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Sous le choc, il reste figé, ne sachant que faire, ni comment réagir.

Et puis, il l’aperçoit sortir du bureau du directeur, l’air complètement étourdi. Lorsqu’il croise son regard, il décèle immédiatement un vent de panique dans ses yeux. Brusquement, elle s’enfuit de nouveau, cette fois en direction de l’extérieur.

Esther, qui a observé la scène, le regarde d’un air hébété, lui faisant signe de la rattraper avec fureur. Il se lance alors aussitôt à sa poursuite, et la rattrape finalement sur le parking du bâtiment.

« - LOLA !! ATTENDS ! lui crie-t-il, avant de la retenir par le bras. Attends, je t’en supplie… Il faut vraiment qu’on parle, tous les deux.

- Non, je… Je ne veux pas… Je ne peux pas… »

Elle semble complètement désemparée. Mais il faut qu’il lui explique.

« - Alors, dans ce cas, écoutes-moi simplement, rétorque-t-il, avant de prendre une profonde inspiration.

« Quand je suis parti, il y a quinze ans, j’étais… Je me suis comporté comme un abruti. Je ne t’ai rien dit de mes intentions avant parce que je ne voulais pas que tu tentes de me suivre aux Etats-Unis. Je ne savais pas ce que j’allais devenir, mon avenir était trop incertain, et je ne voulais pas que tu gâches tes chances ici. En plus, mon père n’approuvait pas notre relation, tu sais… Il considérait que tu étais… Comment disait-il déjà ? « Une fille de pauvre » … Alors forcément, tu faisais tache dans le paysage de son futur riche héritier, tu comprends. Notre amour lui importait peu, et il ne m’a pas vraiment laissé le choix.

« Bref. J’ai pensé qu’il serait plus facile pour toi de croire que je t’avais largué pour aller draguer ailleurs, et que tu pourrais plus facilement refaire ta vie si tu me détestais. C’est ridicule, je le sais aujourd’hui. Je n’ai jamais su que tu avais autant souffert… Je ne savais pas pour ta dépression, ni que tu n’avais jamais voulu te remettre en couple à cause de notre rupture. Je ne pensais pas que notre séparation aurait eu un impact aussi important sur ta vie sentimentale. Et je tiens à dire que je suis profondément et sincèrement désolé pour le mal que cela t’a fait à l’époque… Je pensais franchement que tu t’en remettrais.

« D’ailleurs, en y repensant, moi non plus je ne m’en suis jamais vraiment remis, pour être honnête… Je ne voulais pas t’abandonner, je ne voulais pas rompre… Mais je pensais ne pas avoir d’autre choix. Je m’en suis tout de suite voulu, énormément… J’ai regretté à la seconde même où je suis monté dans l’avion pour les States. Je ne suis jamais passé à autre chose, tu sais, même si j’ai pourtant essayé. Mais j’été seul, et perdu. J’ai essayé de faire bonne figure, de m’intégrer. J’ai voulu suivre l’exemple de mon père, qui avait l’air heureux en profitant de la vie et de notre richesse. Je me suis dit que c’était peut-être ce que j’avais de mieux à faire. Alors j’ai participé aux fêtes débridées et excessives de mon père, qui flambait notre fortune sans s’en rendre compte. J’ai but, beaucoup, et j’ai couché avec de nombreuses femmes en pensant que cela m’aiderait à t’oublier, à noyer mon chagrin. Mais cela ne m’a jamais comblé. Je n’ai jamais retrouvé les mêmes sensations qu’avec toi…

« Ensuite j’ai fait la rencontre d’une femme, Cristal. Elle te ressemblait beaucoup. Physiquement, je veux dire. Et je me suis dit que c’était une chance de te remplacer. J’ai tenté de combler le vide que tu avais laissé dans mon cœur avec elle. Je croyais pouvoir la faire te ressembler aussi moralement et mentalement. Mais ça n’a pas marché, évidemment… Elle n’avait pas les mêmes goûts que toi, pas les mêmes centres d’intérêts… Et même si j’ai voulu tout de même y croire, elle n’a jamais été toi, et c’était logique. Bêtement j’ai cru qu’en la demandant en mariage, ça m’aiderait à l’accepter telle qu’elle était. Mais sur ça aussi, je me suis trompé… Elle sentait bien que quelque chose clochait, que je n’étais pas tout à fait honnête avec elle. Et puis, lors d’une énième dispute, par mégarde, je l’ai appelé par ton prénom… Et c’est là qu’elle a compris… C’était la goutte d’eau. Je lui ai tout avouer, et elle a rompu nos fiançailles une semaine avant le mariage.

« Après ça, j'ai eu une longue discussion avec ma mère concernant ma rupture avec Cristal. Elle m’a ouvert les yeux, et j’ai finalement compris que je n’arriverai jamais à te remplacer vraiment. Que c’était toi et personne d’autre qui me correspondait. Alors je t’ai cherché, partout. J’ai passé des heures sur Internet pour te retrouver. J’ai même engagé un détective privé. J’ai alors découvert que tu travaillais dans une société d’assistanat managériale, et que tu avais été formée par une des plus renommée du métier, Madame Ediano. J’ai donc décidé d’organiser un voyage en France et d’appeler ta boîte pour obtenir une aide. Au début, je voulais simplement t’expliquer les vraies raisons de mon départ, pour que tu comprennes que ce n'était pas totalement ma faute. Je ne sais pas trop ce que j’espérais, si je m’attendais à ce que tu me pardonnes… Mais je voulais que tu saches… Bref. Quand j’ai appelé, je suis tombé directement sur Eric, qui n’a eu de cesse de me venter les nombreux talents et le professionnalisme de sa meilleure assistante. Alors j’en ai profité pour demander que ce soit toi, et toi seule, qui prenne en charge mon séjour. Evidemment, il n’a pas pu refuser. Mais rassures-toi, je ne lui ai rien dit de notre passé. Et maintenant, je suis là…

« Voilà… Tu sais tout désormais… »

***

Il récite son discours comme un poème appris par cœur, presque impassible. Il me fixe droit dans les yeux, convaincu par le bienfondé de sa démarche. Il ne s’arrête pas avant la fin de son récit, qu’il m’a balancé comme un poids dont il s’est visiblement soulagé.

Comment sait-il tout cela à propos de moi ??

J’ai le cœur qui bat à tout rompre, bouleversée par ses révélations. Et il tient toujours fermement mon bras dans sa main.

« - Pourquoi tu n’as pas cherché à me retrouver avant alors ? je lui demande presque en le suppliant, les larmes me montant aux yeux. Pour me dire tout ce que tu viens de me dire, par exemple…

- Parce que… hésite-t-il, confus. Parce que je pensais que tu m’avais oublié. Que tu avais refait ta vie. Et que c’était peut-être mieux ainsi…

- Mais c’était faux !! je m’offusque, les larmes coulant désormais sur mes joues.

- Oui, je le sais maintenant ! Mais à ce moment-là, ça n’était pas le cas… Je regrette aujourd’hui, je t’assure ! J’aurais dû chercher à reprendre contact avec toi, je n’aurais pas dû te mentir, ni t’abandonner…

- Avec aussi peu de considération, j’ajoute, pleine d’amertume.

- Oui… Avec aussi peu de considération, je dois l’avouer… Mais c’était aussi difficile pour moi, tu sais. Et j’ai été lâche en plus, c’est vrai… Je n’ai pas eu le courage de te dire adieu en face… Mais je ne voulais pas voir la souffrance et la tristesse dans tes yeux magnifiques. Je n’aurais jamais réussi à partir sinon…

- J’aurais pu venir avec toi !

- Il ne fallait pas…

- J’aurais fait carrière là-bas au lieu d’ici. Ça aurait changé quoi ??

- On n’aurait pas forcément été dans le même campus… Ni même dans le même état… Peut-être même à des kilomètres l’un de l’autre ! Ça revient au même que de se quitter…

- Si tu m’avais expliqué tout ça avant, j’aurais compris !

- Je ne pense pas, non…

- Comment peux-tu en être aussi sûr ??

- Parce que je te connais assez, Lola Terramare !! Assez, pour savoir à quel point notre amour était fort, et à quel point tu peux te montrer têtue aussi ! Je sais pertinemment que tu ne m’aurais jamais laissé partir, même en sachant les raisons réelles de mon départ. Je crois même que ça aurait probablement été pire, tu ne crois pas ? »

Je déglutis difficilement, des sanglots me remuant légèrement. Il a raison. Je sais qu’il a raison. Mais je ne peux l’admettre.

Je suis en colère contre lui. Tout ce temps perdu…

Et en même temps, je me sens rassurée : Il ne m’a pas quitté par manque d’amour, ou pour s’éclater avec une autre. Il m’aimait encore. Notre amour comptait quand même pour lui aussi, finalement.