Rencontre

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En cette fin de soirée, il y a beaucoup de monde au parc.

Des familles bruyantes et colorées, petites hordes reliées par le même sang, ont déployé des nappes au sol et sorti de leurs paniers de pique-nique toutes sortes de délicieuses choses à picorer mais aussi plein de cochonneries parce que les repas de plein air servent à cela aussi.

Il y a aussi des groupes de jeunes, filles et garçons qui chahutent, se vannent et répondent invariablement "flemme" quand on leur propose quoi que ce soit. ça picole, ça rigole, ça cajole, ça chantonne, ça marmonne, ça joue aux bonhommes, laissons-les à leurs occupations, ils n'ont besoin de personne.

Il y a aussi les solitaires, venus ici pour trouver un peu de calme (tu parles !), avec un livre ou un chapeau, une thermos remplie d'eau fraiche ou de thé brûlant. Ils observent, rêvassent, sourient ou s'agacent. Eux non plus ne nous intéressent pas, en tous cas pas ici et pas pour le moment.

Au détour d'un chemin ou au milieu d'une clairière, il y a peu de témoins pour se souvenir du début, ils se retrouvent face à face.

Au début, un regard. Pas un coup d'oeil jeté quand on sait que ce n'est pas important. Un vrai regard, long et profond. Les yeux qui farfouillent la pupille de l'autre, qui s'immiscent dans la profondeur de l'âme, dans la douce noirceur / blancheur des sentiments.

Ils sont à quelques pas l'un de l'autre et ils se mangent du regard. Immobiles. Changés en pierre.

Ils ne se connaissent pas, ils ne se sont jamais vus.

L'un fait quelques pas en direction de l'autre, il approche, s'arrête juste à côté. Leurs yeux ne se sont pas lâchés.

Et là, shoot olfactif. Ils se reniflent, toujours sans bouger, toujours sans ciller. Des effluves mélangées arrivent, odeur de peau, odeur musquée, odeur indéfinissable mais que, pourtant, chacun reconnait.

Odeur primale, animale, primitive et injonctive.

De celle qu'on passe l'essentiel de notre vie à chercher.

Le temps est arrêté, suspendu.

Et puis, un sifflement, puis un deuxième, un cri, quelques paroles.

- Allez, viens, on rentre à la maison.

- Au pied, tu laisses maintenant.

Alors, les yeux se quittent, chacun part de son côté, retrouve sa vie, son maître ou sa maîtresse.

Mais ils ont tous les deux appris l'odeur de l'autre, sans se toucher. Et plus jamais, ils ne l'oublieront.

Ce n'étaient que des chiens, ni chat, ni souris, mais l'intensité de leur première rencontre ressemble à celle de Lui et Elle.

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