Chapitre 27 - Retour à Nos Années Bonheur
Le lendemain, en rejoignant les hôtes dans la salle à manger pour le petit déjeuner, ma mère m’annonce qu’ils doivent aller à une brocante cette après-midi, dans le cadre de l’activité politique de Christian. Elle insiste sur le fait qu’elle doit également y participer, dans l’intérêt de son mandat, et que nous pouvons également les accompagner si nous le souhaitons. En attendant, elle m’informe qu’elle et son mari partent faire quelques courses ensemble, mais qu’ils seront très vite de retour.
Je me retrouve donc seule avec Tristan, encore une fois. Je soupçonne d’ailleurs ma mère d’avoir provoqué cette situation, mais qu’importe. Le beau temps est au rendez-vous et je décide de profiter de leur piscine creusée.
Alors que je bulle sur mon transat en bikini, me délectant des rayons du soleil, Tristan rentre de son footing matinal. A travers mes lunettes de soleil, je l’observe à la dérobée. Vêtu d’un short de sport et d’un marcel, ses écouteurs dans les oreilles et suintant de sueur, il est encore plus séduisant…
« - Ah ! Tu es là ! me lance-t-il lorsqu’il s’aperçoit de ma présence, en retirant un de ses écouteurs.
- Bonjour, je lui réponds sans bouger un orteil. On ne t’a pas vu ce matin, au petit déjeuner.
- Non, j’étais réveillé tôt alors je suis parti faire mon footing tout de suite, en attendant que tout le monde soit réveillé. Mais le domaine est tellement grand ! Je n’ai pas vu le temps passer, et je me suis un peu perdu, je l’avoue ! Désolé. Je vais m’excuser auprès de Catherine de ce pas d’ailleurs, parce que ce n’était pas…
- Ce n’est pas la peine, ils sont partis depuis longtemps, je le coupe aussitôt.
- Ah bon ?? Ils ne nous ont rien dit hier soir, pourtant…
- Non, en effet… Ils avaient quelques courses à faire, et Maman avait soi-disant « oublié » de nous prévenir, lui dis-je en mimant les guillemets avec mes doigts.
- Ah… OK.
- Mais elle t’a tout de même préparé ton petit déj’, j’ajoute. Un bol de café au lait, deux tartines au beurre et un grand verre de jus d’orange. C’est toujours ça ?
- Ha ha ! Oui, toujours. Ta mère est vraiment incroyable ! Elle n’a pas beaucoup changée de ce côté-là, je trouve !
- Mouais… Moi je ne trouve pas ça très drôle mais bon… je feins de m’agacer.
- Bon… Eh bien… continue-t-il, les mains sur les hanches. Dans ce cas… Je vais prendre mon petit-déjeuner, une douche vite fait, et j’arrive ! »
« J’arrive » ?? Mais… Je n’ai rien demandé moi, hein !
Après quelques minutes, alors que je commence à m’assoupir, bercée par les rayons chauds, Tristan s’amène soudain en courant et pique un énorme plongeon dans la piscine, m’aspergeant totalement au passage.
« - HHHHAAANNN !!!! » je m’écris en me redressant précipitamment, les bras écartés, trempée comme une soupe.
Sortant la tête de l’eau, le coupable éclate de rire en apercevant mon visage indigné.
« - Je ne trouve pas ça drôle !! Je m’offusque en tordant ma tignasse dégoulinante.
- Moi si ! Ha ha ha !!
- Ah oui, ah bah ça… Je n’en doute pas !
- Roooh allez, elle est bonne, non ?
- Pft… je siffle en haussant les épaules d’un air désinvolte.
- Tu ne vas pas me faire croire que ça ne fait pas du bien, par une chaleur pareille !
- J’étais en pleine séance de bronzage, et tu viens de tout gâcher !! Sans parler de mes cheveux ! »
A ses mots, il fronce les sourcils, prend son élan et se hisse à la force des bras sur le rebord de la piscine. L’eau qui ruisselle sur sa peau mate reflète le soleil et lui donne un côté hyper sexy, à la « Alerte à Malibu ». Je déglutis difficilement, soudain hypnotisée par ce corps d’athlète.
« - Ne me dis pas que tu ne sais plus t’amuser, Lola Terramare ! me lance-t-il avec un sourire malicieux, avant de se précipiter sur moi pour m’attraper, une main sous mes jambes et l’autre dans mon dos.
- Mais qu’est-ce que… AAH !! NON ! Non, Tristan, ne fais pas ça !!! je crie alors en me débattant.
- Allez, hop ! A l’eau !! » s’exclame-t-il, avant de me jeter littéralement dans la piscine.
Entièrement immergée, je l’entends plonger à son tour pour me rejoindre. J’aperçois alors ses cuisses musclées qui se dévoilent à mesure que les bulles se dispersent. Puis son entre-jambes… Finalement prise d’un hoquet à cette vision alléchante, je manque de boire la tasse, et je prends finalement appui dans le fond pour me hisser hors de l’eau avant de reprendre mon souffle. Après m’être essuyé le visage et avoir plaqué mes cheveux en arrière pour y voir clair, une tête sort à son tour de l’eau près de moi.
« - Tristan, je te déteste ! je lui balance, en souriant finalement malgré moi, le faisant éclater de rire.
- Ha ha ! Je suis ravi de te l’entendre dire ENFIN ouvertement ! »
Surprise par sa réaction, je ne peux réprimer un rire franc et sincère.
« - Tu vas voir de quel bois je me chauffe ! » je m’exclame ensuite avant de me précipiter sur lui pour tenter de le noyer.
Alors que nous chahutons tous deux dans la piscine, riant aux éclats comme deux gamins, ma mère pointe son nez sur la terrasse et nous surprend.
« - Bah dites donc ! On s’amuse bien à ce que je vois ! »
Pris en flagrant délit, nous nous regardons d’un air penaud, un sourire complice s’affichant sur nos visages retrouvés d’adolescents.
***
C’est la première fois depuis son retour qu’ils sont aussi proches, tant physiquement que moralement.
Quand il est rentré de son footing, et qu’il a aperçu son corps de rêve allongé sur le transat, il a senti une bouffée de chaleur l’envahir. Heureusement, sa sueur cachait lamentablement ses ardeurs… Alors, il n’a pu s’empêcher de vouloir la rejoindre pour tenter de détendre l’atmosphère entre eux (et profiter de la vue, par la même occasion).
Quel délice de sentir à nouveau sa peau douce entre ses mains ! En jouant ainsi comme deux enfants, il a d’ailleurs pu redécouvrir ses formes, avec l’excuse de chahuter. Et son rire… Toujours aussi communicatif. Il est rassuré, il a enfin l’impression qu’elle se déride un peu avec lui, retrouvant ses réflexes d’adolescente enjouée de l’époque.
Pendant ce moment presque intime, il a cru apercevoir une lueur de désir dans ses yeux. Un espoir pour lui…
***
J’avais de nouveau seize ans. L’espace d’un instant, j’ai retrouvé le garçon amusette et farceur de mon adolescence. Celui qui m’a fait craquer. Lorsqu’il m’a pris dans ses bras, ses mains sur ma peau m’ont donné des frissons. Et, prise dans le feu de l’action, je ne me suis pas offusquée de les sentir glisser sur mon corps avec toujours autant de douceur et de tendresse qu’autrefois, pendant que je tentais de lui faire boire la tasse en retour.
Ce petit moment de complicité retrouvé m’a un peu détendu, et c’est finalement avec joie que je partage le reste du week-end avec lui chez ma mère. Je remonte le temps, suspendu à une époque révolue mais tellement agréable. J’ai presque oublié les raisons qui me poussent à le haïr.
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L’après-midi, j’ai finalement décidé d’accompagner ma mère et mon beau-père à leur brocante, afin de prendre un peu l’air et de me changer les idées. Lorsque Tristan annonce vouloir lui aussi se promener et sortir un peu, ma mère jubile littéralement.
Nous déambulons donc dans les rues au grès des stands, maman et Christian ouvrant la marche et s’arrêtant régulièrement pour serrer des mains poliment. Tristan se balade à mes côtés les mains dans les poches, tout guilleret, habillé de façon beaucoup plus décontracté qu’à son habitude. Il porte un t-shirt à l’effigie d’un groupe de pop-rock bien connu, et un short de golf en jean couleur camel, mais sa prestance émane inconsciemment de sa personne. Nous papotons de choses et d’autres avec une certaine complicité.
Alors que je regarde quelques objets sur un étalage, un homme me bouscule en passant derrière moi.
« - Hey ! s’insurge Tristan, me voyant vaciller dangereusement. Vous pourriez faire attention ! »
Il me rattrape par le bras, m’empêchant de m’étaler lamentablement sur la table de l’exposant.
« - Ça va ? me demande-t-il alors, sa main glissant le long de mon avant-bras pour se caler finalement dans le creux de la mienne.
- Oui, merci. Ouff, j’ai failli m’étaler sur le stand ! Merci de m’avoir rattrapé.
- C’est normal. Les gens ne font plus attention à rien, de nos jours… »
Je lui souris avec une petite grimace entendue. Il me tient toujours délicatement les doigts, et son contact est tellement grisant que je ne pense même pas à le lâcher. Et mes yeux se plongent dans les siens, la chaleur passant à travers nos peaux jointes…
Je suis sortie de ma contemplation par ma mère et mon beau-père, qui s’avancent vers nous, accompagnés d’un couple d’environ leur âge.
« - Ah bah tiens Josie, voici ma fille, Lola ! s’enquiert maman, en me désignant de la main.
- Ravie de vous rencontrer enfin, mademoiselle, me salue la femme aux cheveux grisonnants. Ou peut-être… madame ?
- Euh… j’hésite, perplexe. Non non, c’est mademoiselle !
- Oh pardon ! Monsieur n’a pas encore fait sa demande alors » me réplique-t-elle avec un clin d’œil complice.
Je la fixe d’un air ébahit, ne comprenant pas de qui elle parle.
« - Vous ne devriez pas trop tarder, jeune homme, rétorque son mari à l’attention de Tristan. Des jeunes femmes ravissantes comme elle, ça s’envole vite !
Ses yeux glissent furtivement sur nos mains toujours jointes, et je comprends alors l’origine de leur méprise. Je retire brusquement mes doigts de ceux de Tristan, honteuse.
« - Ah non, non ! On n’est pas en couple, hein !! je m’exclame en désignant mon ex du doigt, gênée par ce malentendu.
- Non, nous sommes justes… amis, renchérit Tristan lorsqu’il croise mon regard paniqué, soudain mal à l’aise lui aussi.
- Ah ? Je croyais… Désolé alors » nous répond Josie, visiblement surprise.
Je me sens rougir. Du coin de l’œil, je m’aperçois que Tristan semble aussi déstabilisé que moi, car il se frotte les cheveux d’une main d’un air embarrassé. Nous continuons notre chemin, cette fois en prenant bien soin de laisser nos mains loin l’une de l’autre, la mine honteuse et déconfite.
Je ne sais que penser de cette situation ubuesque. Il est vrai qu’à nous voir tous deux ainsi, mains dans ma main, cela peut porter à confusion. Serions-nous encore à ce point crédibles en tant que couple ?
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