Chapitre 9 : Les ambitions d'un prince (première partie)

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Owen quitte Altassaïr comme prévu, dans l'aube naissante. Après avoir regagné rapidement sa tente, en quittant la reine, il est ressorti pour chercher Ingir et la seller. Ce faisant, Olaf le rejoint.

- Je te souhaite bon voyage, Owen. Je suis certain que tu pourras être d'une grande aide pour les gens de Lessar.

- Merci, Olaf.

- Nous nous reverrons certainement bientôt.

- Je l'espère.

Le jeune homme monte rapidement et souplement en selle, prend les rênes d'Ingir, ajuste son manteau, car l'air est encore frais. Son visage se tourne un instant vers la résidence royale, puis il fixe Olaf.

- J'espère que tout se passera bien pour vous, dans les jours à venir. Que le retour en Rankir sera moins difficile que ce que nous avons connu.

- Si le Grand Maître nous accompagne, il ne pourra rien nous arriver de mal. Va sans crainte, dit Olaf avec un léger sourire.

Owen hoche la tête, retient difficilement un soupir. Les heures passées lui apparaissent déjà comme dans un rêve, mais leur intensité demeure gravée en lui.

- Owen... N'oublie pas ce que nous avons à faire. Nous ne devons pas perdre cela de vue. C'est important pour l'équilibre de ce monde. Même si ce n'est pas tous les jours facile.

Les deux hommes se regardent un moment et Owen prend conscience qu'Olaf a perçu certainement les tourments qui l'agitent et qu'il s'était pourtant efforcé de cacher. Mais il n'est plus l'heure, maintenant, d'en parler. Il lui faut prendre la route.

- A bientôt, conclut Olaf en donnant une petite tape sur la croupe d'Ingir avant qu'Owen ne la lance au galop.

Devant lui s'étend la vaste plaine, caractéristique des Hautes Terres. De belles prairies, dans lesquelles il est aisé de cheminer. Son cœur est encore agité par ce qu'il a partagé au cours de cette nuit avec Kaïra, mais il s'efforce de calmer ces émotions grâce à la beauté du jour naissant et l'air frais qui fouette son visage. Olaf avait raison de lui rappeler son devoir. Mais il sait aussi que Kaïra demeurera à jamais dans son cœur.

Il galope ainsi toute la matinée, laissant par moment Ingir choisir le rythme. La jument semble avoir compris qu'ils ont une longue route devant eux et Owen sait qu'elle est capable de ralentir son allure en cas de fatigue. Il marque une courte pause en début d'après-midi, quand les rayons du soleil écrasent de leur chaleur la plaine qui semble s'étendre jusqu'à l'infini. Pour avoir déjà parcouru les Hautes Terres, il sait qu'il en a au moins pour quatre à cinq jours avant de voir la fin de la plaine, de deviner les premières collines, contreforts des Montagnes Blanches. Il y chevauchera encore une bonne journée, avant d'obliquer vers le levant, pour contourner les Montagnes, les longer simplement et trouver le passage de la Vallée Brumeuse qui le mènera en Lessar, de l'autre côté. Il n'est jamais allé jusque-là, même s'il a aperçu les Montagnes Blanches avec Adena. Cela lui semble loin dans le temps et, pourtant, il avait déjà seize printemps quand ils avaient parcouru les limites des Hautes Terres, allant de la Grande Mer Salée jusqu'aux confins montagneux.

**

Dame Hilayna rejoint la reine alors que celle-ci est déjà prête pour un léger repas. Son visage est impassible, ne dévoilant rien de ce qu'elle a vécu au cours de la nuit, même si une très légère ombre sous ses yeux peut apporter la preuve qu'elle n'a pas beaucoup dormi. Au cours du repas, Hilayna et les conseillers l'entretiennent de la longue réunion à venir.

- C'est une des rencontres les plus importantes de notre séjour, commence Lorrek. Tous les Régnants et leurs proches conseillers sont rassemblés.

- Vous serez présents tous les deux, alors, décide Kaïra.

- Comme il vous plaira, Majesté, répond Van'dal qui pensait que la reine demanderait uniquement à Lorrek de l'accompagner.

- Quelles questions doivent-elles être abordées ?

- Et bien, tout ce qui concerne les accords de coopération et d'entente. Certains peuvent vouloir apporter des modifications, revoir des points du traité d'alliance. En ce cas, il faudra que ce soit accepté par tous.

- Les décisions se prendront aujourd'hui ?

- Uniquement pour celles qui ne portent pas à polémique. Pour les autres, ce ne sera accepté ou refusé que lors des dernières journées.

- Bien, dit Kaïra. Le Grand Maître sera présent, j'imagine.

- Bien entendu, ainsi que plusieurs Gardiens et Gardiennes.

- Parfait, répond simplement la jeune souveraine. Terminons notre repas et allons-y. Je voudrais saluer le roi Erandur avant le début de la réunion.

Peu après, ils gagnent le palais, accompagné par Olaf. Lorrek s'inquiète de l'absence d'Owen.

- Maître Owen n'est pas avec nous ce matin ?

- Le Grand Maître lui a confié une nouvelle mission. D'importance, répond Olaf en fixant le conseiller, mais en portant son attention vers Kaïra. Il ne sera pas des nôtres pour les jours, et même, les semaines à venir.

- Oh ! s'étonnent les deux conseillers sans remarquer que la reine reste impassible. Mais…

- Le Grand Maître n'a pas eu le temps de vous en tenir informés, mais je peux affirmer qu'il le fera dès ce matin. Le temps lui était compté hier.

- Est-ce à dire que cette mission est dangereuse ? demande doucement Kaïra dont le visage n'exprime rien d'autre qu'un léger étonnement.

Olaf se dit qu'elle possède vraiment une grande maîtrise de ses émotions, car il ne perçoit que son trouble intérieur.

- Pardonnez-moi, Majesté, Messires, mais je ne peux en parler. Je peux vous assurer cependant que le Grand Maître veillera à ce que nous puissions repartir vers Rankir en toute sécurité. Un autre Gardien ou une autre Gardienne sera à mes côtés pour vous escorter.

- Vous m'en voyez soulagé, dit Van'dal. Et bien, maintenant… allons.

Ils pénètrent tous dans le palais royal et sont rapidement conduits dans la grande salle où se déroulera la réunion. En la voyant entrer, le roi Erandur se dirige aussitôt vers Kaïra et la petite délégation qui l'accompagne. Le Grand Maître est déjà présent, mais il y a encore peu de monde. La plupart des participants ne sont pas encore arrivés.

- Madame, je suis heureux de vous voir si tôt ce matin, la salue le roi avec respect.

- Merci, Sire. Je suis venue tôt, car je voulais m'entretenir un instant avec vous avant que la réunion ne commence.

- Voulez-vous me suivre ? Nous pourrions discuter plus tranquillement dans un des petits salons proches.

Tous, y compris Olaf, suivent le roi jusqu'à une pièce qui donne sur les jardins. La fenêtre en est ouverte, il y fait une température très agréable. Le roi désigne aussitôt un fauteuil à Kaïra qui y prend place. Il s'assoit à ses côtés, Van'dal et Olaf restent debout, Lorrek plane à côté d'eux.

- De quoi vouliez-vous parler, Madame ?

- Et bien, c'est la première des grandes réunions que nous allons mener et, pour moi, c'est vraiment une première. Je voulais avoir votre avis avant qu'elle ne commence. Si vous pensez que des questions importantes vont être soulevées.

- Et bien, c'est fort possible. Notamment en ce qui concerne les droits de passage dans certaines contrées. C'est une question toujours délicate. Certains estiment que le droit d'hospitalité et d'accueil doit primer, d'autres pensent au contraire qu'il faut dédommager les royaumes traversés. Ce n'est pas une question facile.

- Il faut favoriser les échanges, n'est-ce pas ?

- Dans le meilleur des cas, oui. Car cela est bénéfique pour tous. Mais pour certains royaumes, comme c'est le cas par exemple pour vos voisins de Salarin, il arrive que des voyageurs ne fassent que traverser leur contrée, sans rien y apporter. Mais ils sont pourtant heureux d'y trouver le gîte et le couvert.

- Hum, je comprends. Avez-vous vous-même une idée à proposer ? Mon propre royaume se trouvant en bordure de l'Océan, nous ne rencontrons pas vraiment ce problème. Car même si des voyageurs viennent jusqu'à nous, c'est souvent pour y demeurer, ou pour faire du commerce. Nous ne sommes pas perdants.

- Il est rare qu'on le soit. Mais certains veulent gagner sur tous les plans.

Kaïra réfléchit. Elle saisit ce que lui dit Erandur. Et il est fort possible que Galiané - mais sans aucun doute, Bramé également - aimerait que des droits de passage soient instaurés. Y compris pour ceux qui apporteraient de la richesse à son royaume. Il ne lui a pas semblé que les terres de Salarin étaient pauvres, au contraire.

- Pourrions-nous imaginer un système qui, sans réduire les échanges et les voyages, serait profitable aux petits royaumes ? Il existe des terres riches qui ne souffrent pas de la présence de voyageurs. Pour d'autres, plus pauvres, je peux comprendre que cela serait un apport financier non négligeable.

Erandur la regarde quelques secondes en silence. Malgré sa jeunesse, Kaïra a de la réflexion et de l'intelligence. Elle cherche une solution acceptable par tous. Il se dit qu'elle peut être une bonne alliée. Il se souvient aussi que son père était un homme juste et un ardent défenseur de l'Entente entre les royaumes. Il n'oublie pas non plus que Rankir fut le premier royaume à soutenir l'Ordre des Gardiens, il y a très longtemps de cela.

- C'est possible. Nous pouvons toujours proposer un système progressif. Mais avant, il faudra parler de cela avec d'autres personnes, sourit-il.

- Bien entendu.

- Je crois qu'il va être temps, Madame, de rejoindre nos compagnons. Beaucoup doivent être arrivés maintenant.

Et ils ressortent du petit salon pour rejoindre la salle de réunion.

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