Chapitre 17 (deuxième partie)

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Leur voyage se déroule sans encombre, à travers un paysage verdoyant. De douces collines s'ouvrent sur de jolies vallées, le pays qu'ils traversent est en paix. Owen préfère éviter les villages, les hameaux, et dormir à la belle étoile, ce qui ne gêne nullement Siwu. Enfin, après une demi-lune de chevauchée, par une belle fin d'après-midi, ils voient se dessiner dans le lointain la belle forêt de Lanomeur, masse déjà sombre dans le soleil déclinant.

- La forêt est vaste. Sais-tu où aller exactement, Owen ?

- Pas vraiment. Nous ne la trouverons qu'à la nuit, de toute façon. J'ai la vision de son passage derrière des arbres, au-delà d'un chaos rocheux… Ce n'est pas très précis.

- Comment comptes-tu la charmer ?

Le jeune homme secoue la tête.

- Je l'ignore. L'approcher et la voir seraient déjà un exploit. Alors s'en emparer…

- Il faudrait trouver quelque chose qui l'attire.

- Tu sais qu'on ne peut la toucher directement.

- Il faudra pourtant lui mettre une longe... Jamais elle ne nous suivra de son plein gré, quels que soient notre destin et le sien.

- Nous pouvons fabriquer un petit lasso pour nous en saisir. Mais avant, il faut l'approcher. Qu'est-ce qui peut l'attirer, à ton avis ?

Siwu, toujours assis devant Owen, pose ses coudes dans la crinière d'Ingir et appuie son menton dans ses mains.

- Pas la peine d'essayer avec de la nourriture... ni des bijoux. Un chant mélodieux la ferait fuir. Il faudrait… une perle de pluie des origines, un éclat du premier rayon de soleil sur le monde, une poussière d'étoile… Enfin, je dis n'importe quoi. On croirait les mots d'un poète…

Owen pousse doucement des talons contre le flanc d'Ingir pour la guider dans la pente de la colline et gagner la plaine. Alors qu'ils passent près d'un buisson argenté, un rayon de soleil le fait briller d'un bref éclat doré. Lui vient alors à l'esprit l'image d'une feuille…

- J'ai peut-être quelque chose qui ressemble à ce que tu as décrit, Siwu. Nous verrons si j'ai raison.

Et il lance Ingir au galop en direction de la forêt dont ils atteignent l'orée dans les derniers feux du soleil couchant.

**

Ils prennent un peu de repos durant les premières heures de la nuit, avant d'y pénétrer. La voûte arborée leur cache rapidement la faible lueur des étoiles. Mais la nuit est claire, le chemin large. Et Siwu peut les mener aisément : en tant qu'habitant des profondeurs, il voit la nuit comme en plein jour, et peut-être même mieux. Quant à Owen, sa connaissance, son intuition, sont aussi de bons guides. La forêt semble s'ouvrir à leurs pas. Ils cheminent aisément, tous deux toujours en selle. Ingir avance paisiblement. Owen sait qu'elle pourra sentir le danger avant lui, même s'il fouille déjà les ombres de ses pensées, cherchant les ondes étranges pouvant provenir du passage de la licorne.

C'est à l'heure la plus sombre de la nuit qu'Owen perçoit comme un appel. Il descend avec souplesse d'Ingir, repasse ses rênes par-dessus sa tête et la mène sans bruit sur le chemin. Dans le lointain, une légère aura bleutée se devine.

Siwu lui pose la main sur l'épaule. Owen s'arrête, regarde son ami. Ce dernier se penche vers lui et lui murmure à l'oreille :

- Laissons Ingir ici. Et approchons-nous doucement.

Owen hoche la tête en signe d'assentiment.

S'accroupissant, marchant prudemment et silencieusement, tous deux s'approchent de l'aura qu'ils distinguent entre les arbres, devenant de plus en plus nette. Owen a sorti de son petit étui de cuir la feuille donnée par la reine Eléanor et Siwu tient dans ses mains une longe tressée, terminée par un nœud coulant.

Enfin, ils arrivent près d'un chaos rocheux qui ressemble à celui qu'Owen a vu dans le monde des Esprits. Au milieu, baignant dans cette lumière irréelle, se trouve un animal à peine plus grand qu'une chèvre, d'un blanc laiteux. On dirait un petit cheval, à la crinière bouclée, aux sabots droits et bien dessinés, à la longue queue fournie. Elle porte sur son front une fine corne torsadée qui pointe entre ses deux petites oreilles. Immobile, elle contemple son reflet dans l'eau qui court entre les rochers.

Owen observe la scène, fasciné. La licorne est si belle et si pure, qu'il hésite vraiment à la faire prisonnière. Mais il sait aussi que si lui ne parvient pas à la protéger, elle court un grand danger à rester seule en ce monde.

Il se recule un peu, fait signe à Siwu. En quelques gestes et mots échangés tout bas, le Gronfall comprend ce que compte faire son ami. Fluide et léger comme l'air, il se glisse à travers les grosses racines des grands arbres et s'approche de la licorne, en la contournant et en prenant grand soin de ne pas entrer dans l'aura.

De son côté, Owen part vers le haut du chaos, pour rejoindre le lit du petit ruisseau. Il y dépose la petite feuille de l'Arbre Eternel et la regarde descendre dans le lent courant. La licorne relève soudain la tête, en voyant la petite feuille passer devant elle. Elle la suit, ne la quittant pas des yeux. Et au moment où elle veut se pencher pour l'attraper, allongeant ainsi sa jolie tête et son cou fin, Siwu lance d'un geste précis et rapide la longe, dont le nœud coulisse autour du cou de la licorne. Celle-ci fait un bond en arrière, mais il est trop tard : elle est prisonnière.

Owen s'est redressé d'un coup et descend rapidement en sautant sur les rochers. Quand il arrive à sa hauteur, il s'agenouille devant elle avec respect. Siwu tient toujours très solidement la longe.

- Jolie licorne, je suis un Gardien des Origines. Je connais vos pouvoirs. Mais je sais aussi que vous pouvez être en grand danger. Je ne vous veux aucun mal, seulement vous protéger. Vous ne pouvez pas rester ici.

- Humain... Laisse-moi partir... Libère-moi ! Je vais retourner chez les miens.

- Je vous aiderai à le faire, mais j'ai aussi besoin de vous.

La licorne est restée calme et fixe le jeune homme avec douceur, retenant son regard. Owen est comme hypnotisé par les beaux yeux d'un bleu très clair, presque blanc, de la licorne. Elle ne dit rien, le regarde comme si elle lisait clairement en lui, en son cœur et en son âme. Puis elle baisse la tête, rompant ainsi le charme.

- Tu ne me laisses pas le choix, Humain. Je dois te faire confiance.

Alors Owen prend la longe des mains de Siwu et ramène la licorne vers Ingir. Ils repartent aussitôt, et atteignent l'orée de la forêt au petit jour. Ils vont chevaucher dans la plaine durant encore deux bonnes heures avant qu'Owen décide de s'arrêter pour prendre un peu de repos. Il attache soigneusement la longe de la licorne à un pieu qu'il fabrique avec une branche solide. Siwu va veiller.

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