.

« - T’es sérieux ?! je lance à Tristan dans un murmure à peine audible. - Oui, maman... C'est le Tristan que tu connais, oui... »

« Pas possible ?! Bah ça alors ! Si je m'attendais ! Je suis contente de te revoir, Tristan ! Ça fait un bail !! Comment vas-tu ? »

« - Oui, bon... Maman, si tu veux que je prenne la route, je vais devoir te laisser, là... »

« Ah oui, bien sûr... Ah mais attends ! Tu n'as qu'à l'inviter !! »

QUOI ?!?

« - Hein ?? je m'exclame, horrifiée.

« Bah oui ! Il n'a qu'à venir avec toi à la maison, il y a assez de place ! Et comme ça, nous aurons tout le loisir de discuter ensemble ! Alleeez, viens Tristan ! Nous t'attendons avec impatience ! Allez ! A tout à l'heure ma chérie ! Bisous bisous »

Et elle raccroche, me laissant la bouche grande ouverte, incrédule, devant mon écran noir.

« - Non mais sans blague ?! je m'offusque en me retournant vers Tristan. Tu es quand même gonflé, toi ! Ça ne te dérange pas de t’imposer comme ça ?? Surtout chez ma mère !!

- Je n'y suis pour rien ! se défend-il rapidement. C'est elle qui m'a invité !! Elle m’aimait bien aussi, à l’époque , c'n'est pas ma faute...

- Bah voyons !! je réplique, une main sur la hanche. Je te supporte déjà la semaine, et je vais en plus devoir te supporter aussi ce week-end ?!

- Je ne pensais pas être d’une aussi mauvaise compagnie pour toi… me dit-il en se renfrognant et en fronçant les sourcils, vexé.

- Tu sais très bien ce que je veux dire… je souffle en me massant le front, passablement agacée par la situation.

- Bon... On y va ? s'impatiente-t-il tout sourire. Ta mère va nous attendre ! »

#

Et c’est ainsi que nous retrouvons Igor sur le parking, après la confirmation par sms de l'invitation de ma mère, apparemment enthousiaste à l’idée de revoir mon ex petit-ami. Comme chaque week-end en famille, c’est donc mon chauffeur qui me conduit dans la résidence à la campagne, et qui viendra me récupérer le lundi matin suivant. Nous nous dirigeons donc vers la nouvelle demeure de ma génitrice, après un petit détour par l’appartement de Tristan pour faire sa valise.

Durant le trajet, je commence à paniquer. Cela fait des années qu’il n’a pas revu mes parents… Il n’est donc pas au courant… Je me dois de lui expliquer la situation avant notre arrivée, avant qu’il ne fasse une boulette.

« - Je suis content de pouvoir revoir tes parents ! s’enthousiasme-t-il.

- Oui… Euh… Ma mère, tu veux dire ?

- Oui, ta mère, pardon ! Et d’ailleurs, pourquoi « ta mère » seulement ? »

Voilà l’occasion de tout lui raconter.

« - Eh bien… Tu sais, il s’en est passé des choses en ton absence… Tout comme toi avec ton père.

- Ah bon ?

- Bon, dis-je avant de prendre une profonde inspiration. Pour te la faire courte : Mon père a perdu son emploi après un licenciement économique. Il a sombré dans l’alcool, a fait une grosse dépression, et ma mère a fini par le quitter. Pendant un de ces mauvais jours, il a fini par faire un coma éthylique en prenant des cachets en plus de l’alcool. Il est aujourd’hui six pieds sous terre. Quant à ma mère, elle s’est remariée avec un politicien haut placé, avec qui elle vit désormais dans sa grande villa à la campagne. Voilà. Tu sais tout. »

Il me regarde, hébété, scotché par mes révélations.

- Ah… Euh… je ne sais que dire… Mes condoléances pour ton père…

- Merci. C’était il y a longtemps maintenant… C’est derrière moi.

- Quand même… Je suis désolé… »

Il semble plus abattu que moi !

« - Merci de m’avoir prévenu, ajoute-t-il doucement, avant de se replonger dans la contemplation du paysage qui défile, l’air absent.

Après une bonne heure de route, nous arrivons enfin à la villa, au beau milieu d’un bois. Alors que je rassemble mes affaires dans le véhicule qui s’avance dans la grande allée, je m’aperçois que Tristan reste bouche bée devant le décor qui se dévoile lentement devant nous. Je souris pour moi-même. Il ne devait pas s’attendre à cela, certainement !

Catherine nous attend déjà sur le perron, un large sourire figé au visage. Elle trépigne, je le vois bien. Igor sort de la voiture et m’ouvre la portière, mais alors que je balance mes jambes en dehors, je me retrouve subitement avec la main tendue de Tristan devant les yeux. Sans réfléchir, j’y dépose la mienne et il m’aide à me relever, un petit rictus enjôleur au coin des lèvres.

Maman se précipite vers moi et m’enlace tendrement, puis se retourne vers Tristan, les bras grands ouverts, pendant que je salue mon beau-père qui vient de nous rejoindre.

« - Tristan ! Comme je suis contente de te revoir !! s’exclame-t-elle en l’enlaçant à son tour. Ça fait tellement longtemps !! Comme tu as grandi ! Et comme tu es beauuu !! Hein, qu’il est beau, Lola ?! »

Je sursaute, prise au dépourvu.

« - Hein ?! Heum… Oui… C’est vrai… Enfin, euh… Hum, hum. Bon ! Et si tu lui faisais une petite visite guidée, hein maman ? »

Bien joué, Lola ! Bonne diversion !

Mon beau-père, Christian, me jette un rapide coup d’œil, et bizarrement, je le soupçonne d’avoir capté. Il me sourit légèrement, et je détourne aussitôt les yeux pour éviter de soutenir son regard amusé.

Après une visite détaillée des lieux, ma mère nous indique nos chambres respectives, où nos valises ont déjà été déposées par Igor avant de partir. Comme par hasard, elle nous a placé l’un en face de l’autre…

Puis elle nous invite à passer à table. Pour l’occasion, elle a mis les petits plats dans les grands. Tristan et maman s’entendent toujours bien, à l’évidence. La maîtresse de maison ne cesse de parler et de ressasser nos années d’adolescents. Je me sens mal à l’aise à l’évocation furtive de notre ancien couple, et je préfère ne pas intervenir pour laisser la conversation animée entre ces deux-là revenir sur des souvenirs moins douloureux. Je croise le regard de Christian, qui ne dit rien non plus, mais semble scruter la moindre de mes réactions.

A la fin du repas, j’aide ma mère à débarrasser, et nous nous retrouvons toutes les deux dans la cuisine, laissant les hommes entre eux dans la salle.

« - Wow ! C’est incroyable de retrouver Tristan comme ça, tu ne trouves pas ? me lance ma mère, tout en joie.

- Euh… Oui… Incroyable, comme tu dis…

- Oh oui, pardon ma chérie… se reprend-elle en s’apercevant de ma contrariété. C’est vrai que pour toi, ça n’a pas dû être facile… Ça a dû te faire bizarre, n’est-ce pas ?

- Oui… je soupire, perdue dans mes pensées. Mais je suis passée à autre chose depuis bien longtemps, tu sais ! je me reprends rapidement. Ça ne me fait plus rien désormais.

- Ah. Bon… Tant mieux alors. En tout cas, je suis impressionnée par l’homme qu’il est devenu ! Tu te rends compte ?! Un grand homme d’affaire ! Si j’avais su, à l’époque ! Ha ha ! En plus, il est plutôt bel homme, n’est-ce pas ?

- Maman… » je souffle d’un air agacé, en levant les yeux au ciel.

Lorsque nous revenons dans la salle, les hommes sont installés dans les fauteuils du salon adjacents, un verre de digestif à la main. Ma mère sort deux autres verres, s’en sert un et me tend le deuxième, puis sort des carrés de chocolat aromatisés. Tristan se renseigne sur son hôte, et les discussions tournent autour de la finance et de la politique.

L’heure tourne et la fatigue de la semaine, mêlée à l’alcool, se fait sentir. Je m’excuse auprès de tous et monte l’escalier menant aux chambres. Arrivée sur le palier, je crois déceler des bruits de pas précipités derrière moi.

« - Lola ? m’interpelle Tristan dans un chuchotement, avant de gravir les dernières marches pour me rejoindre. Lola, je voulais te remercier d’avoir accepté de m’amener ici.

- Ouais… Bah j’n’ai pas vraiment eu le choix, en vérité… je lui réponds en jouant l’offusquée.

- Oui… Ce n’est pas faux… Désolé…

- Bah ! Ce n’est pas grave… Au moins, il y en a une qui est contente de ta présence !

- Ha ha ! Ta mère est toujours aussi charmante, oui ! »

Pendant quelques instants, un rire amusé et complice nous unis de nouveau.

« - Bien, je reprends afin d’éviter que le malaise ne s’installe. Bon… Eh bien… Si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais en face. Bonne nuit ?

- Oui, merci. Bonne nuit à toi également, Jolie…

- Non ! je le coupe précipitamment. S’il-te-plait… Pas ici…

- Oui, bien sûr… Désolé… Bonne nuit, Lola » se reprend-il doucement, avant de me fixer.

Son regard intense est de nouveau en train de faire vaciller mes défenses. Mon cœur s’emballe et je sens mon souffle se saccader. Son visage est si doux, si séduisant… Et la façon qu’il a de prononcer mon prénom…

Oh purée ! Non ! Lola, ne flanches pas !!

Je me racle la gorge et baisse les yeux avant de me retourner rapidement pour entrer dans ma chambre attitrée, dans laquelle ma mère a rassemblé quelques souvenirs d’enfance depuis son déménagement.

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