Chapitre 34 - Illusion
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Est-il à ce point stupide pour avoir perdu son sang-froid aussi facilement ??
Il s’en veut terriblement. Il n’aurait pas dû s’emporter autant. Il a bien vu la marque de ses doigts sur son bras en partant, et cela le répugne de lui-même.
Pourtant… Il ne peut s’empêcher de penser à son regard d’abord plongé dans le sien, puis glissant vers ses lèvres avec une certaine envie lui semble-t-il, à son pouls qu’il a vu s’accélérer dans son cou, à ces mots qu’elle n’a pas prononcés. Ils étaient si proches…
A-t-il eu raison de la pousser dans ses retranchements comme il l’a fait ? Bloquée ainsi, dos au mur, il pensait l’obliger à avouer. Et même si elle ne l’a pas fait, il est certain d’avoir décelé une lueur de désir dans son regard, qui confirme son ressenti de ces derniers jours.
Il en est désormais sûr : la flamme entre eux n’est absolument pas éteinte.
Les derniers instants de ces deux jours féériques ont été beaucoup plus compliqués à gérer ensuite. Honteux, il a mis à son tour une distance entre elle et lui. Une gêne s’est même installée entre eux. Il n’ose plus lui adresser la parole, d’autant que le colosse le surveille de près maintenant. Son air menaçant en dit long sur ses intentions à son égard, et il ne veut pas provoquer de tollé avant la fin du séjour, au risque de gâcher ce merveilleux week-end entre amis.
En fin de journée, dimanche, chacun rassemble ses affaires avant de repartir. Tous le saluent gaiement, comme un ami, sauf Maxime évidemment, qui lui a poliment serré la main avec un regard féroce. Fort heureusement, il n’a à priori rien dit de ce qu’il a vu aux autres. Lola serre ses amis dans ses bras avant de monter dans la voiture, où il l’attend déjà bien sagement.
Le début du trajet se déroule dans un silence total et pesant. Elle ne semble cependant pas en colère contre lui. Alors il tente une approche, timidement.
« Lola ? souffle-t-il doucement.
- Hmm ? lui répond-elle, laconique, sans quitter la route des yeux.
- Je… Je voulais te dire… bafouille-t-il, embarrassé, en se passant la main dans les cheveux.
- Oui ? lui demande-t-elle, imperturbable.
- Je… Je suis désolé…
- Pour ?? »
Il n’en revient pas. Elle ne se souvient donc pas ?! Ou bien feinte-t-elle l’ignorance pour l’obliger à se repentir ?
« - Bah… Pour… Enfin, tu sais ? Dans les sanitaires… Avant que Maxime…
- Aaah ! Oui, OK… le coupe-t-elle subitement.
- Je ne voulais pas te faire mal au bras, ajoute-t-il précipitamment pour se justifier, l’air penaud.
- Ce n’est rien. N’en parlons plus. »
Incroyable ! Elle semble effectivement ne pas avoir envie d’en reparler du tout. Lui a-t-elle déjà pardonné ?
***
Ne pas l’encourager. Ne surtout pas l’encourager !
Je dois faire comme si le sujet est clos pour ne pas à avoir à justifier mon mutisme. Pourtant ce n’est pas du tout le cas, et mon cerveau bouillonne en permanence. Le dernier jour du week-end, Maxime ne m’a pas quitté d’une semelle et ses allusions étaient plus que claires à mon égard. Pourtant, et malgré la violence de notre confrontation, je ne pouvais m’empêcher de chercher Tristan du regard. Et je crois que mon ami a compris… Son air attristé me fait mal au cœur, mais je ne pourrais le contredire s’il me posait la question : Oui, je suis toujours attirée par mon ex.
Les jours qui suivent, la gêne entre Tristan et moi est palpable. J’essaie toutefois de donner l’illusion que tout va bien, même si ce n’est pas le cas.
Je fais en sorte de ne pas paraitre trop agressive, souhaitant lui montrer que je n’ai pas retrouvé pour autant mon animosité envers lui, tout en maintenant un semblant de bonne entente entre nous.
Pourtant… Chacune de nos discussions, chacun de nos regards échangés, chacun de nos contacts incongrus provoquent en moi une montée d’adrénaline que je ne contrôle pas. Une sensation que je prends un malin plaisir à provoquer délibérément, qui plus est ! Car je cherche en permanence sa présence à mes côtés. Et quand il n’est pas là, je ressens un manque inexplicable. Je dois me rendre à l’évidence : Mes sentiments ne s’arrêtent pas à une simple attirance physique.
Et ça, ce n’est pas une bonne nouvelle pour ma raison ! Car ce que mon cœur ressent en ce moment fait dangereusement pencher la balance en sa faveur.
Au fond de moi cela dit, je lui en veux toujours pour son abandon. Même si j’ai compris la raison qui l’a poussé à partir, je ne comprends toujours pas pourquoi il ne m’a rien dit de tout cela à l’époque. Ni pourquoi il s’est littéralement enfuit, en ne me laissant que de vagues explications dans une lettre qu’il n’a même pas eu le courage de me remettre en main propre, et dans laquelle il m’a effrontément menti sur ses intentions en me faisant croire qu’il ne m’aimait plus.
Malgré mes interrogations et le combat qui fait rage en moi-même, et afin de faire bonne figure, je continue de lui sourire et rire à ses blagues, même si je sens qu’il n’est pas plus à l’aise que moi. Nos rigolades sont moins naturelles, plus pudiques désormais. Et je ne saurais dire si cet embarras provient du fait que nous nous sommes disputés, ou de l’attirance évidente qu’il y a eu entre nous ce jour-là.
Je fais de mon mieux pour paraitre tout à fait sereine, alors que mes joues rosissent à chaque fois que je sens son regard sur moi, ou que mes yeux se posent sur ses lèvres qui me tentent tant. Je repense à leur proximité, au souffle chaud de sa bouche si près de la mienne, à cette envie irrépressible d’y goûter à nouveau. J’ai beau essayer de me concentrer sur autre chose, mes pensées reviennent inconditionnellement vers cette partie de son corps, et alors mon cœur s’emballe de plus belle. Je dois me reprendre, et vite ! Car, cette fois j’en suis certaine, il a définitivement décelé mon désir pour lui…
***
Il ressent sa gêne autant que la sienne.
Ils ne se sont pas expliqués plus que cela depuis ses excuses à demi-mots dans la voiture. Mais il sent bien que cela à créer une tension entre eux.
Elle fait mine de rien, et lui aussi, mais il voit bien que son comportement a changé. Même si leurs rapports sont toujours cordiaux, voir amicaux, il constate cependant qu’elle se met régulièrement à rougir, notamment lorsque son regard se pose sur lui ou inversement. Chose qui n’arrivait pas auparavant.
Par moment, lorsque leurs peaux entrent en contact par mégarde, un frisson électrique les traverse tous deux. Et dans ces instants, lorsqu’il croise son regard, il est quasiment certain d’y apercevoir une étincelle de désir. Une bouffée de chaleur prend alors possession de lui, jusqu’à ce qu’ils s’écartent rapidement l’un de l’autre, tous deux tout aussi gênés.
Il ne sait plus sur quel pied danser depuis ce week-end. Il aimerait tout lui avouer, car il est désormais certain qu’il y a encore un espoir avec elle. Les raisons qui l’ont poussé à partir - même si elle semble déjà en partie au courant, et il ne sait trop comment - la souffrance qu’il a, lui aussi, ressenti lorsqu’il a dû l’abandonner, son envie de la retrouver chaque jour durant toutes ces années… Il est persuadé qu’elle comprendrait mieux son attitude de l’époque, et que cela atténuerait peut-être sa rancœur envers lui une bonne fois pour toute. Peut-être même qu’elle le pardonnerait enfin. Mais peut-être devrait-il d’abord mettre les choses au clair sur les évènements de ces derniers jours en priorité ?
Oui, c’est ça : il va d’abord s’excuser correctement sur ce sujet.
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